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Tacite, qui lui a mérité, par les excellentes corrections qu'elle offre, le titre de sospitator Taciti : c'est, au jugement de Burmann, le meilleur ouvrage de Juste-Lipse, qui, en ce genre, en a fait beaucoup de bons. On ignore quelle édition antérieure il a prise pour base de son travail : mais on sait qu'il a revu le texte sur le manuscrit de Farnèse et sur plusieurs manuscrits de la bibliothèque du Vatican. Juste-Lipse parle de trois manuscrits du Vatican Brotier en compte quatre, dont le plus ancien lui paraît être de la fin du quatorzième siècle. Juste-Lipse fait aussi mention d'un manuscrit d'Espagne et d'un autre qu'il a consulté à Vienne. A cette première édition, publiée à Anvers, succédèrent plusieurs autres auxquelles elle servit de modèle: cependant les meilleures éditions de Juste-Lipse sont celles qui parurent après l'édition de Pichena.

Curt. Pichena, Florentin, donna en 1607 une nouvelle édition de Tacite il travailla sur l'édition de Juste-Lipse (1585), dont il regarde les leçons comme reçues, lectio vulgata. Il se servit, pour la corriger, de deux manuscrits de Florence, qui sont généralement considérés comme les plus anciens manuscrits de Tacite; l'un, qui renferme seulement les six premiers livres des Annales, avait déjà servi à Béroald pour son édition (Voyez plus haut); l'autre, qui renferme le reste des

Annales et des Histoires, n'avait encore été consulté par aucun éditeur. Pichena prétend que ce dernier est de l'année 365; mais on s'assurera, par la seule inspection de l'écriture, que c'est une erreur : les caractères sont lombards, et le manuscrit doit être du temps de l'empire des Lombards en Italie, ou des siècles qui ont suivi. Ernesti rapporte sa date au dixième ou au onzième siècle. Les savans ne sont pas d'accord sur le mérite et l'importance de ce manuscrit. J. Gronovius le vante avec excès; Grévius en juge avec plus de froideur et de réserve. Quoi qu'il en soit, Pichena en a tiré un si bon parti, que Gruter l'appelle sospitator Taciti, post Lipsium, unico magis unicus.

L'édition qui suivit fut celle de Berneccer, publiée à Strasbourg en 1638. Elle reproduisit le texte de celle de Pichena, avec quelques changemens fondés sur les conjectures de critiques savans, et entre autres de Freinshémius, qui joignit des notes à cette édition.

Le texte de Berneccer fut adopté par J.-Fr. Gronovius dans les éditions de Tacite qu'il donna à Leyde en 1675 et en 1685. Gronovius ne se servit ni de manuscrits ni d'éditions anciennes : les changemens qu'il propose ne sont appuyés que sur des conjectures.

Théod. Ryckius suivit aussi le texte de Berneccer dans l'édition qu'il publia à Leyde en 1687. Il s'aida

d'un manuscrit d'Agricola (codice Agricolæ), des extraits du manuscrit royal, et des éditions de Puteolanus, de Beroald et de Rivius. Son travail est très-estimé.

J. Gronovius donna une nouvelle édition à Utrecht en 1721. Il se servit d'extraits de deux manuscrits de Florence, qu'il rapprocha. soigneusement du texte de l'édition de son père. La mort l'interrompit dans ses travaux. Son ouvrage fut publié par son fils Abraham, qui ajouta les notes de son père à l'édition de son aïeul. Le janseniste La Bletterie donna à Paris, en 1755, la traduction des Moeurs des Germains et de la vie d'Agricola. Il publia ensuite, en 1768, les six premiers livres des Annales de Tacite traduits en français. Cette traduction parut inférieure à la précédente, et c'est à cette occasion qu'on dit de La Bletterie :

Des dogmes de Quesnel un triste prosélyte
En bourgeois du Marais a fait parler Tacite.

J.-Nic. Lallemant donna, en 1760, un autre travail sur Tacite : il avait collationné le texte sur un manuscrit de la bibliothèque du roi, dont les leçons se rapportent fort exactement à celles de l'édition de Jean de Spire.

A cette édition succéda celle de Brotier, mieux faite

et plus estimée que la précédente. Il a consulté plusieurs manuscrits ou nouveaux, ou mal étudiés jusqu'à lui. Les notes qui accompagnent son édition seront toujours regardées comme des modèles de sagacité, de goût et de bonne latinité. L'édition de Brotier fut publiée à Paris en 1771 et réimprimée en 1776.

Ernesti a réimprimé, en 1772, avec de nouvelles recherches et de nouveaux travaux, une édition qu'il avait publiée précédemment, et qui paraît avoir servi de base aux éditions de Lallemant et de Brotier. Cette seconde édition a fait oublier la première, et c'est pour cela que nous parlons seulement, sous la date de l'année 1772, des services importans qu'Ernesti a rendus à la science, par ses Commentaires sur Tacite. Il a revu sur un manuscrit (codex Guelferbytanus) les Histoires et les Annales depuis le onzième livre. Pour la Germanie, il a consulté un manuscrit de Zurich, sur papier (codex chartaceus Turicensis) de la fin du quinzième siècle. Son ami Kappius lui prêta une très-ancienne édition, qu'il reconnut bientôt pour le texte que Rhenanus avait reçu du médecin Artolphe. Il eut encore sous les yeux des éditions assez rares, celle du Pogge de Florence (1476), qui est en tout conforme à celle de Jean de Spire, et celle de Jo. Rhagius (1509), qui paraît avoir été faite d'après quelque édition princeps. A ces secours il faut

ajouter les conjectures de Groslotius et les notes d'Heinsius, dont Ernesti profita. Il a beaucoup emprunté à ses devanciers, mais il a fait mieux qu'eux; son édition l'emporte sur les leurs dans l'estime publique. C'est surtout en matière de critique et d'érudition qu'il est permis d'imiter, si l'on surpasse en imitant.

Les éditeurs de Deux-Ponts donnèrent en 1779 une édition de Tacite, corrigée avec soin.

En 1792, Dotteville publia à Paris une édition où il adopta le texte d'Ernesti, auquel il fit quelques changemens, d'après un manuscrit de la bibliothèque royale. Le texte est accompagné d'une traduction française empruntée en partie à La Bletterie, et faite en partie par l'éditeur. Oberlin, professeur et bibliothécaire de l'Académie de Strasbourg, a donné en 1801 une édition de Tacite, d'après Ernesti. Il s'est aidé du manuscrit de Bude (codex Budinensis) dont Beatus Rhenanus s'était servi trois cents ans auparavant, et que l'on croyait perdu. Il a revu le texte de la Germanie sur deux éditions anciennes de Rome et de Nuremberg: son édition est très-estimée.

M. Lemaire, savant éditeur de la belle collection des classiques latins, y a inséré le Tacite complet, avec les commentaires d'Oberlin, et M. J. Naudet y a joint des notes précieuses. Cette édition est sortie de nos presses.

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