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à deux moments différents, que l'ascension sur la montagne d'Abarim, accomplie par Moïse dans les Nombres, a un tout autre but que celle qu'il fait au Deuteronome; que ces actes se rapportent comme l'annonce d'un fait à l'accomplissement de ce fait; que dans les Nombres on lit : « Tu seras assemblé » auprès des tiens ou auprès de tes peuples, pp), » et dans le Deutéronome: Sois assemblé, etc., ; que le Deuteronome connaît fort bien l'ascension antérieure de Moïse1, dont les Nombres, au ch. xxxi, 2, font suivre le récit par la promesse de Dieu, que Moïse ne verra la mort qu'après avoir vengé Israël sur les Madianites. Puisque donc il est de la dernière évidence que les deux récits du Pentateuque se rapportent à deux ascensions différentes de Moïse, l'argument de la critique que le Pentateuque renferme sur la mort de Moïse des traditions qui ne s'accordent pas - verschiedene Vorstellungen est une pâture jetée à la crédulité des ignorants.

Quant à la difficulté qu'on fait des noms de la montagne où Moïse doit mourir, et qui sont au nombre de trois : Abarim, Pisgah et Nebo, il en est comme des noms de Horeb et de Sinaï. Abarim était le nom du massif de la montagne; Pisgah, le nom du mont, et Nébo, celui du sommet de ce mont2.

Passons aux chapitres xxvIII, XXIX et xxx. Leur contenu est législatif; ils traitent de sacrifices et de vœux. La critique les accuse d'être tombés là des nues, et M. Cahen, se faisant l'écho de Vater, parle de juxtaposition. C'est le cas de dire: juxtaposition que me veux-tu? Il suffit de jeter un regard sur les chapitres que nous venons de passer en revue pour comprendre, si toutefois on tient à comprendre, que la place qu'occupent ces trois chapitres est parfaitement motivée. En effet, à quoi se rapporte le contenu des chap. xxvi et XXVII? A quoi se rapporte le dénombrement? A quoi se rapporte la loi qui est donnée à l'occasion de la réclamation des filles de Tselophchad? A quoi se rapporte l'installation de Josué? A l'entrée en possession prochaine de la terre promise, évidemment. Eh bien, il en est de même 1 V. II, 27 sq.

2 Cf. Num. XXXIII, 47; Deut. III, 27; xxxII, 49; XXXIV, 1.· Raumer, Palästina, p. 70 sq.

Voy. aussi Von

pour les lois des chap. XXVIII, XXIX et xxx, qui, en complétant et en achevant la législation qui existait déjà sur les sujets dont elles traitent et qu'on trouve, soit dans l'Exode, soit dans le Lévitique, soit dans les Nombres même, montrent bien clairement qu'elles n'ont leur raison d'être que dans un état de choses qui est sur le point de se réaliser et où seul il sera possible de les mettre en pratique, et cet état de choses est l'état de possession de la terre promise. C'est parce que la thorah des sacrifices ne pourra être pleinement exécutée que lorsque la possession du Canaan sera un fait accompli, que le législateur l'achève au moment où Israël va entrer dans cette possession. Ces lois ont donc un à-propos incontestable.

Le morceau commence par le rappel des prescriptions relatives au sacrifice journalier déjà énoncées dans l'Exode, chap. xxix, v. 38-42; mais le législateur nous instruit, par le v. 6 (ch. xxvIII), qu'il sait fort bien qu'il fait ici une répétition. C'est une sorte d'introduction par laquelle il arrive au sacrifice hebdomadaire, le sacrifice sabbatique, loi qu'il complète par un sacrifice non encore ordonné (v. 9, 10). De là il vient aux sacrifices mensuels, aux néoménies, dont il avait parlé déjà d'une manière générale1, mais qu'il prescrit ici avec détail. Puis, une loi sur la célébration de la Pâque, qui suppose les lois déjà données au sujet de cette fête et qui sont complétées par des prescriptions dont n'avaient parlé ni l'Exode ni le Lévitique 2; les sacrifices et les offrandes sont spécifiés. Il en est de même de la fête des prémices, la Pentecôte; les prescriptions énoncées à son sujet reposent sur les lois de l'Exode3 et du Lévitique qu'elles complètent. — Voilà pour le ch. xxvii.

Le ch. xxix commence par compléter la loi sur la fête du premier du septième mois qu'on trouve au Lévitique xxIII, V. 23, 24. Le législateur avait prescrit de solenniser ce jour par des sacrifices; ici il détermine ces sacrifices et tout ce qui s'y rapporte. Puis, il passe à la fête du Kippour ou des Kip

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pourim, le grand jour des expiations, dont il avait traité au Lévitique XXIII, 26-32, mais sans déterminer les sacrifices et les offrandes qui accompagneront le sacrifice solennel de ce jour1; c'est ici qu'on trouve les prescriptions relatives à ces actes. De même pour la fête des Tabernacles. On avait bien dit au Lévitique XXIII, v. 36, qu'il fallait offrir des sacrifices. en cette fête, mais c'est ici seulement que le sujet est traité avec détail et cela pour chacun des huit jours dont se compose cette fête. Aussi ces détails occupent-ils la plus grande partie de ce ch. XXIX, depuis le v. 12 jusqu'au v. 39.

Si maintenant on calcule tous ces sacrifices officiels que le législateur exige d'Israël dans ces deux chapitres, on obtient pour l'année un total de plus de 1,200 victimes, taureaux, béliers, agneaux et boucs. Ce n'est certes pas là, nous croyons, une des moindres preuves que ces lois ont été données la veille de la prise de possession du Canaan; au moment, par conséquent, où l'histoire d'Israël est arrivée, par le récit qui termine le ch. XXVII, à l'installation du successeur de Moïse, le conquérant Josué. Une telle consommation de bétail pour les seuls besoins du culte ne pouvait naturellement avoir lieu que dans un pays cultivé.

Puisque donc il est évident par le caractère de ces lois, caractère de reconnaissance religieuse pour la fertilité du pays où, selon le langage imagé du texte, coulaient le lait et le miel, que les ch. xxviii et xxix occupent à bon droit la place qu'ils ont, qu'ils datent réellement de l'entrée en possession du Canaan; aucune loi du Pentateuque n'étant dépourvue d'ailleurs d'un but plus ou moins prochain; il va de soi qu'il en est de même pour le ch. xxx, qui se rattache à la législation précédente par le dernier verset du ch. xxix, où son sujet, les vœux et les dons volontaires, est annoncé comme formant le complément de la législation des sacrifices. Les vœux, en effet, ne sont autre chose que des sacrifices. Le Lévitique 2 en avait déjà traité; aussi notre chapitre ne revient pas sur cette matière en tant qu'elle est définie déjà; il ne traite que des cas où on est relevé d'un veu et de ceux où il faut l'accomplir.

1 V. Lévit. XVI.

2 V. XXVII.

Il n'est pas inutile de remarquer, comme pouvant contribuer à prouver le rapport authentique de ce chapitre, que la famille israélite n'y apparaît plus sous la tente, mais dans la maison, .

Chapitre XVIII.

Nous avons déjà indiqué le rapport que le ch. xxxi, qui contient la guerre contre les Midianites, présente avec l'histoire de Balaam, à la fin de laquelle l'expédition d'Israël est ordonnée pour punir le crime que Midian, à l'instigation de Balaam, a commis contre le peuple élu. Ne pouvant nier ce rapport, la critique, par l'organe de de Wette 2, essaie du moins de discréditer la vérité historique de cette narration et elle croit avoir trouvé un argument probant dans le fait qu'énonce le v. 49, que pas un homme du côté d'Israël ne périt dans cette guerre. Elle pense que cela suffit pour apprécier la valeur de tout ce récit: der ganzen Nachricht würdig, comme elle dit dédaigneusement.

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Que le renseignement précité permette d'apprécier notre récit, nous ne disons pas le contraire; mais nous le disons dans un sens diamétralement opposé à celui de la critique, qui ne fait ici qu'afficher son étourderie. Est-ce que jamais il n'est arrivé que dans une affaire très-chaude l'une des parties belligérantes en soit sortie sans perte notable et même sans perte aucune? J'ouvre Strabon et j'y lis, au ch. XVI, p. 781, que, sous Auguste, le général Gallus, dans une bataille contre les Arabes, où ceux-ci perdirent 10,000 hommes, ne perdit que deux hommes; puis, pour en avoir le cœur plus net encore, j'ouvre Tacite et j'y vois, au livre XIII, ch. 39 des Annales, que les Romains, conduits par Corbulon contre une place trèsforte de l'Arménie - validissimum in ea praefectura — la prirent d'assaut, malgré une résistance acharnée, passèrent au fil de l'épée tous ses défenseurs, et, l'action accomplie, remarquèrent qu'ils n'avaient que peu de blessés et pas un mort: nullo milite amisso.

' V. xxv, 17, 18.

2 Beiträge etc., II, 374.

Va SÉRIE. TOME XIX.-N° 109; 1869. (78o vol, de la coll.) 3

Eh bien, le fait que l'histoire rapporte des Romains et dont nul de nos hardis critiques ne s'avisera de douter, pourquoi voulez-vous qu'il ne soit pas arrivé aussi aux Israélites? La critique serait bien embarrassée de répondre d'une manière sensée à cette question.

Quant à l'objection qu'elle formule en disant, que d'après notre chapitre tout le peuple midianite parait avoir été anéanti, et que néanmoins plus tard, au temps des Juges 1, nous retrouvons les Midianites comme un peuple puissant et incommode aux Israélites; il paraît qu'elle ne se sent pas bien rassurée sur la force de cet argument. Elle a raison, l'argument, en effet, ne vaut rien. Le texte fait clairement entendre que les Midianites qu'exterminèrent les Israélites ne consistaient qu'en cinq tribus, puisque, tuant tout mâle, arba (v.7), ils ne tuèrent que cinq chefs de tribus (v. 8). Le mot tout,, étant pris ici dans le sens absolu, ainsi que le prouve le v. 17, il est évident qu'il s'agit dans notre récit non du peuple madianite proprement dit, demeurant dans l'Arabie, sur le côté est de la mer Rouge, mais d'une portion seulement de ce peuple, qui, après être sortie du Madian, avait été réduite en vasselage par Sihon, roi des Amoréens 2, voisin de Moab, dont ce prince avait aussi soumis une partie3.

Ainsi la véracité historique de ce chap. xxxi demeure pleine et entière, et les divers rapports très-exacts qu'il présente avec la législation antérieure démontrent, avec une évidence non moins complète, qu'il fait partie intégrante de l'ensemble de la Thorah. Pour s'en convaincre, il suffira de comparer le v. 6 avec Nombres x, 9; les v. 19-24 avec Nomb. xix, 11-22; les v. 49, 50, 54 avec Exode xxx, 12-16.

Si maintenant nous passons au chapitre XXXII, il semble peu nécessaire de nous étendre sur le rapport d'unité qu'il présente avec le texte qui précède, ainsi que sur l'authenticité de son contenu; l'un et l'autre parlent d'eux-mêmes. Le rapport, puisque ce chapitre rappelle tout au long (v. 6-15) l'histoire des explorateurs du Canaan, traitée au ch. x, et

Jud. VII.

2 Jos. XIII, 21.

3 Num. XXI, 26, 28.

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