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Et qu'on verra le Parthe avouer son vainqueur,
Un certain Coranus, assez mauvais payeur,
Voudra, pour s'acquitter et doter sa famille,
Au riche Nasica donner sa grande fille.
Le mariage fait, le gendre, méchamment,
A son beau-père ira porter son testament.
Après bien des façons, l'autre, d'un œil avide,
Dévorera tout bas ce testament perfide,

Et verra que son gendre, adroit à le leurrer,
Ne lui laisse à sa mort que les yeux pour pleurer.
Qu'un fripon de valet et qu'une femme habile
Gouvernent un vieillard à la tête débile,
Sans scrupule avec eux ligue-toi contre lui,
Et vante-les beaucoup, pour t'en faire un appui.
Mais du maître sur-tout cajole la faiblesse.
Fait-il de méchans vers? admire-les sans cesse.
Est-il encor galant? va, de ta propre main,
Offrir ta Pénélope à ce vieux libertin.

ULYSSE.

Quoi! que ma femme écoute un soupirant risible, Elle que tant d'amans n'ont pu rendre sensible!

TIRÉSIAS.

Ces jeunes étourdis n'étaient pas généreux;
Et qui ne donne point n'est guère dangereux.
Parlez-moi d'un vieillard : que ta femme discrète
En essaye une fois, et ta fortune est faite.

Mais crains d'être importun. Jadis, de mon vivant,
Une vieille de Thèbe ordonna, méchamment,
Que son héritier, seul, et le dos frotté d'huile,
Porterait son cadavre à son dernier asile.
A son persécuteur elle voulait, je crois,
Avant d'être enterrée échapper une fois.

Quòd nimiùm institerat viventi. Cautus adito:
Neu desis operæ, neve immoderatus abundes.
Difficilem et morosum offendes garrulus: ultro
Non etiam sileas. Davus sis comicus; atque
Stes capite obstipo, multùm similis metuenti.
Obsequio grassare : mone, si increbuit aura,
Cautus uti velet carum caput: extrahe turbâ,
Oppositis humeris: aurem substringe loquaci.
Importunus amat laudari? donec, Ohe jam!
Ad cœlum manibus sublatis dixerit, urge, et
Crescentem tumidis infla sermonibus utrem.

Cùm te servitio longo curâque levârit ;
Et certùm vigilans, Quartæ esto partis Ulysses,
Audieris, heres: Ergo nunc Dama sodalis

Nusquam est! unde mihi tam fortem, tamque fidelem?
Sparge subinde; et, si paulùm potes, illacrymare. Est
Gaudia prudentum vultu celare. Sepulcrum
Permissum arbitrio, sine sordibus, exstrue: funus
Egregiè factum laudet vicinia. Si quis

Fortè coheredum senior malè tussiet; huic tu
Dic, ex parte tuâ, seu fundi, sive domûs sit
Emptor, gaudentem nummo te addicere. Sed me
Imperiosa trahit Proserpina: vive, valeque.

Profite de l'avis: courtise avec prudence;
Point d'excès dans les soins, et point de négligence.
Un grand parleur fatigue un vieillard bilieux.

Mais ne sois pas non plus morne et silencieux:
Le cou tendu, l'œil fixe, occupé de ton rôle,
D'un souris complaisant préviens chaque parole;
Devant lui de 1 foule écarte tous les flots,

Et, pour l'en garantir, porte-la sur ton dos.

Si le vent est plus froid, plus fort qu'à l'ordinaire,
Presse-le de couvrir une tête si chère.

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Sache au fond de son cœur te glisser avec art;
Sache écouter sur-tout, s'il est un peu bavard.
Veut-il être flatté? plus de paix, ni de trève:
Souffle-moi le ballon, qu'il s'enfle, qu'il en crève,
Qu'enfin ton homme étouffe, et demande merci.

Un jour, de tant de soins par sa mort affranchi,
Quand, les yeux bien ouverts, entendant à merveille,
Ces mots bien prononcés frapperont ton oreille,
« Qu'Ulysse ait la moitié de ma succession, »
Fais soudain de tes cris retentir la maison:
<< Mon ami n'est donc plus! ô douleur inouie!
« Qui me rendra celui pour qui j'aimais la vie? »
Étouffe bien ta joie, et pleure, si tu peux.
Fais ensuite à sa cendre un cortége pompeux;
Qu'on admire les soins d'une amitié pieuse :
Et, déja fatigué d'une toux dangereuse,
Si ton cohéritier, peu content de son lot,
Veut acheter le tien, sans marchander il faut
Le céder, l'offrir même, et t'en faire un mérite.
Mais adieu; car Pluton m'appelle; et je te quitte.

SATYRA VI.

Hoc erat in votis: modus agri non ita magnus,
Hortus ubi, et tecto vicinus jugis aquæ fons,
Et paulùm silvæ super his foret. Auctiùs atque
Dî meliùs fecere. Bene est: nihil amplius oro,
Maja nate, nisi ut propria hæc mihi munera faxis.
Si neque majorem feci ratione malâ rem,
Nec sum facturus vitio culpâve minorem;

Si veneror stultus nihil horum: O si angulus ille
Proximus accedat, qui nunc denormat agellum!
O si urnam argenti fors quæ mihi monstret, ut illi,
Thesauro invento, qui mercenarius agrum
Illum ipsum mercatus aravit, dives amico

Hercule! si quid adest, gratum juvat: hâc prece te oro,
Pingue pecus domino facias et cætera, præter
Ingenium; utque soles, custos mihi maximus adsis.
Ergo ubi me in montes et in arcem ex urbe removi,
(Quid priùs illustrem satyris musâque pedestri?)
Nec mala me ambitio perdit, nec plumbeus Auster,
Autumnusque gravis, Libitinæ quæstus acerbæ.

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Matutine pater, seu Jane libentiùs audis, Unde homines operum primos vitæque labores Instituunt (sic Dîs placitum ), tu carminis esto Principium, Romæ sponsorem me rapis: Eia!

SATIRE VI.

LA VILLE ET LA CAMPAGNE.

C'ÉTAIENT là tous mes vœux : un modique domaine;
Un jardin arrosé d'une pure fontaine ;

Un bois de peu d'arpens. L'indulgence des dieux,
Me prodiguant ces biens, a surpassé mes vœux.
'C'est assez, je n'en puis desirer davantage.
Si je sus en jouir, conserve-m'en l'usage,
Divin fils de Maïa: par de honteux moyens
Je ne veux ni grossir ni dissiper ces biens;
Et jamais, aux autels, mon ame intéressée
N'importuna les cieux d'une plainte insensée.
Oh! si j'avais ce champ pour doubler mon jardin !
Si je pouvais, un jour, en fouillant mon terrain,
Découvrir un trésor, comme l'heureux Tibère,
Qui de pauvre fermier devint propriétaire!
Vains desirs! loin de moi tous ces vœux indiscrets :
Je bénis mon partage. Accueille mes souhaits,
Protége, aimable Dieu, qui daignes me sourire,
Protége mes troupeaux, mes moissons, et ma lyre.
Loin des ambitieux, de Rome et du fracas,
A l'abri de ces vents qui portent le trépas,
Retiré dans mon fort, qu'ai-je de mieux à faire
Que d'égayer un peu ma muse familière?

O père du matin, qu'avant les autres Dieux
Invoque en ses travaux l'homme laborieux!
Ou, sous un autre nom si tu veux qu'on t'adore,
O Janus! à mes vers viens présider encore.

A Rome il faut courir devant les magistrats
Pour répondre de tel que je ne connais pas.

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