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Ne parlons plus de la suppression de Phul1, mais commençons par la moindre des difficultés. L'avénement de Sennachérib tombe le 12 Ab de l'année de Pakharbel 2, selon ce calcul au mois d'août 705 (9296). Or, selon le canon de Ptolémée, la dernière année de Sargon finit le 14 février 704 (9297), et puis il y a deux années d'interrègne, durant jusqu'au 13 février 702 (9299). Nous savons pourtant que l'institution de Bélibus, qui fixe le canon, suivait de très-près l'avénement de Sennachérib; et sans vouloir oublier que les années du canon de Ptolémée sont des années vagues, égyptiennes et factices, nous savons aussi qu'elles ne s'éloignent jamais de six mois de la vérité historique. Donc, voilà déjà une difficulté.

Puis, et ceci est beaucoup plus grave, dans les idées du savant général l'éponymie de Dayanassour, l'année de la mort d'Achab, ou tout au plus celle qui précéda cet événement, tomberait en 854 av. J.-C. Ceux-là même qui ont, contrairement à tous les textes, raccourci le plus la chronologie sacrée, n'ont jamais pu arriver à le fixer en deçà de 881. La mort de Salomon tomberait alors en 932 av. J.-C., et la date la plus basse que même les synchronismes phéniciens permettent de fixer, est celle de 969 av. J.-C. Il est tout simplement impossible de raccourcir encore de 37 ans ce comput déjà trop diminué.

Donc l'identification de l'éclipse proposée par sir Henry Rawlinson est inadmissible:

A cause de la date de l'avénement de Sennacherib;

A cause de la date qui en résulterait pour la mort de Salomon; A cause de la suppression du règne de Phul, roi d'Assyrie. Examinons maintenant la date proposée par nous pour l'éclipse solaire du 30 Sivan de Pour-el-Salkhe.

III. Preuves qu'il faut fixer cette éclipse à l'an 809 av. J.-C. — Autre éclipse de l'an 930. Cette éclipse est celle du vendredi 13 juin 809 av. J.-C. (9192), 30 Sivan de l'an 2,952 judaïque.

' Voir, d'ailleurs, tout ce que nous avons dit sur Phul et Bélibus, Sargo. nides, p. 12, 6. Voir Annales de phil., t. vi, p. 54 et 48.

2 2 Brtish museum, 69.

Selon l'abbé Pingré, elle eut lieu à 9 heures trois quarts du matin, elle fut visible en Europe, en Afrique et en Asie, et elle fut annulaire, mais presque totale, pour les lieux de la trace centrale. Les calculs dont il fournit les éléments, établiraient que cette ligne avait commencé au sud-ouest des Açores, aurait traversé ensuite une partie de l'Espagne, de la France, de l'Allemagne, de la Pologne, pour continuer à travers la Russie, le midi du Turkestan, le Tibet jusqu'à Canton. Le phénomène aurait donc été visible à Ninive.

M. Oeltzen, un habile astronome, a calculé cette éclipse1, et les données rectifiées dues à l'émendation des tables de la lune et du soleil ont établi que, conformément aux calculs du chanoine Pingré, l'éclipse étaii annulaire, mais qu'elle eut lieu 2 heures plus tôt, et que sa trace centrale était plus méridionale. Selon M. Oeltzen, l'éclipse était presque centrale à Ninive, les centres des astres n'y ayant eu qu'une distance de 55 secondes, c'est-à-dire 1/34 du diamètre solaire apparent. Elle approchait de la totalité, puisque M. Oeltzen fixe sa grandeur à onze doigts et demi (11d. 56) et détermine la trace centrale de l'éclipse annulaire au sud de Ninive.

Donc, l'éclipse du 13 juin 809 (9192) remplit les conditions voulues.

Déduisons maintenant les faits historiques.

Disons de suite que la question de la détermination exacte des éponymies à partir de Téglathphalasar reste complétement ouverte. Nous n'avons donc à nous occuper que de faits antérieurs, et limités par la fin du règne d'Assourlihhis.

L'éponymie de Dayanassour est donc fixée en 900, et la date exacte du commencement de l'expédition de Salmanassar contre Achab et ses auxiliaires, 13 Iyar de Dayanassour, au mois de mai 900 (9101). C'est donc vers 899 que nous devons placer la mort d'Achab, date établie par M. de Saulcy. La mort de Salomon eut donc lieu vers 978 av, J.-C., date qui se rapproche également de celles qui sont adoptées généralement.

La dernière éponymie de l'ancien einpire eut lieu en 792; M. de Saulcy avait fixé la première destruction de Ninive à 'Nous regrettons de ne pas pouvoir ajouter ce travail au nôtre.

788 av. J.-C., et même cette date peut se soutenir1, en tenant compte des quatre ans qui se placèrent entre la révolte des sujets du roi d'Assyrie, selon Diodore (II, 25-27), et le sac de Ninive.

Nous avons encore une autre confirmation, et celle-là tirée des textes assyriens. Le roi Sardanapale III (Asur-nas ir-habal) s'exprime ainsi sur le début de son règne :

Ina surrat sarrutiya ina mahre paliya sa Samsu

In initio regni mei, in priori anno (factum est) ut sol,

dayan kibrati salulsu taba eliya iskun va ina kus'su rabis usib. arbiter plagarum, obscurationem suam faustam supra me fecit et in throno magnifice consedi.

אן שרת שרותי אן מחרי פלי ששמשא דין כברתא צללשו טבא עלי ישכן ואן כסא רבש אשב

« Au commencement de mon règne, dans ma première » période annuelle, il arriva que le Soleil, l'arbitre des ré»gions célestes, jeta sur moi son obscurcissement propice; » avec puissance, je m'assis sur le trône. »

Évidemment, il s'agit ici d'un phénomène céleste, coïncidant avec l'avènement du roi. Ce ne pourrait être une éclipse complète, car un pareil phénomène n'était guère regardé comme propice. Mais le mot salul 2, surtout à cause des idéogrammes qui lui sont substitués dans quelques exemplaires du texte, ne comporte que le sens d'une obscuration partielle ou totale. Ce n'est qu'à une éclipse très-peu visible à Ninive qu'on puisse appliquer cette expression de « propice. >>

L'avénement de Sardanapale 111 ayant eu lieu 121 ans avant l'éclipse de 809, il nous reste à examiner si avant la fin de l'archontat, c'est-à-dire avant l'automne de 930 av. J.-C. (9071), un phénomène remplissant les conditions déterminées se produisit. En effet, il y eut une éclipse totale le 2 juin 930 à 2 heures 3/4 du soir, dont la trace centrale 'M. F. Lenormant a fait cette remarque judicieuse.

2 Le mot salul est substitué à l'idéogramme: Dieu, obscurcissement; le second signe compliqué est interprété par les mots « obscurités,» salme, hy (2 B. M, 4942), et « dépérir, »N (2 B. M. 48, 8) ouЛN (ib., 48, 6,et passim). Le groupe rendu par salul, y (1 B. M. 18, 44), est identifié avec astre noir (2 B. M. 49, 42). Nous voyons que M. Norris (Dict. assyr., p. 348), traduit comme nous : his beneficent shade on me he threw.

3 Art de vérifier les dates, p. 54.

s'étendait, selon le chanoine Pingré, depuis Mazatlan, les États-Unis, le Labrador, le nord de l'Europe, jusqu'en Turkestan. L'éclipse a donc dû être faiblement visible à Ninive, et il n'est pas possible qu'au mois de juin, dans l'après-midi, elle ait pu échapper à la population, quelque minime que fût l'obscuration partielle, surtout quand, prévenue, elle cherchait peut-être un portentum pour augurer du règne

nouveau.

Nous pouvons donc fixer la date de l'avénement du 'rénovateur de Calah (Nimroud), au mois de Sivan d'Asursezibanni, soit le 2 juin 930 av. J.-C.

Quant aux dates en deçà de la lacune, nous les établirons plus utilement après l'exposition des listes éponymiques, d'autant plus que nous ne pouvons pas procéder avec la rigueur dont une éclipse solaire nous permet d'user.

IV. Considérations sur le calendrier judaïque et chrétien.

Avant de donner la nomenclature des archontes et les événements qui s'y rattachent, nous devons nous arrêter un instant pour développer un point d'un haut intérêt pour le calendrier judaïque et chrétien.

On sait que les Juifs, et les chrétiens pour le cycle pascal, procèdent par un comput lunaire. Les Israélites ont, pendant la durée du second temple, d'abord accepté le cycle de Méton, de 19 ans équivalant à 235 lunaisons, et plus tard le cycle rectifié de Callippe, qui se forme de quatre périodes métoniennes, soit de 76 ans, auxquels on retranche un jour. Les noms des mois judaïques du premier temps, les mois phéniciens, sont perdus pour nous; depuis l'exil de Babylone, les Juifs se sont servis, jusqu'à nos jours, des noms babyloniens, et ce sont ces noms que nous lisons déjà dans les livres de Zacharie, d'Esther, d'Esdras et de Néhémie. Mais ces termes étaient tout aussi étrangers à la langue assyrienne qu'ils le sont à l'idiome des Hébreux, et nous ne savons pas encore leur origine. Voici les expressions assyriennes et hébraïques :

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Magru sa Addari. Veadar (mois intercalaire) '. Nous nous servirons dans la désignation des mois assyriens de leurs équivalents hébraïques.

Dans la Bible, Nisan est le premier mois, Tisri le septième, et ainsi l'année religieuse commence avec l'époque qui correspond à peu près à l'équinoxe du printemps. Mais depuis que les Juifs ont une ère, leur année prend pour point de départ le septième mois, conformément à une vieille croyance remontant à Babylone, que le monde a été créé à l'équinoxe d'automne. La République française a suivi les mêmes errements. Par exemple, l'année 5629 commence le 17 septembre 1868, pour finir le 5 septembre 1869; le septième mois de 5629 tombe ainsi six mois avant le premier de cette même année. Le comput qui compte les années d'un équinoxe d'automne jusqu'à l'autre, s'appelle l'année civile.

Or, une pareille distinction a existé chez les Assyriens, et c'est d'eux que les Juifs l'ont reçue. Notamment, les éponymies vont de Tisri à Eloul, et non de Nisan à Adar. Ainsi l'éponymie de l'éclipse de juin 809 (9192) a commencé en septembre 810 (9191). Des fails précis établissent cette curieuse coïncidence des usages juifs et assyriens.

Salmanassar III dit2, dans l'inscription de l'obélisque de Nimroud, que, dans l'éponymie de Dayanassour, il franchit l'Euphrate, et qu'il fit une expédition dans la haute Arménie.

'Nous ne savons pas comment les Assyriens intercalaient leur mois pour arriver à une concordance exacte de l'année lunaire avec l'année réelle. On trouve aussi des mois interpolés après Eloul (par exemple, K, 160), où on parle d'un second Eloul, ce qui prouverait encore pour le commencement de l'année avec Tisri.

2 Voir Exp. en Més., t. I, p. 343.

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