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main l'onde la plus pure & la plus saine. Qu'un pareil maître se garde d'approcher du nourrisson des Muses qu'il aille donner des leçons aux enfans des Scythes, ou de quelque autre peuple, s'il en est de plus barbares dans l'univers.

DÉJA mon disciple entre dans le sanctuaire de la Poësie, & commence à se baigner dans les eaux du sacré vallon. Déjà il regarde avec veneration celui que les Muses du Mincio nourrirent sous leurs berceaux de verdure. Qu'il est frappé de son invention, de son art! lui sera-t-il donné un jour d'enfanter d'aussi beaux vers! Déjà il s'interesse pour le jeune Ascagne : il lit avec attendrissement le sort deplorable de cette brillante jeunesse que l'impitoyable Mars à moissonnée avant le temps, & plongée dans les ombres de la mort. Il fait cent questions sur le jeune Lausus, sur le malheureux Pallas; mais sur-tout, il pleure à chaque vers, quand l'aimable Euryale est arque Virgile etoit né à Andès, dans les environs de Mantouc.

Ah miseræ legit Euryalum, pulchrosque que per

artus

Purpureum, letho dum volvitur, ire cruorem.

NECNON interea Graios accedere vates

Audeat, & linguam teneris assuescat utramque 125 Auribus exercens, nunc hanc, nunc impiger illam. Nulla mora est: nostro Æneæ jam conferet igneis Aacidem flagrantem animis, Ithacumque vagan

tem

A:que ambos sæpe impellet concurrere vates.

Nunc geminas, puer, huc aures, huc dirige men

tem.

130 Nam, quia non paucos parte ex utraque poëtas Nostrosque, Graiosque tibi se offerre videbis; Quos hîc evites, quibus idem fidere tutus Evaleas, dicam, ne quis te fallere possit.

HAUD multus labor auctores tibi prodere Graios, 135 Quos inter potitur sceptris insignis Homerus.

Hunc omnes alii observant : hinc pectore numen
Concipiunt vates, blandumque Heliconis amor

rem.

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raché à la tendresse d'une mere accablée d'années, & qu'il voit son sang vermeil couler sur ses beaux membres.

Il ne craindra point de s'approcher en même-tems des Grecs, & de s'exercer egalement dans l'une & l'autre langue. Il comparera notre Enée avec l'impétueux Achille & le prudent Ulysse, & mettra les deux Poëtes dans la balance. Aimable enfant, prêtez moi l'oreille: ecoutez moi avec l'attention

la plus vive. Je vais vous faire connoître les guides que vous pourrez suivre sans crainte, & ceux dont vous devez vous défier; car il y en a un grand nombre qui s'offriront à vous, tant parmi les Latins, que chez les Grecs.

Il ne sera pas difficile de vous faire connoître ceux-ci, Homere tient le sceptre au milieu d'eux. Tous les autres s'abbaissent devant lui. C'est chez lui les Poëtes vont echauffer leur que genie & puiser l'amour des vers! Heureux les Poëtes nés dans ce beau siecle! Heureux encore ceux qui sont nés dans le siecle suivant! Plus on est voisin de

Felices quos illa ætas, quos protulit illi

Proxima! Divino quanto quisque ortus Homero 140 Vicinus magis, est tanto præstantior omnis, Degenerant adeò magis, ac magis usque minores Obliti veterum præclara inventa parentum. Jamque ferè Inachia restincta est gloria linguæ Omnis, & Argolici jussi concedere avitis 145 Sunt pulsi reges soliis, civesque coacti

Diversa exilia, atque alienas quærere terras,
Huc illuc inopes errant. Habet omnia victor
Barbarus 5, & versis nunc luget Græcia fatis.

NOSTRI autem ut sanctum divas Helicona colentes

50 Cœperunt primùm in Latium transferre, flue

bant

Versu imcomposito informes, artisque Pelasgæ
Indociles Musâ fundebant carmina agresti

Sylvicolas inter Faunos. Tunc omne sonabat
Arbustum fremitu sylvai frondosai.

55 Nondum acies, nondum arma rudi pater En]

nius ore

l'âge d'Homere, plus on est près de la perfection: plus on en est eloigné, plus on degenere. Aujourd'hui la langue des enfans d'Inachus a perdu toute sa gloire. Les rois depouillés de leurs trônes, les peuples chassés de leurs foyers, ont été forcés de s'exiler dans des terres etrangeres, où ils languissent dans une triste pauvreté. Le barbare vainqueur a tout envahi, & la Grece désolée pleure sur ses malheureuses destinées.

QUAND nos Peres essayerent de transporter les Muses dans le Latium, ils commencerent par des vers informes & grossiers, qu'il chantoient sans art parmi les Faunes, & dont ils faisoient bruire les bois feuillus. Ennius n'avoit pas encore fair entendre les durs accens de sa muse guerriere. Ce fut lui qui osa le premier esperer de cueillir des lauriers sur le Pinde des Grecs. On rechercha ensuite les Causes des êtres, & les routes cachées de la Nature; en

5 Le Barbare dont de Constantinople en parle le Poete est le 1453 Ture qui s'empara

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