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Histoire catholique.

QUELQUES DOCUMENTS HISTORIQUES

SUR LA RELIGION DES ROMAINS,

QU'ILS ONT PU

ET SUR LA CONNAISSANCE

AVOIR DES TRADITIONS BIBLIQUES, PAR LEURS
RAPPORTS AVEC LES JUIFS;

FORMANT UN SUPPLÉMENT A TOUTES LES HISTOIRES ROMAINES '.

VIII. Les mages, guidés par une étoile, viennent adorer le Messie attendu, et lui offrir leurs présents.

Voici comment l'Evangile raconte cet événement:

« Lors donc que Jésus fut né en Bethléem de Juda aux jours » du roi Hérode, voilà que des Mages vinrent d'Orient à Jé» rusalem disant: Où est celui qui est né, Roi des Juifs, car › nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l'a» dorer.

» Ayant appris cela, le roi Hérode se troubla, et tout Jéru» salem avec lui, et assemblant tous les princes des prêtres et ⚫ les scribes du peuple, il s'enquit d'eux où naîtrait le Christ. Or eux lui dirent: à Bethléem de Juda, car il a été ainsi écrit » par le prophète : Et toi Bethleem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre parmi les principales villes de Juda; car c'est de » toi que sortira le chef qui doit régir Israël mon peuple2.

» Alors Hérode, les Mages secrètement appelés, s'enquit » d'eux avec soin du temps où l'Etoile leur était apparue, et » les envoyant à Bethléem, il dit : Allez, informez-vous exacte» ment de l'Enfant, et, lorsque vous l'aurez trouvé, faites-le» moi savoir afin que moi aussi j'aille l'adorer.

» Ceux-ci donc, après avoir entendu le roi, s'en allèrent et » voilà que l'Etoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait » jusqu'à ce qu'elle vint et s'arrêta au-dessus du lieu où était » l'Enfant. Orvoyant l'Etoile ils se réjouirent d'une grande joie, Voir le dernier article au N° précédent ci-dessus, p. 325.

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» et entrant dans la maison, ils trouvèrent l'Enfant avec Ma» rie, sa mère, et, se prosternant, ils l'adorèrent, puis leurs >> trésors ouverts, ils lui offrirent des présents, de l'or, de l'en» cens et de la myrrhe.

» Mais ayant été avertis en songe de ne point retourner vers » Hérode, ils revinrent dans leur pays par un autre chemin1. » Qui sont ces Mages, et que faut-il penser de cette Etoile? C'est ce que demandent en ce moment les critiques rationalistes et autres. Il est difficile de répondre à ces questions, parce que le Rationalisme et l'Ontologisme, anciens et modernes, puisant toutes leurs connaissances en eux-mêmes, ont fait oublier tous les moyens par lesquels les anciens peuples de l'Orient conservaient les traditions primitives. Commençons par donner quelques-unes des rares notices historiques sur l'Etoile et sur les Mages.

1. Traditions sur l'étolle des Mages.

La première mention d'une Etoile est dans la bouche de ce Balaam qui, né dans la ville de Péthor sur l'Euphrate, Prophète ou Mage en Mésopotamie, fut appelé par Balac, roi des Moabites, pour maudire Israël, et qui fut forcé au contraire de le bénir.

En effet, après avoir accompli diverses cérémonies qui constituent un curieux document sur la primitive manière d'adorer Dieu, Balaam s'écrie :

« Comment pourrais-je maudire celui que son Dieu ne maudit pas? Comment donc menacerai-je celui que Jého» vah ne menace pas? Ecoutez?... Je la vois mais pas mainte»> nant; je la contemple mais pas de près... Une Etoile se lève » de Jacob, et le sceptre sort d'Israël... Il fracasse de toutes » parts Moab, et met en pièces tous les hommes de bruit... » Assur, Héber et leurs vainqueurs seront détruits.., le peuple » de Dieu seul restera debout, etc 2. »

Ainsi voilà que dès cette époque lointaine, vers 1447 avant J.-C., nous trouvons un prophète, un adorateur du vrai Dieu3,

'Matthieu, 11, 1–12.

Orietur stella de Jacob et consurget virga de Israel (Num., XXIV, 47).

C'est le sentiment de saint Jérôme. Voir Quæst. hebraicæ in Genesim, c. XXII, v. 20; dans Patr. lat., t. 23, p. 97.

sur les bords de l'Euphrate, au milieu de cet empire assyrien qui commence.

Balaam retourne dans son pays, mais qui nous dira l'impression profonde que la grande solennité donnée à cette prédiction produisit sur les esprits des Israélites qui l'entendirent, des Moabites qui avaient appelé Balaam, et aussi des Chaldéens, dont il était le Prêtre et le Prophète? Les peuples orientaux ont vécu surtout de souvenirs et de traditions; ils ont dû se souvenir de l'Etoile annoncée.

S'il faut en croire Varron, le souvenir d'une étoile guide et voyageuse se trouverait vivant en Asie, 1313 ans avant J.-C. En effet, voici la tradition qu'il consigne dans le livre de ses Antiquités divines.

a Depuis son départ de Troie, Enée vit tous les jours et » pendant le jour l'étoile de Vénus, jusqu'à ce qu'il arrivât » aux champs Laurentins, où il cessa de la voir, ce qui lui fit » connaître que c'étaient les terres désignées par les des» tins1. »

Ex quo de Troja est egressus Æneas, Veneris eum per diem, quotidie, stellam vidisse, donec ad agrum Laurentum veniret, in quo eam non vidit ulterius; qua re cognovit terras esse fatales (Varro, dans Servius, Ænéid., !, 386).

C'est 44 ans avant J.-C. que Varron recueille cette tradition sur les côtes d'Asie, pendant qu'il commandait la flotte contre les pirates. Était-ce une tradition assyrienne ou une tradition juive? On ne sait.

Mais 774 ans avant J.-C. les tribus emmenées captives par Téglathphalasar, puis par Sennacherib, ont dû porter en Asie le souvenir de l'étoile de Balaam.

En 738, Ninive a dû la connaître, par Tobie, qui disait que Dieu ne les avait dispersés parmi les nations qu'afin qu'ils y répandissent la gloire de son nom.

En 543, Daniel, qui devint chef des Mages, et gouverneur des 40 Satrapies de l'empire dut la répandre parmi les Chaldéens. Il donna à penser, à chercher et à calculer par sa fameuse prophétie des 70 semaines.

En 452, Assuérus ou Xerxès, qui épouse la belle Esther,

· Voir l'analyse de l'ouvrage, Annales, t. x1, p. 48 (5a série).

livre à Mardochée et aux Juifs une immense influence dans

son empire.

Enfin, en 39, les Parthes font la conquête de la Syrie, et emmènent à Babylone le grand-prêtre Hircan qui y devient le chef des Juifs qui y résidaient.

Qui nous dira ce que tous ces mélanges ont dû conserver ou introduire parmi les peuples de l'Orient de souvenirs sur l'Etoile de Jacob?

Et, en effet, dès une époque reculée, on trouve la mention d'étoiles extraordinaires connues généralement sous le nom de comètes.

En 490, « Anaxagore aurait vu une grande et extraordi»> naire lumière de la grandeur d'une grande poutre (trabes), » et qui brilla dans le ciel pendant plusieurs jours 1. »

Lorsque Auguste, 43 ans avant J.-C., célébra les jeux funèbres 2 en l'honneur de Jules César, on sait qu'il apparut une étoile, que l'on décida être le Génie de ce demi-Dieu. Nous y trouvons un Devin que l'on fait parler en ces termes :

« Vulcanius, l'aruspice, dit devant l'assemblée que c'était » une comète qui marquait la fin du 9e siècle et le commen» cement du 10°, ajoutant que comme c'était, malgré les » Dieux, qu'il avait annoncé cet événement secret, il allait » mourir aussitôt. Il n'avait pas encore achevé son discours » qu'il tomba mort au milieu de l'assemblée. Auguste lui>> même atteste ce fait dans le livre i des Mémoires de sa vie.»

Sed Vulcanius aruspex in concionem dixit cometem esse, qui significaret exitum noni seculi, et ingressum decimi; sed quod, invitis Diis, secreta rerum pronuntiaret, statim se esse moriturum; et nondum finita oratione in ipsa concione concidit. Hoc etiam Augustus in libro 1o de Memoria vitæ suæ complexus est (Servius, Eglog. Ix, 47).

On a cru que Pline fait allusion à cette étoile quand il dit: « On a vu une comète blanche 3, à la chevelure argentée, » tellement brillante, qu'on ne pouvait la regarder, et qui mon

• Charimander quoque, in eo libro quem de cometis composuit, ait, Anaxagoræ visum grande insoletumque cœlo lumen, magnitudine amplæ trabis, et id per multos dies fulsisse (Seneca, Quæst. natur., vII, 5).

Voir le texte d'Auguste sur cette comète, dans les Annales, t. xi, p. 99 (5 série).

2 • Fromondos (Meteor., 11, 4) en fait l'étoile des Mages; aussi Pintianus

> trait en soi l'image d'un Dieu sous une forme humaine. » Fit et candidus cometes, argenteo crine, ita refulgens ut vix contueri liceat, specieque humana Dei effigiem in se ostendens (Pline, Hist. nat., 1. 11, c. 22). Le stoïcien Chérémon qui vivait à cette époque, bibliothécaire d'Alexandrie, puis précepteur de Néron, « disait, dans » son Traité des Comètes, qu'il en a paru à la veille de ⚫ quelque événement favorable; et il en rapporte des exem» ples1. ›

Les auteurs chrétiens confirment les récits des anciens et le récit de l'Evangile :

D

« La lumière de cette étoile, dit S. Ignace, surpassait » celle de toutes les autres; son éclat était ineffable, et sa » nouveauté faisait que ceux qui la regardaient en étaient frappés de stupeur. Le soleil, la lune et les autres astres » formaient le chœur de cette étoile 2. »>

L'auteur Sibylliste chrétien, qui, au dire de M. Alexandre, écrivait vers l'an 250, s'exprime ainsi : « Le Verbe s'enferma » dans le sein d'une vierge, et se revêtit dans le temps d'une » chair. Ensuite il devint enfant par un enfantement virgi» nal. Prodige! mais digne de foi : Dieu est père; Dieu naît. » A peine né, voilà que la terre, le ciel et l'univers tressail» lent de joie. Ensuite les Mages suivirent une étoile incon» nue, récent ornement du ciel; et l'enfant entouré de langes » fut vu par les fidèles, Bethléem fut démontrée la patrie du » Verbe saint aux gardiens des chèvres et des agneaux, et ⚫ aux bouviers 3. D

Au 4° siècle le philosophe Chalcidius, qui, comme le dit le dernier de ses éditeurs Mullachius, professait qu'il fallait adorer les Dieux de la Grèce, et les Dieux de Rome, et les Dieux étrangers, a conservé la mention de l'Etoile des Mages et l'explication que les savants en donnaient. - Après avoir parlé d'une étoile appelée Ahc par les Egyptiens, et qui annonce des malheurs, il ajoute :

(édit. de Pline, Genève, 1593) regarde ce passage comme interpolé, quoique tous les manuscrits le citent. C'est plutôt pieusement écrit que vrai, dit Hardouin, sans aucune preuve.

1 Dans Origène, Contre Celse, l. 1, c. 59; Patr. grecq., t. xi, p. 770.
'S. Ignace, Epit. aux Ephésiens, c. xix; Patr. grecq., t. v, p. 659.
'Oracula Sibyllina, édit. Alexandre, t. 1, p. 299, et t. 11, p. 439.

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