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Cum recte tractent alii, laudare maligne,

Ille per extentum funem mihi posse videtur

Ire poeta, meum qui pectus inaniter angit 118,

Irritat, mulcet, falsis terroribus implet,

Ut magus, et modo me Thebis, modo ponit Athenis.
Verum age et his qui se lectori credere malunt

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Quam spectatoris fastidia ferre superbi
Curam redde brevem, si munus Apolline dignum
Vis complere libris et vatibus addere calcar 119,
Ut studio majore petant Helicona virentem.
Multa quidem nobis facimus mala sæpe poetæ,
Ut vineta egomet cædam mea 120, cum tibi librum
Sollicito damus aut fesso, cum lædimur, unum
Si quis amicorum 'st ausus reprehendere versum,
Cum loca jam recitata revolvimus irrevocati 121,
Cum lamentamur non apparere labores
Nostros et tenui deducta poemata filo 122,
Cum speramus eo rem venturam, ut, simul atque
Carmina rescieris nos fingere, commodus ultro
Arcessas, et egere
123
vetes et scribere cogas.
Sed tamen est operæ pretium cognoscere quales
Edituos habeat belli spectata domique
Virtus 124, indigno non committenda poeta.
Gratus Alexandro regi Magno fuit ille
Chœrilus 125, incultis qui versibus et male natis

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118. Per extentum funem ire, proverbe qui signifie faire une chose difficile et merveilleuse. Ire poeta, rejet et coupe d'un heureux effet. Inaniter, pour des causes purement imaginaires. Falsis, chimériques. 119. Curam redde brevem, accorde quelque attention. Reddere, donner à quelqu'un une chose qui lui est due, à laquelle il a droit. Munus Apolline dignum, périphrase pour : la bibliothèque du Palatin. V. Epît. I, III, 17. Addere, poétique pour adhibere, subdere ou admovere.

:

120. Ut vineta cædam mea, proverbe abattre ses propres ceps. Nous dirions à peu près de même: jeter des pierres dans son jardin.

121. Revolvimus, nous revenons, dans les lectures que nous faisons de nos ouvrages (V. Sat. I, IV, 23), sur les passages déjà lus. Se rappeler la for

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poema

Rettulit acceptos, regale nomisma, Philippos 126.
Sed, veluti tractata notam labemque remittunt 127
Atramenta, fere scriptores carmine fœdo
Splendida facta linunt 128. Idem rex ille,
Qui tam ridiculum tam care prodigus emit,
Edicto vetuit ne quis se præter Apellen
Pingeret, aut alius Lysippo duceret æra
Fortis Alexandri vultum simulantia 129. Quod si
Judicium subtile videndis artibus illud
Ad libros et ad hæc Musarum dona vocares,
Bootum in crasso jurares aere natum 130.

At neque dedecorant tua de se judicia atque
Munera quæ multa dantis cum laude tulerunt
Dilecti tibi Vergilius Variusque poetæ 131,
Nec magis expressi vultus per aenea signa
Quam per vatis opus mores animique virorum

il est encore fait mention Art poét. 357, était un mauvais poète d'Iasos, en Carile. On rapporte de lui des anecdotes qui peuvent faire penser que c'était une espèce de bouffon. Il y a un autre Chérile de Samos, contemporain de la bataille de Salamine.

126. Rettulit acceptos, etc. Acceptum referre munus signifie recevoir, avec l'idée de reconnaissance et d'inscription de la dette en faveur du créancier ou du bienfaiteur, qui est ici la pièce de vers de Chérile (versibus est donc au datif). V. cette locution dans un passage de Cicéron cité Epit. I, note dernière. Nomisma, vóuoua, de l'argent monnayé. On écrivait quelquefois, mais moins bien, numisma, d'où notre mot numismatique. - Philippos. Nous disons de mème des louis, des napoléons d'or.

XVIII,

127. Labem remittunt, laissent après soi, déposent une marque et une tache. C'est ainsi qu'Horace a dit (Sat. II, IV, 69) en parlant de l'olive pressée: quod bacca remittit olivæ, ce que rend, ce que laisse d'elle-même l'olive.

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duceret ex ære imagines. Ducere, laminer avec le marteau; par extension, fingere, formare. -Tam care= tanto, locution du style familier, que l'on rencontre dans les lettres de Cicéron, dans Varron, dans Sénèque.

tilis.

130. Judicium subtile, ce goût si fin, c.-à-d. hunc virum judicii adeo subVidendis artibus, dans l'examen des objets d'art. V. artes v. 203. Artibus est au datif. Bæotum Baotorum. Les Béotiens passaient pour des esprits lourds, bien que Thèbes eût produit Pindare. Les Athéniens les plaisantaient là-dessus, et attribuaient ce défaut à l'air qu'ils respiraient. Vocares, tu aurais appelé; jurares, tu aurais juré. (Si tu appelais, tu jurerais, se dit: si voces, jures.) - Natum peut se rapporter soit à judicium illud, soit, par syllepse, à Alexandrum.

131. Dedecorant a pour sujets Vergilius, Variusque. Virgile et Varius ne déshonorent pas ton jugement et tes bienfaits. C'est-à-dire tu n'as pas compromis (dedecorant), comme Alexandre, ta réputation d'homme de goût, en comblant de faveurs des poètes que tes bienfaits ont en même temps honorés. Virgile était mort depuis neuf ans. Il est probable que

De se V.

Varius était mort aussi.
Sat. I, I, 1; II, 1, 49; et au v. 83 de
cette épître.

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Clarorum apparent 132; nec sermones ego mallem 250
Repentes per humum quam res componere gestas,
Terrarumque situs et flumina dicere et arces
Montibus impositas 134 et barbara regna, tuisque
Auspiciis totum confecta duella
per orbem "
Claustraque custodem pacis cohibentia Janum,
Et formidatam Parthis te principe Romam 136,

135

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Si quantum cuperem possem quoque 137. Sed neque parvum
Carmen majestas recipit tua, nec meus audet
Rem tentare pudor quam vires ferre recusent.
Sedulitas 138 autem stulte quem diligit urget,
Præcipue cum se numeris commendat et arte 139
Discit enim citius meminitque libentius illud

';

Quod quis deridet quam quod probat et veneratur 140.
Nil moror officium quod me gravat, ac neque ficto
In pejus vultu proponi cereus usquam 141,
Nec prave factis decorari versibus opto,

Ne rubeam pingui donatus munere 142, et una

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134. Terrarum situs, flumina. Les théâtres des exploits de César et de ses beaux-fils. Arces montibus impositas désigne très probablement les forts que les habitants du Noricum. avaient élevés sur les Alpes, et que Drusus renversa en 15 avant J.-C. v. Od. IV, XIII, 11: Arces Alpibus impositas tremendis Dejecit acer plus vice simplici. 135. Duella, vieux mot pour bella. V. Od. IV, XIV, 8. Rome avait été sans cesse en guerre. Ces guerres étaient enfin terminées (confecta), par la conquête du monde entier. Claustraque, etc., périphrase pour : le temple de Janus fermé par toi. V. Od. IV, XIV, note 6. Auguste le rouvrit plusieurs fois, et le ferma définitivement en 744. 136. Et formidatam, etc. Allusion à la restitution des drapeaux de Crassus et des prisonniers romains que Phraate renvoya en 734 (20 avant J.-C.). V. Epît. I, XII, 27.

137. Si quantum cuperem possem quoque pour (tantum) quoque possem. Exemple original d'harmonie imitative. V. Od. I, v, 9-12; IV, 11, 42, 44, etc.

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138. Sedulitas, zèle obséquieux. V. Od. I, xxxII, 6.

139. Cum se numeris commendat et

arte, quand ce zèle prétend se recommander par la cadence des vers et le talent poétique.

140. Discit a pour sujet quis, exprimé dans la proposition relative, au vers suivant (quod quis deridet). Cette construction est très usitée en grec avec τις, εἴ τις, ὅταν τις, etc. On retient mieux les vers ridicules dont on se moque que les beaux vers qu'on approuve. Alors le héros se trouve ridiculisé avec son panégyriste.

141. Nil moror. V. Sat. I, IV, 13. Officium. V. Epit. I, VII, 8, officiosa sedulitas. On peut remarquer qu'Horace aime à terminer par des plaisanteries des pièces où il a traité des sujets sérieux. V. Sat. II, I, IV, VII; Epit. I, Iv; Art poet. V. aussi Epod. II. Ficto in pejus, en caricature. On faisait probablement des portraits en cire qui représentaient les hommes célèbres. Ac neque. V. Sat. I, 1, 35; II, IV, 135.- - Proponi cereus opto. v. Od. I, 11, 50; Epît. I, xvi, 30, 32.

142. Pingui. V. Sat. II, vI, 14. Rubeam donatus, hellénisme, pour quod donatus sim (μǹ aioxúvóμa: δωρηθείς).

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Cum scriptore meo capsa porrectus aperta 143
Deferar in vicum vendentem thus et odores 1'4
Et piper et quidquid chartis amicitur ineptis 145.

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II

A JULIUS FLORUS

La deuxième épître est antérieure d'une année à la première. Horace avait cinquante-quatre ans. Julius Florus, à qui elle est adressée, et que nous connaissons déjà par la troisième épître du premier livre, écrite neuf ans auparavant, était toujours attaché à Tibère. Cette fois, il était en Gaule avec Tibère, Drusus et Auguste, qui était allé à Lyon, accompagné de ses beaux-fils, pour préparer une expédition en Germanie. C'est au retour de ces princes, en 744, qu'Horace écrivit sa dernière ode: Phobus volentem, IV, xiv.

Florus lui avait demandé des vers, et Horace ne lui envoyait rien. Le favori de Tibère s'en plaignit, et Horace répondit par cette épître. Il n'a fait que des promesses légères, de ces promesses auxquelles on ne croit pas. Il ne se soucie plus d'écrire. Il jouit d'une honnête aisance, et devient paresseux. Il vieillit, sa verve s'affaiblit; et puis il ne sait que faire pour contenter les gens : les goûts sont si divers! Rome n'est pas un lieu commode pour se livrer à l'inspiration.

Enfin il est ennuyé d'être obligé, comme le sont tous ceux qui font des vers, de louer les productions d'autrui pour trouver grâce devant les autres poètes. D'ailleurs il connaît trop bien les difficultés de la poésie, et il ne se fait pas d'illusions là-dessus.

A ces raisons, qui sont plus ou moins sérieuses, il en ajoute une autre, que nous avons déjà vue longuement développée dans la première épître du premier livre : il veut se livrer désormais à la philosophie et à l'étude de la sagesse.

Aux deux épîtres qui composent ce livre on doit, comme nous l'avons fait, joindre l'Art poétique, qui est aussi une épître. Ces trois ouvrages, s'ils ne forment pas un ensemble complet de préceptes, et un traité sur la poésie, contiennent du moins une suite de causeries pleines de grâce sur un art qu'Horace a pratiqué d'une manière charmante. Ils attestent en même temps que, sur la fin de sa vie, le poète était fortement préoccupé des difficultés de l'art d'écrire.

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