FRAGMENT D'UN PROLOGUE D'OPÉRA. 395 PROLOGUE LA POÉSIE, LA MUSIQUE LA POÉSIE. Quoi! par de vains accords et des sons impuissants LA MUSIQUE. Aux doux transports qu'Apollon vous inspire, Je crois pouvoir mêler la douceur de mes chants. LA POÉSIE. Oui, vous pouvez aux bords d'une fontaine Avec moi soupirer une amoureuse peine, Ne me sauraient prêter qu'une cadence vaine, LA MUSIQUE. Je sais l'art d'embellir vos plus rares merveilles. On ne veut plus alors entendre votre voix. LA MUSIQUE. Pour entendre mes sons, les rochers et les bois LA POÉSIE. Ah! c'en est trop, ma sœur, il faut nous séparer: Nous allons voir sans moi ce que vous saurez faire. LA MUSIQUE. Je saurai divertir et plaire; Et mes chants, moins forcés, n'en seront que plus doux. Racine un opéra, dans lequel ils crurent effacer ce poète qu'ils méprisaient, et montrer la facilité d'un genre d'ouvrage dont ils ne parlaient qu'avec dédain. Despréaux en fit le prologue, que par malheur aucun musicien ne put venir à bout de mettre en musique; Orphée même y aurait échoué. On ne voit rien de semblable dans l'Avertissement au lecteur de Boileau. LA POÉSIE. Eh bien, ma sœur, séparons-nous. LA MUSIQUE. Séparons-nous. LA POÉSIE. Séparons-nous. CHŒUR DES POÈTES ET DES MUSICIENS. Séparons-nous, séparons-nous. LA POÉSIE. Mais quelle puissance inconnue LA MUSIQUE. Quelle divinité sort du sein de la nue? LA POÉSIE. Quels chants mélodieux Font retentir ici leur douceur infinie? LA MUSIQUE. Ah! c'est la divine Harmonie, LA POÉSIE. Qu'elle étale à nos yeux LA MUSIQUE. Quel bonheur imprévu la fait ici revoir? LA POÉSIE ET LA MUSIQUE. Oublions nos querelles, Il faut nous accorder pour la bien recevoir. CHŒUR DES POÈTES ET DES MUSICIENS, Oublions nos querelles, Il faut nous accorder pour la bien recevoir. Dum puer iste fero natus lictore perorat, II ALTERUM IN MARULLUM, VERSIBUS PHALEUCIS ANTEA MALE Nostri quid placeant minus phaleuci, 1. « Je vous dirai premièrement que les deux épigramm es latines, dont vou désirez savoir le mystère, ont été faites dans ma première jeunesse et presque asortir du collège, lorsque mon père me fit recevoir avocat, c'est-à-dire à l'âge de dix-neuf ans. Celui que j'attaque, dans la première de ces épigrammes, était un jeune avocat, fils d'un huissier nommé Herbinot... A l'égard de l'autre épigramme, elle regarde M. de Brienne, jadis secrétaire d'Etat, qui est mort fou et enfermé. Il était alors dans la folie de faire des vers latins, et surtout des vers phaleuces... Je ne pus résister à la prière de mon frère, aujourd'hui chanoine de la Saintes Chapelle, qui m'engagea à faire des vers phaleuces à la louange de ce fou qualifié; car il était déjà fou. J'en fis donc et il les lui montra; mais comme c'était la première fois que je m'étais exercé dans ce genre de vers, ils ne furent pas trouvés fort bons, et ils ne l'étaient pas en effet. Si bien que dans le dépit où j'étais d'avoir si mal réussi, je composai l'épigramme dont est question...» (Lettre à Brossette, 9 avril 1672.) III SATIRA (1660) Quid numeris iterum me balbutire latinis Sic Maro, sic Flaccus, sic nostro sæpe Tibullus, 1. Henri Smetius, grammairien flamand, né en 1537, mort en 1644. Il a laissé une prosodie latine. (M. CHERON.) 2. Ravisius Textor, c'est-à-dire Jean Teissier, seigneur de Ravisy, en Nivernois, recteur de l'Université, mort à l'hôpital en 1523. Il a laissé un dictionnaire d'épithètes, Delectus epithetorum. (M. CHÉRON.) Enfin vous l'emportez, et la faveur du roi 1. A l'égard du Chapelain décoiffé et de la Métamorphose de la perruque de Chapelain, nous avons la déclaration formelle de Boileau (Correspondance, lettre à Brossette du 10 décembre 1701), qui n'en avoue que les quatre vers déjà rapportés. C'est dans la seconde édition du Menagiana, faite en 1694 (p. 44 et suiv.), qu'on a pour la première fois attribué à Boileau le Chapelain décoiffé, et c'est sur cette seule autorité que les imprimeurs hollandais l'ont glissé dans les œuvres de notre poète. Sur quoi se fondent les éditeurs du Menagiana? Ils font parler ainsi Ménage (mort en 1692) : « Ce fut pour divertir M. le président de Lamoignon, plus que pour toute autre chose, que M. Boileau parodia quelques endroits du Cid sur Chapelain, Cassagne et La Serre. On en a bien ri partout; vous me la demandez, je l'ai gardée dans ma mémoire, elle a été imprimée; la voici... >> Mais les collecteurs des bons mots de Ménage lui font faire ici un petit anachronisme. Le Chapelain décoiffé avait été imprimé en 1665, dans un Recueil (même §, no 4 et 5), et en 1666 (La Haye, petit in-12), à la suite de la Ménagerie de l'abbé Cotin (ibid., p. 38), où l'on déclare (p. 54) que cette parodie et une autre du même genre ont été faites en 1664. Or Boileau ne commença, dit-il (Avis du Lutrin), à connaître Lamoignon que dans le temps où ses satires faisaient le plus de bruit, et par conséquent après 1666, époque de leur premiere édition, de sorte qu'il ne put composer pour ce magistrat un opuscule qui existait en 1664, et avait été imprimé au moins dès 1665 (il est étonnant que La Monnoie, daus sa révision du Menagiana, y ait laissé cette erreur). 2. Le Cid, acte I, scène vi. |