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Ici la plume s'arrête. Les commentateurs reculent. Amar, l'éditeur de la collection Lemaire, s'écrie : « J'ai honte de con»tinuer mes commentaires, je crois donc devoir m'arrêter, >> incertain si j'ai bien employé mon temps dans cette espèce » de travail'. »

Un des premiers traducteurs dénaturait l'ouvrage en l'intitulant: Les livres d'Ovide de l'art d'aimer et du remède d'amour, rendus fort honnêtes dans la version, en ne faisant que changer peu de chose dans la force de l'expression et le véritable sens de l'auteur, pour l'expliquer à la fin de l'amour de la philosophie 2.

Et cependant la Renaissance proclama l'Art d'aimer comme un code de morale : « Partout, dit Heinsius, Ovide embellit » la morale; il inspire l'amour des devoirs, et substitue les » charmes durables de la vertu à la beauté de la figure. » Schrevelius va plus loin :

« Le poëme de l'Art d'aimer est tellement admirable, que » bien loin qu'il ait dû motiver l'exil du poëte, il devait au >> contraire lui mériter les premiers honneurs et des récom» penses publiques. »>

Scaliger plus sage flétrit ainsi le poëte:

« Les Amours et l'Art d'aimer n'offrent que des obscénités, » sans sel, sans goût, sans aucune bonne qualité. Ce n'est qu'un » fatras et un tissu de sottises 3. 3 >>>>

Le traducteur de 1819 n'a osé continuer sa traduction et l'a remplacée par le texte 4. — Héguin de Guerle, professeur de Louis-le-Grand, est plus hardi et va jusqu'au bout. Au moins il ne défigure pas son auteur 5.

Ovide termine son œuvre par ces triomphantes paroles :

a Comme l'ont fait les jeunes gens, maintenant, jeunes » filles, mon troupeau chéri, inscrivez sur les dépouilles » que vous avez conquises: Ovide fut notre maître. >>

Dans l'Ovide, t. 11, p. 389.

Paris, 1660.

Voir dans l'Ovide de Lemaire, t. vin, p. 507, le titre d'environ 25 traductions françaises de l'Art d'aimer.

• Cités dans l'Ovide de Panckouke, t. I, p. x et xi.

Paris, 12 vol. in-16.

• Edition Panckouke.

Ut quondam juvenes, ita nunc, mea turba, puellæ

Inscribant spoliis: Naso magister erat (1,811).

Pour nous il nous semble que nous pouvons terminer en disant :

Si la société avait pu se constituer telle que l'enseignait Ovide, telle que la pratiquaient Auguste, Julie, et les plus distingués des Romains, elle n'aurait pu continuer; elle était fatalement conduite à sa ruine. La création, attaquée dans sa base, cessait son cours, et le Daimonion, que nous voyons diriger les affaires romaines, était vainqueur de Jéhovah! Il avait détruit son œuvre.

CONCEPTION ET NAISSANCE DE N.-S. JÉSUS-CHRIST.

Tandis qu'à Rome, au milieu d'une civilisation matérielle inouïe, la corruption morale a effacé presque les croyances et les lois primitives jusqu'à insulter la nature et compromettre même la continuation de la création; tandis qu'à Jérusalem le plus détestable tyran, les mains souillées du sang de sa femme, et de deux de ses fils, se prépare à en égorger un 3o, jaux applaudissements d'une multitude qui massacre de sangfroid 300 officiers innocents, voici qu'au milieu de ce chaos, une Voix s'élève d'une pureté, d'une virginité, d'une sainteté qui semblaient avoir disparu de la terre, voix qui n'avait jamais été entendue, et qui ne s'entendra jamais plus dans le monde. C'est comme un rayon de soleil éclairant une nuit d'orage; c'est une pluie de fleurs tombant sur une boue immonde; c'est une rosée céleste rafraîchissant une terre brûlée.

Transportons-nous de Rome et de Jérusalem dans une toute petite ville de cette Judée que nous connaissons, et écoutons :

« Au 6 mois (de la conception de Jean-Baptiste) l'ange Ga»briel fut envoyé de Dieu dans la ville de Galilée, appelée Na» zareth, à une Vierge qu'avait épousée un homme nommé » Joseph de la maison de David; et le nom de la Vierge était » Marie. Or l'Ange étant venu vers elle lui dit:

D

» Je vous salue, pleine de grâce; le Seigneur est avec vous; » vous êtes bénie entre les femmes.

V SÉRIE. TOME XIX.- N° 112; 1869. (78° vol, de la coll.) 17

>> Lorsque Marie l'eut entendu, elle fut troublée de ses pa» roles, et elle pensait quelle pouvait être cette salutation? » Mais l'Ange lui dit :

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»Ne craignez point, Marie; vous avez trouvé grâce devant » Dieu; voilà que vous concevrez dans votre sein et vous enfan» lerez un Fils, à qui vous donnerez le nom de JESUS. Il sera » grand, et sera appelé le Fils du Très-Haut, et le Seigneur"Dieu lui donnera le trône de David, son père, et il règnera » éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n'aura point » de fin.

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» Marie dit à l'Ange:

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» Comment cela se fera-t-il? car je ne connais point d'homme. » Et l'Ange répondant, lui dit :

?

» L'Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut Dvous couvrira de son ombre, c'est pourquoi le Saint qui naîtra » de vous sera appelé le Fils de Dieu. Et voilà qu'Elisabeth, » votre parente, a conçu elle aussi dans sa vieillesse; et ce mois est le 6o de celle qu'on appelle stérile; car à Dieu rien » n'est impossible.

» Alors Marie reprit :

» Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole.

» Et l'Ange s'éloigna d'elle1. »

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Ceci se passait le 25 mars, jour que l'Eglise célèbre par la fête qu'elle appelle l'Annonciation de la Vierge.

Et c'est ainsi que fut accompli le plus grand des mystères. En effet, en ce moment CELUI qui seul existe, et qui est tellement simple, que son essence, son existence. sa subsistance, sa substance et sa nature sont une seule et même chose, devint véritablement composé de deux natures, unies dans une seule personne, de manière que S. Jean a pu dire: Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous 2.

Mais continuons l'histoire de cette bienheureuse femme pendant cette année.

« Or, en ces jours-là (quelques jours après la visite de l'ange >> et la conception du Messie), Marie se levant s'en alla en

S. Lue, c. 1, v. 26 à 38.

2 Et Verbum caro factum est et habitavit in nobis (Jean, 1, 14).

» grande hâte vers les montagnes, en une ville de Juda, et >> elle entra dans la maison de Zacharie et elle salua Elisa» beth1. »

Ecoutons maintenant les paroles de la vieille femme et celles de la jeune fille, âgée de 15 ans. Ce sont des paroles nouvelles; ce ne sont plus des paroles romaines, grecques ou juives de l'ancien monde, c'est la langue nouvelle du monde chrétien, qui commence :

« Et il arriva que lorsque Élisabeth entendit la salutation » de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein et Élisabeth fut » remplie de l'Esprit - Saint. Alors elle s'écria d'une voix >>forte:

» Vous êtes bénie entre les femmes et le fruit de votre sein est béni. Et d'où m'arrive-t-il que la Mère de mon Seigneur vienne vers moi? Car dès que la voix de votre salutation » est venue à mes oreilles, l'enfant a tressailli de joie dans mon sein, et Bienheureuse, vous qui avez cru! car ce qui vous a été dit par le Seigneur s'accomplira. »

Alors Marie dit:

< Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit a tressailli d'allégresse en Dieu mon Sauveur, parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante; et voici que désormais toutes les ogénérations me diront Bienheureuse; car Celui qui est puissant m'a fait de grandes choses, et son nom est saint, et sa miséricorde se répand d'âge en âge sur ceux qui le craignent. Il a déployé la force de son bras; il a dissipé ceux qui s'enorgueillissaient dans les pensées de leur cœur, il a renversé les puissants de leur trône, et il a élevé les humbles. Il a rempli de bien les affamés, et il a renvoyé - les riches les mains vides. Se souvenant de sa miséricorde, il a pris sous sa sauvegarde Israël, son serviteur, comme il l'avait promis à nos pères, à Abraham, et à sa postérité pour toujours 2. >>

Que l'on explique humainement, si on le peut, la simpliité, la majesté, la raison supérieure de ce magnifique canque. Humainement parlant, ni Platon, ni Aristote, ni Cicé 1 Luc 1, 39 et 40.

2 Luc 1, 41 à 55.

ron, ni aucun païen n'ont jamais dit des choses si grandes en des mots plus simples et plus profonds.

Continuons à citer les rares détails de la naissance du Christianisme :

« Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, et elle » s'en retourna ensuite dans sa maison1. »

On voit qu'elle ne voulut pas assister aux couches de sa cousine; attention toute pudique de la Vierge par excellence, car rien ne manque à ce pudique tableau.

2. Naissance de Jean-Baptiste le Précurseur. Nous sommes au siècle d'Auguste et d'Hérode. Ce sont les grands hommes de l'ancien monde; or qui les honore, qui les invoque, qui les prie en ce moment? Montons, comme dit l'Evangéliste, sur les montagnes de la Judée, et assistons à la naissance d'un enfant, qui sera dit le plus Grand des hommes, parce qu'il annoncera le premier la haute qualité du fils de Marie:

Cependant le temps d'enfanter pour Elisabeth s'accomplit, et elle mit au monde un fils, et ses voisins et ses pa»rents ayant appris que Dieu avait signalé en elle sa miséri» corde, s'en réjouissaient avec elle. Or il arriva qu'au » 8 jour, ils vinrent pour circoncire l'enfant, et ils le nom» maient Zacharie, du nom de son père; mais sa mère, pre»nant la parole, dit: Non, mais il s'appellera Jean. Ils lui » dirent: Il n'y a personne dans votre famille qui soit appelé » de ce nom, et ils demandaient par signes au père comment » il voulait qu'on le nommât. Or, demandant des tablettes, » il écrivit : Jean est son nom, et tous furent dans l'étonne» ment. Aussitôt sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia et il » parlait bénissant Dieu.

» Et la crainte se répandit sur tous leurs voisins, et toutes » ces merveilles furent divulguées dans toutes les montagnes » de la Judée, et tous ceux qui les entendirent les recueil» lirent dans leur cœur, disant: Que pensez-vous que sera >> cet enfant? Car la main du Seigneur était avec lui 2. D

Luc, ib., 56.

Ibid., v. 57 à CG.

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