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Un auteur ancien, Cæcil. Minutianus Apuleius, parlant de l'exil d'Ovide, dit:

«Que la cause de son exil fut d'avoir vu l'inceste d'Auguste D avec sa fille. »

Auctor Minutianus est... Ovidium pulsum quoque in exilium, quod Augusti incestum vidisset (dans Col. Rhodog. Lection. Antiq., 1. XIII, c. 1, et dans Greg. Gyraldus, de Poet. hist. Dial., Iv, t. 11, p. 223, in-fol. Lug. Bat., 1696). Il faut avouer que cette dernière accusation est loin d'être prouvée; cependant les grands coupables d'actions honteuses ne tardent pas à haïr les complices de leur infamie. Cela expliquerait, jusqu'à un certain point, l'éloignement de Julie, et sa séparation de toute personne, pour que la malheureuse n'eût pas l'occasion de se plaindre et de l'accuser.

Notons ici que cette exécution se fit en présence des fils de Julie, de Lucius au moins, si Caius était déjà parti pour visiter les légions.

A. BONNETTY

Va SÉRIE. TOME XIX.—No 111; 1869. (78° vol. de la coll.) 13

Histoire primitive.

THUBAL-CAIN A-T-IL INVENTÉ L'USAGE DU FER

OU

L'âge de pierre et l'âge de fer.

Après la lecture du savant ouvrage de M. de Paravey1 où sont soutenues, d'une manière si remarquable et si neuve, tant de thèses capitales, se présente naturellement cette question Est-il vrai que la Genèse attribue au fils de Lamech, Thubal-Caïn, la découverte des instruments d'airain et de fer?... Ce serait là la plus forte objection à formuler contre M. de Paravey qui soutient que l'usage de la pierre n'a point précédé celui du fer. Mais la Bible enseigne-t-elle que l'usage du fer ne date que de l'époque où vivaient les fils de Lamech?

Nous le reconnaissons, beaucoup disent oui. C'est là une opinion assez généralement admise d'après un texte mal interprété et surtout d'après le sentiment de graves autorités.

La plupart des écrivains, des exégètes, admettent que les arts et en particulier celui de travailler le fer et les métaux ne commence qu'à la 8o génération anté-diluvienne.

Josèphe écrit que Thubal-Caïn trouva l'art de forger le fer. On dit que Chrysor, appelé aussi Vulcain par les Grecs, fils d'Hypsuranius, est évidemment Thubal-Caïn; or Sanchoniaton affirme de lui et de son frère qu'ils firent la découverte du fer et des moyens de le travailler3.

Bossuet, parlant de Caïn, dit: l'invention de quelques arts par ses enfants, etc.. Bossuet semble ici suivre le sentiment commun, cependant il pourrait bien, dans ce passage,

1 Confirmation de la Bible par les livres hieroglyphiques conservés en Chine.... Compte-rendu par M. Bonnetty. No des Annales du mois de novembre dernier, t. xvIII, p. 247.

* Josèphe, Antiq.-Judaï., 1. 1, ch. 2, trad. d'Arnauld d'Audilly, t. 1, p. 8. • Sanchoniaton cité par Eusèbe. Prépar. Évang., l. 1, c. 10; dans Patr. grec., t. xxi, p. 79.

• Bossuet. Discours sur l'Hist. univ. 1re partie, 1re époque.

ne faire allusion qu'à Jabel et à Jubal et non à Thubal-Caïn. Le plus récent, le plus lu, le plus remarquable des historiens de l'Eglise, M. l'abbé Darras, est encore plus explicite. Après avoir parlé des crimes de la postérité de Caïn, il ajoute :

« Cependant à côté de ce développement monstrueux des > passions humaines, la Bible nous signale les premiers essais » des arts et de l'industrie. Sella donna le jour à Thubal-Caïn » qui le premier étendit le fer et l'airain sous le marteau et en » fabriqua des instruments divers. » Puis, « en effet Thu» bal-Caïn, le premier qui, d'après la Genèse, découvrit l'art de » forger les métaux... » Plus loin l'abbé Darras signale les découvertes de M. Boucher de Perthes comme confirmant la Bible par la démonstration de la priorité de l'âge de pierre sur l'âge de fer1.

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M. l'abbé Gainet, dans son intéressant ouvrage, semble se ranger à la même opinion. « Ce n'est qu'avec réserve, écrito il, que nous présentons Vulcain le forgeron dont la fable › avait fait un dieu, comme le même personnage que Thu>> bal-Caïn, le premier forgeron de l'univers2. »

Nous ne savons guère qu'un apologiste moderne bien connu qui ait soutenu la thèse contraire, c'est M. Jehan (de SaintClavien), répondant à M. de Brotonne, mais nous ne savons plus dans lequel de ses livres. Nous n'avons pas retrouvé ce passage.

S'éloigner de l'interprétation de la plupart des commentateurs, et des plus illustres, peut paraître téméraire; mais enfin il nous semble que l'étude attentive du texte sacré le demande. Le sens erroné de ce texte, admis de confiance sur la foi de graves écrivains, a certainement entretenu le grand nombre dans l'opinion commune et nous y a retenu longtemps nousmême, nous l'avouons. Cependant il nous a toujours semblé dur d'admettre qu'Adam et ses premiers descendants aient été privés de l'usage du fer et des métaux.

A moins de croire en effet à l'état de nature, c'est-à-dire de sauvagerie primitive, (et les vrais savants n'y croient plus), le bon sens dit que Dieu a dû donner à Adam toutes les connais1 Darras, Hist. de l'Église, t. 1, p. 239 et 241. 2 Gainet, La Bible sans la Bible, t. 1, p. 94.

sances essentielles, lui révéler le langage, les propriétés des plantes et des animaux, les rudiments des sciences, des arts, et pourquoi pas aussi, par conséquent, l'emploi des métaux ? -La Bible nous déclare qu'Adam fut placé dans le Paradis terrestre non pas seulement pour le garder, ut custodiret, mais encore pour le cultiver, ut operaretur... illum1. Ce n'était pas là, sans doute, pour Adam, un travail rude et pénible comme le travail actuel, mais enfin c'était un travail, c'était une culture. Il fallait bien à l'homme les moyens d'accomplir cette tâche. Pourquoi Dieu l'aurait-il laissé tâtonner pour l'emploi de ces moyens, et, si Dieu fut l'instituteur d'Adam, pourquoi ne lui aurait-il donné ou indiqué que les instruments de pierre, c'est-à-dire après tout et quoi qu'on dise, des instruments incomplets et inférieurs aux instruments de métal?... La pierre était là, jonchant le sol, dira-t-on, tandis que le fer est plus difficile à se procurer et à travailler. Mais le fer était là aussi, peut-on répondre, et sait-on ce qu'il y avait sur ce sol primitif et ce que Dieu avait pu préparer pour les premiers besoins de l'homme? Les fragments du fer météorique, si nombreux même sur notre sol, ne pouvaientils pas être facilement employés aux premiers usages?

Qu'on n'allègue pas que probablement Adam n'eût recours ni aux instruments de métal, ni à ceux de pierre, que son séjour dans l'Eden fut très-court et que rien ne prouve qu'il ait réellement commencé à le cultiver. Assertion bien gratuite! Nous ne savons rien de la durée du séjour de nos premiers parents dans le Paradis, il a pu être d'une certaine étendue; c'est le sentiment de l'abbé Darras, et les paroles d'Eve, répondant an serpent, le feraient supposer. Mais peu importe. Ce qui l'abrégea, ce séjour, ce fut la faute d'Adam et d'Eve, faute qui aurait pu ne pas avoir lieu ou arriver bien plus tard. Dieu les avait mis dans le Paradis pour y rester et il avait dû leur donner les moyens de cultiver le sol de l'Eden, car telle était sa volonté... ut operaretur.

Quoi qu'il en soit de ce qui eut lieu dans l'Eden, Adam vient de pécher, il est chassé du Paradis, il n'est plus immortel, il doit, sous peine de mort, pourvoir à ses besoins maté1 Genèse, c. II, v. 15.

riels, il est condamné à manger son pain à la sueur de son front. Il doit donc avoir les moyens de tirer de la terre ce pain, soutien maintenant de sa vie misérable. Le Père infiniment bon qui veut bien, en ce moment même, consoler le coupable et lui promettre un Sauveur, aurait-il abandonné Adam à luimême?... Ne lui enseigna-t-il pas au moins alors (en supposant qu'il ne l'avait pas déjà fait dans le Paradis), l'art de labourer la terre, d'en tirer le pain et les autres aliments? Des instruments rudimentaires imparfaits, au moins pour la grande culture, auraient-ils été vraiment suffisants dans les circonstances surtout où se trouvait Adam alors qu'il était seul avec Eve, que tout le travail retombait sur ce couple infortuné ?... Il semble bien que des instruments de métal étaient alors à peu près indispensables.

Caïn bâtit une ville à laquelle il donne le nom de son fils Hénoch. Caïn, comme l'avance M. de Paravey, ne devait-il pas connaître les métaux et les instruments de fer, d'airain? Bâlir cette ville à l'aide seulement d'instruments de pierre paraît bien difficile et il semble difficile aussi qu'il n'entre aucune pièce de métal dans la construction d'une maison. Nous savons qu'on nous dira: mais Hénochia n'était sans doute qu'une simple réunion de cabanes. Qu'en sait-on? L'Ecriture dit: une ville, et Josèphe écrit: que Caïn l'entoura de remparts1. Si plusieurs prétendent qu'Hénochia n'était qu'un amas de huttes, c'est précisément parce qu'ils croient que les arts n'étaient pas alors assez avancés pour permettre de construire autre chose. Eh!... c'est là précisément la question, on la sup pose décidée en ce sens, et l'on a tort.

Voilà les considérations que suggère le bon sens, ma toutes ces considérations n'auraient aucune valeur s'il était vrai que la Bible attribue à Thubal-Caïn l'invention des instruments de fer, et le proclame, lui, le 7′ descendant d’Adam, le premier forgeron qu'ait vu le monde.

Examinons donc le texte de la Genèse aux versets 20, 21, 22, du ch. IV.

Voici d'abord la Vulgate :

1 Josèphe, Ant. Jud., 1. 1, c. 2, no 2, édit. Didot, t. I, p. 8.

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