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<«< Mais, dis-tu, quand un rhume a glacé votre corps, « Ou qu'une fièvre ardente en brise les ressorts, « On a pour de l'argent quelqu'un qui vous caresse, « Qui va du médecin gourmander la paresse,

« Pour qu'il vienne au plus vite, et par ses soins heureux
« Sèche, en vous guérissant, les pleurs de vos neveux. »
Tes neveux! Frères, sœurs, voisins, maîtresse, et femme,
Tous, jusques à tes fils, te détestent dans l'ame.
Faut-il s'en étonner? Quand tu n'aimes que l'or,
A l'amitié d'autrui peux-tu prétendre encor?
L'espères-tu pour rien, vieil avare inutile?
C'est dresser au manége un baudet indocile.
Mais enfin mets un terme à ton avidité:
Riche, tu ne dois plus craindre la pauvreté.
Te voilà satisfait; jouis, ou crains la honte,
Et le destin d'Irus, qu'il faut que je te conte.
Ce vieux riche à boisseaux mesurait son argent,
Vêtu comme un valet, vivant en indigent :

La

peur de l'être un jour tourmentait notre avare. Une femme, imitant la fille de Tyndare,

S'arma d'une cognée, et le fendit en deux.

- Fort bien. En m'effrayant par cet exemple affreux,
Vous voulez, direz-vous, qu'à mon âge j'imite
Le débauché Crassus, et le prodigue Iphite.
Poursuivez, et passez de l'un à l'autre excès.
N'entassez point votre or, ne le jetez jamais.
peut de Tanaïs censurer l'avarice,

On

Sans louer chez Othon l'inconduite et le vice.
Il est, loin des excès, un milieu peu connu;
C'est là qu'il faut rester, c'est là qu'est la vertu.

Je reviens à mon texte. Aussi fou que l'avare,
Chaque homme, pour lui seul trouvant le sort barbare,
Verra-t-il son semblable avec des yeux jaloux?

Il maigrit si quelqu'un recueille un miel plus doux;

Tabescat? neque se majori pauperiorum

Turbæ comparet? hunc atque hunc superare laboret?
Sic festinanti semper locupletior obstat:
Ut, cùm carceribus missos rapit ungula currus,
Instat equis auriga suos vincentibus, illum
Præteritum temnens extremos inter euntem.
Inde fit ut rarò, qui se vixisse beatum
Dicat, et exacto contentus tempore vitæ
Cedat, uti conviva satur, reperire queamus.
Jam satis est: ne me Crispini scrinia lippi
Compilasse putes, verbum non ampliùs addam.

SATYRA II.

AMBUBAJARUM collegia, pharmacopolæ,
Mendici, mimæ, balatrones, hoc genus omne
Moestum ac sollicitum est cantoris morte Tigelli;
Quippe benignus erat. Contrà hic, ne prodigus esse
Dicatur, metuens, inopi dare nolit amico,
Frigus quo duramque famem depellere possit.
Hunc si perconteris, avi cur atque parentis
Præclaram ingratâ stringat malus ingluvie rem,
Omnia conductis coemens opsonia nummis ;
Sordidus atque animi quod parvi nolit haberi,
Respondet: laudatur ab his, culpatur ab illis.
Fufidius vappæ famam timet ac nebulonis,
Dives agris, dives positis in fenore nummis.
Quinas hic capiti mercedes exsecat ; atque,
Quantò perditior quisque est, tantò acriùs urget.

Et, sans se comparer à la foule indigente,

A

passer tel ou tel l'insensé se tourmente.

Vain espoir, soins perdus : un autre, plus heureux,
Vient toujours de sa gloire importuner ses yeux.
Ainsi, lorsque des chars dévorent la carrière,
Le coureur, oubliant ceux qu'il laisse en arrière,
Poursuit d'un œil jaloux ceux qui l'ont devancé.
Où trouver un mortel satisfait et sensé,
Qui, le moment venu, sans regret, sans envie,
Sorte, convive heureux, du banquet de la vie?
Mais je m'arrête ici; car, si j'étais diffus,
Vous pourriez m'accuser de piller Crispinus.

TIGELLIUS

SATIRE II.

GELLIUS est mort : tout est en deuil; chanteurs, Parasites, marchands, musiciens, acteurs.

C'était un si brave homme ! il aimait la dépense. Cet autre, non moins fou, redoutant l'indigence, A son ami, qui meurt et de froid et de faim, N'aura garde d'offrir un habit et du pain. Demandez au premier pourquoi dès son jeune âge Il a de ses aïeux dévoré l'héritage,

Et même pris déja sur le bien du prochain.

« Je suis né généreux, vous dira-t-il soudain;

« L'avarice est un crime. » Et chacun, dans son ame,
Suivant ses passions, l'applaudit ou le blâme.
Au contraire, Quintus, ce riche possesseur

De beaux biens, de contrats, de billets au porteur,
Craindrait d'être blâmé pour sa magnificence.

Il prête à vingt pour cent, qu'il fait payer d'avance,

2.

2

Nomina sectatur, modò sumtâ veste virili,
Sub patribus duris, tironum. Maxime, quis non,
Jupiter, exclamet, simul atque audivit? At in se
Pro quæstu sumtum facit. Hic, vix credere possis,
Quàm sibi non sit amicus: ita ut pater ille, Terentî
Fabula quem miserum nato vixisse fugato

Inducit, non se pejus cruciaverit atque hic.

Si quis nunc quærat, Quò res hæc pertinet? Illuc : Dum vitant stulti vitia, in contraria currunt. Malchinus tunicis demissis ambulat; est qui Inguen ad obscoenum subductis usque facetus: Pastillos Rufillus olet, Gorgonius hircum.

Nil medium est. Sunt qui nolint tetigisse, nisi illas, Quarum subsutâ talos tegat instita veste:

Contrà, alius nullam, nisi olente in fornice stantem.
Quidam notus homo, cùm exiret fornice, Macte
Virtute esto, inquit sententia dia Catonis;
Nam simul ac venas inflavit tetra libido,
Huc juvenes æquum est descendere, non alienas
Permolere uxores. Nolim laudarier, inquit,
Sic me, mirator cunni Cupiennius albi.
Audire est operæ pretium, procedere rectè
Qui mochis non vultis, ut omni parte laborent;
Utque illis multo corrupta dolore voluptas,
Atque hæc rara, cadat dura inter sæpè pericla,
Hic se præcipitem tecto dedit : ille flagellis
Ad mortem cæsus: fugiens hic decidit acrem
Prædonum in turbam: dedit hic
pro corpore nummos:
Hunc perminxerunt calones : quin etiam illud
Accidit, ut cuidam testes caudamque salacem
Demeteret ferrum. Jure omnes; Galba negabat.

Harcèle un débiteur quand il l'a ruiné;

Et, s'il est un jeune homme au vice abandonné,
Qui spécule déja sur le bien de son père,
Quintus par ses secours hâtera sa misère.

Juste ciel ! direz-vous, mais c'est un homme affreux!
Au moins sait-il jouir de ses profits honteux?
Point du tout. Misérable, ennemi de lui-même,
C'est un vrai suicide, un autre Ménédème.

Je ne vois que des fous. Mais où tend ce discours?
De l'un à l'autre excès l'homme passe toujours.
Paul traîne avec orgueil sa toge magnifique :
Thrason jusqu'au genou relève sa tunique:
Rufille sent le musc dont il est parfumé;
Et Tarpa, certain mal dont il est consumé.

Tel consacre ses vœux à cette belle altière Que pare noblement la pourpre héréditaire. Tel autre, préférant de moins fières beautés, Dans des réduits honteux cherche ses déités; Et dit, avec Caton, que, lorsque amour nous presse, Il vaut mieux de Laïs acheter la tendresse,

Que corrompre avec art la femme du voisin.

Mais un plaisir facile est trop peu pour Lucain.
Vous qui n'approuvez pas cette flamme coupable,
Voyez quels maux en sont le prix inévitable.
L'un du toit qu'il souillait se vit précipité;
Courant au rendez-vous, l'autre fut arrêté :
Maint galant au bâton soumit son fier courage;
Maint y perdit sa bourse, et même davantage.
Ce digne traitement était bien mérité;
Personne que Galba n'en a jamais douté.

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