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à l'improvisation, elle est toujours praticable, en ce sens qu'on peut toujours articuler des mots; mais sans méthode, il est impossible qu'elle arrive à obtenir un succès réel, à produire des fruits durables, à graver dans l'esprit des auditeurs des choses qui y

restent.

Il est donc de nécessité absolue que les pensées principales forment une série sans interstice, se rattachent les unes aux autres et s'enchaînent par un lien logique; que chaque fragment considérable amenant un repos de l'élocution ait son début, son milieu et sa fin; que l'auditeur captivé puisse suivre aisément le fil du discours, et que, s'élevant ainsi d'idée en idée sans que la succession présente de rupture, il se laisse entraîner vers un dernier appel, un dernier trait qui le relâche et le livre à luimême.

Le fond de la vraie méthode, de celle qui vient d'être définie, est donc une logique naturelle et rigoureuse dans l'exposition générale des idées du discours.

Le moyen le plus efficace est de ne point sortir,

tesse; l'enchaînement des idées sert de guide à la mémoire. «Ma mémoire difficile ne pouvait retenir, dit Reinhart, que » ce qui était bien lié; plus mon sermon était régulièrement >> distribué jusque dans ses dernières sous-divisions, et moins >> j'avais de peine à l'apprendre (Lettres, etc., p. 82).. »

de ne point s'éloigner du plan qu'on s'est tracé. Disposez le plan du discours comme vous l'entendrez, pourvu qu'il soit méthodique; mais restez-y fidèle.

La forme, l'artifice oratoire qui assure la méthode, est dans les finales et les transitions. Chaque groupe d'idées doit conduire, comme pas pas, l'attention de l'auditoire et le débit de l'orateur vers une idée finale qui en est le couron

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nement.

Chaque finale doit toucher, pour ainsi dire, à la transition qui amènera et l'attention et le débit à entamer le groupe d'idées qui suit.

Ce système, on le voit, n'est point de convention; il est donné, il est régi par les lois mêmes de l'esprit humain. Dans les conceptions de notre esprit et dans nos paroles qui en sont l'expression, rien n'est isolé, détaché, sans précédents et sans conséquences; tout se succède; il y a liaison, quand il semble qu'il n'y en a pas. C'est cette loi de notre intelligence qu'il s'agit de suivre dans la composition d'un sermon, et dont l'observation facilite ensuite et favorise le débit.

Et c'est parce que rien dans ce système n'est artificiel et arbitraire qu'il offre moins de difficulté qu'on ne croit à mettre en pratique. Il demande,

comme toute opération de logique, une certaine force, une certaine habitude de réflexion; il suppose que le sermon, écrit ou improvisé, a été préparé dans le sens sérieux du mot; il ne suppose, il n'exige rien de plus.

Néanmoins je crois pouvoir dire que le manque de méthode est le plus commun défaut de la prédication. Que de sermons auraient produit et laissé une impression excellente, si, après l'audition, la mémoire de l'assemblée avait pu s'y reconnaître et retrouver la vivacité des effets dans la liaison et la facilité des souvenirs !

Ce défaut, le plus désavantageux peut-être de tous, est le plus inexcusable, d'autant plus qu'il provient le plus souvent d'un travail écouté et insuffisant. On ne peut pas se donner toutes les qualités de l'orateur; mais, en s'imposant la peine nécessaire, on peut lier ses idées et procéder avec ordre dans la composition d'un discours.

Il faut attacher une telle importance à l'ordre et à la méthode, à la division régulière, nettement tranchée, et visible, dirai-je, des grandes parties du sermon, que tout ce qui seconde cet ordre et le rend apparent pour l'auditoire, doit être jugé utile. On rencontre des prédicateurs, qui débitent le sermon d'une seule volée, sans repos, sans interrup

tion certes, la faute est légère, s'il y a des fautes légères en éloquence; mais c'en est une. On exige trop ainsi du silence, de l'immobilité de l'auditoire ; les attentions moins fermes que d'autres en éprouvent quelque impatience; les attentions moins intelligentes que d'autres ont d'autant plus de peine à se rendre compte de la marche du discours. II semble naturel de s'arrêter un instant après l'exorde et avant la péroraison ; l'on voit ce que l'on risque, non ce que l'on gagne, à suivre l'usage différent et à ne point prendre haleine.

1

Le Faucheur donne le même conseil (Traité, etc., p. 141).

XVII

DES SERMONS SANS GRADATION.

La méthode suppose la gradation, et cette seconde règle est un corollaire de la première.

Il faut entendre par gradation cette progression régulière à travers le discours entier de ce qui suit sur ce qui précède, de telle sorte que chaque point l'emporte en intérêt, en vigueur, en émotion, sur le précédent, le corps du sermon sur l'exorde, la seconde partie sur la première, la péroraison sur le tout.

N'oublions pas, je le répète, qu'il s'agit de soutenir la chaleur du débit et l'attention d'une assemblée jusqu'à la fin; sans une gradation bien ménagée, il est évident que ni l'un ni l'autre but ne peut être atteint; du moins, ils ne le seront que très-imparfaitement.

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