Page images
PDF
EPUB

Ayant Argos, ou Thèbes pour patrie,
Né dans la Grèce, ou bien dans l'Assyrie.
Des vieux héros dessinez-vous les traits?
Exposez-nous leurs fidèles portraits:
Peignez Achille ardent, inexorable,
Altier, colère, osant braver les lois,
Hors ceux du glaive ignorant tous les droits;
Ixion traître, et Médée indomptable,

Ino plaintive, Oreste inconsolable.

Que le héros d'un sujet inventé

Soit jusqu'au bout à lui-même semblable,
Tel que d'abord vous l'avez présenté.
Un sujet neuf veut beaucoup de science.
Vous sentez-vous trop peu d'expérience?
Sans vous complaire en de si hauts projets,
A l'Iliade empruntez vos sujets.
A votre tour vous deviendrez modèle,
Si, libre auteur, non copiste fidèle,
Vous traduisez du chantre des héros
Tout le génie, et non pas tous les mots.

Concourez-vous pour les palmes épiques? Ne criez pas comme certains auteurs: « Je chanterai les combats héroïques, « Et de Priam les illustres malheurs. >> Nous tiendra-t-il, ce chantre à large bouche, Ce qu'il promet avec tant d'apparat?

Oh! non vraiment: la montagne est en couche;

Non fumum ex fulgore, sed ex fumo dare lucem
Cogitat, ut speciosa dehinc miracula promat,
Antiphaten Scyllamque et cum Cyclope Charybdin;
Nec reditum Diomedis ab interitu Meleagri,
Nec gemino bellum Trojanum orditur ab ovo.
Semper ad eventum festinat; et in medias res,
Non secus ac notas, auditorem rapit; et, quæ
Desperat tractata nitescere posse, relinquit;
Atque ita mentitur, sic veris falsa remiscet,
Primo ne medium, medio ne discrepet imum.

Tu, quid ego et populus mecum desideret, audi:
Si plausoris eges aulæa manentis, et usque
Sessuri, donec cantor, Vos plaudite, dicat,
Ætatis cujusque notandi sunt tibi mores,
Mobilibusque decor naturis dandus et annis.
Reddere qui voces jam scit puer, et pede certo

Grande rumeur: et que naît-il? un rat.
Étudiez ce docte personnage

Qui, sans orgueil marchant à pas certains,
Implore ainsi sa muse habile et sage:
<< Dis-moi ce Grec qui, du troyen rivage,
« De bords en bords jeté par les destins,
«< Vit les cités et les mœurs des humains. »
Quelque fumée a paru la première;
Mais de ses flancs jaillira la lumière :
Traçant bientôt des prodiges nombreux,
Il nous dira Calypso gémissante,
Et le Cyclope et sa rage impuissante,
Et de Scylla les aboîmens affreux.
Va-t-il chercher l'œuf où naquit Hélène?
En plein sujet il marche et nous entraîne;
Il vole au fait: principe, milieu, fin:
Rien ne diffère en couleur, en dessin.
S'il ment, chez lui le faux est vraisemblable;
Tout est brillant, ou soudain rejeté;
La vérité charme comme la fable;

La fable instruit comme la vérité.

Sur le théâtre étalant vos ouvrages,
Prétendez-vous charmer les spectateurs?
Montrez-vous peintre, et des différens âges
Représentez les différentes mœurs.
Sent-il son pied devenu moins débile?
De ses pareils l'enfant cherche les jeux,

Signat humum, gestit paribus colludere, et iram
Colligit ac ponit temerè, et mutatur in horas.
Imberbus juvenis, tandem custode remoto,
Gaudet equis canibusque et aprici gramine campi;
Cereus in vitium flecti, monitoribus asper,
Utilium tardus provisor, prodigus æris,
Sublimis, cupidusque et amata relinquere pernix.
Conversis studiis, ætas animusque virilis
Quærit opes et amicitias, inservit honori,
Commisisse cavet quod mox mutare laboret.
Multa senem circumveniunt incommoda : vel quòd
Quærit, et inventis miser abstinet ac timet uti;
Vel quòd res omnes timidè gelidèque ministrat;
Dilator, spe longus, iners, avidusque futuri,
Difficilis, querulus, laudator temporis acti
Se puero, censor castigatorque minorum.
Multa ferunt anni venientes commoda secum,
Multa recedentes adimunt. Ne fortè seniles
Mandentur juveni partes, pueroque viriles,
Semper in adjunctis ævoque morabimur aptis.

Aut agitur res in scenis, aut acta refertur. Segniùs irritant animos demissa per aurem Quàm quæ sunt oculis subjecta fidelibus, et quæ

Crie et se tait, rit et pleure avec eux,
Toujours ému, toujours vif et mobile.
L'adolescent échappe aux longs regards
Des gouverneurs: quelles sont ses délices?
Meutes, chevaux, chasses, courses de chars.
Apre aux conseils, de cire pour les vices,
Il est prodigue, ardent, présomptueux,
Exagéré, mais volage en ses vœux.
L'homme au sortir de la folle jeunesse,

Du moindre écart soigneux de s'abstenir,
Prévoit, combine, assure l'avenir,

Cherche crédit, puissance, honneurs, richesse.

Le froid vieillard aime à temporiser,

Amassant l'or et n'osant en user,

Prompt à la crainte et lent à l'espérance,
Donneur d'avis, difficile, grondeur,

Du tems présent déterminé frondeur,
Prôneur outré des tems de son enfance.
De mille biens les ans viennent suivis;

Et

par les ans ces biens nous sont ravis. Composez donc comme agit la nature, Principe unique et modèle de l'art:

D'un vieux jeune homme ou d'un jeune vieillard N'offrez jamais la bizarre peinture.

Chaque incident se raconte ou se voit.
Du spectateur l'âme est bien plus émue
Lorsque la chose est présente à sa vue:

« PreviousContinue »