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nous a plu; c'est pourquoi il convient que je vous donne à titre de dot une portion de ce qui est à moi..... »

Frédégaire (epit. 18) rapporte un exemple mémorable de cet usage, au sujet du mariage de Clovis. « Le roi, dit cet historien, envoya des ambassadeurs à Gondebaud pour lui demander la main de sa nièce Clotilde. Gondebaut, espérant se concilier l'amitié de Clovis, la lui promit; en conséquence les députés offrirent le sol et le denier selon la coutume des Français; ils fiancèrent Clotilde, et prièrent son oncle de la mettre entre les mains de Clovis, pour qu'il en fît sa femme. »

L'épouse recevait un anneau accompagné d'un baiser et un soulier : un baiser se trouvant donné en même temps que la dot, cette dot est appelée baiser, osculum, oscleia, oscleum dans les anciennes chartes. On voit ici le mélange des usages des Romains et des Germains, qui nous ont soumis successivement.

De son côté, l'épouse germaine offrait des armes à son mari; l'usage de ces échanges se maintint jusqu'au moyen âge, et même après que les Germains eurent embrassé le christianisme. Les Goths plaçaient une épée nue sur le lit nuptial; chez les Frisons une épée nue était présentée à la fille que l'on voulait épouser; et, encore aujourd'hui, une épée doit faire partie des présens de mariage chez les habitans de la Carniole.

Chaque Germain, dit Tacite, a pour héritiers et successeurs ses propres enfans, car jamais on ne fait de testament;. mais chez cette nation belliqueuse la terre salique appartenait à la lance, c'est-à-dire aux garçons, et non au fuseau, c'est-à-dire aux filles. Les Germains ne connaissaient point cet art, usité à Rome, de diminuer, ou même de dissiper entièrement un héritage sous les yeux mêmes des héritiers, sans qu'ils s'en aperçussent. Toute la succession d'un Germain était à ses enfans.

Rappelons quelques passages de la loi salique, empruntée tout entière aux Germains, elle nous fera connaître leurs lois sur les successions.

La loi salique règle ainsi les héritages.

Art. 1. Si quelqu'un meurt, s'il n'a pas d'enfans, si son père et sa mère lui survivent, ils seront ses héritiers. Art. 2. Si son père et sa mère ne vivent plus, s'il a un frère ou une sœur, ils seront ses héritiers;

Art. 3. S'il n'en a pas, la sœur de sa mère sera héritière.

Art. 4. S'il n'a pas de sœur de sa mère, la sœur de son père sera héritière.

Art. 5. Et ainsi de suite, dans les mêmes proportions, ceux qui seront les plus proches parens, du côté paternel, appréhenderont la succession.

Art. 6. Aucune portion de terre salique ne peut

échoir à des femmes, le sexe mâle l'acquiert, c'est-àdire que les fils en héritent; mais s'il s'élève une discussion sur une terre entre les petits-fils et les arrièrepetits-fils, on partagera, non par degré de parenté, mais par tête.

Cet article est le plus remarquable. Chez les Germains la maison s'appelait sal; autour était un terrain nommé salbuck ou curtim, en français courtil. Ce terrain et la maison étaient désignés sous le nom de terra salica; ils devenaient la propriété exclusive des hommes, et ce n'était pas sans raison, car les femmes, en se mariant, passaient dans une autre maison ou terra salica.

de alodibus.

La loi des Anglais nous instruit aussi de plusieurs usages des Germains, tit. VI, Art. 1. Que le fils prenne l'héritage du défunt, et non la fille. Si le mort n'a point eu de fils, l'argent et les esclaves appartiennent à la fille, mais la terre passe au plus proche parent du côté paternel.

Art. 2. Si le mort n'a point eu de fille, sa sœur hérite de l'argent et des esclaves, mais la terre passe au plus proche parent du côté paternel.

Art. 3. Si le défunt ne laisse ni fils, ni fille, ni sœur, mais si sa mère lui survit, qu'elle prenne la portion de sa fille ou de sa sœur, savoir l'argent et les esclaves.

Art. 4. Si le défunt ne laisse ni fils, ni fille, ni sœur,

ni mère, alors que le plus proche parent du côté paternel soit l'unique héritier, tant de la terre et des esclaves que de l'argent.

Art. 5. Quiconque hérite d'une terre, hérite aussi de l'habit de guerre, c'est-à-dire de la cuirasse et de la vengeance de son parent, et de la charge de payer la composition.

Art. 6. La mère, venant à décéder, transmet à son fils la terre, les esclaves et l'argent, et à sa fille les dépouilles de son cou, savoir ses chaînes précieuses, ses agrafes, ses colliers, ses pendans d'oreilles, ses habits, ses bracelets, et tout ce qui est l'ornement de son

sexe.

Art. 7. Si le défunt ne laisse ni fils ni fille, mais une sœur, celle-ci héritera de l'argent et des esclaves, et la terre passera au plus proche parent du côté paternel.

Art. 8. La ligne masculine sera de droit héritière jusqu'à la cinquième génération, mais ensuite la fille succédera à la totalité des biens, tant paternels que maternels, et alors seulement l'héritage tombera de lance en fuseau.

Mais les Bourguignons changèrent l'ancien usage des Germains on lit dans leur loi, titre XIV,

nibus.

de successio

Art. 1. Nous voulons que, si quelqu'un ne laisse pas

de fils, sa fille hérite de tous ses biens, tant paternels que maternels.

La loi des Saxons, au contraire, est ainsi conçue,

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Art. 1. Le père et la mère laisseront leur héritage au fils, et non à la fille.

Art. 4. Si le défunt ne laisse point de fils, mais des filles, elles hériteront de tout; leur tutelle sera confiée au frère ou au plus proche parent du côté paternel.

Les droits des deux sexes furent les mêmes chez les Wisigoths; on lit dans leur loi:

« Si le père ou la mère décèdent intestats, les frères et sœurs partageront l'héritage par portions égales, sans nulle difficulté. »

En France la loi salique est encore dans toute sa vigueur, pour la maison régnante seulement; elle y conserve et y assure la tranquillité publique, suivant la juste observation de Brotier.

Si ces conquérans sauvages n'avaient pas institué chez eux l'esclavage, les peuples de l'Europe seraient parvenus en peu de temps à un état de civilisation et de prospérité que n'ont pu atteindre les peuples anciens; ce respect, cette tendresse pour les femmes, la douceur de la religion chrétienne, auraient assuré des siècles de félicité aux vaincus : le contraire arriva, et, depuis près

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