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mani juris, fons publici privatique juris, Tacite, finis æqui juris, se présentent comme un monument unique, en son genre, dans l'histoire du droit romain. En effet, elles sont toujours restées, jusqu'à Justinien, le seul corps de lois qui embrassât l'ensemble du droit positif. Aussi, longtemps après que, à cause de leur langue vieillie, elles eurent cessé d'être généralement comprises, et que, de fait, la plus grande partie de leurs dispositions eurent été abolies par le nouveau droit, elles continuèrent encore d'être considérées comme étant, nominalement et en théorie, la base fondamentale de tout le droit postérieur; car on avait soin d'y rattacher artificiellement, au moins dans l'élaboration scientifique, tout ce qui s'était introduit depuis, comme n'en étant qu'une simple extension amenée par les besoins du temps ou une modification sur quelque point particulier. C'est seulement par les grands recueils de Justinien que l'autorité pratique des lois des Douze Tables a été formellement abolie.

Malheureusement nous n'avons qu'une connaissance très-incomplète des dispositions de ces lois. Elle repose, d'une part, sur quelques fragments isolés, et encore fort peu sûrs, de leur texte, et, d'autre part, sur des relations et indications très-vagues de leur contenu. Cependant divers essais ont été tentés, depuis le xvr siècle, pour reconstruire, par la réunion de ces débris, les leges duodecim tabularum dans leur ensemble. Les principaux auteurs de ces restitutions sont Jacques Godefroi et Hau

1

Jac. Gothofredi Fragmenta XII tabularum suis nunc primum tabulis restituta, Heidelberg, 1626; plus tard, avec des améliorations, dans ses Quatuor fontes juris civilis, Genève, 1653.

bold'. Après eux, Dirksen2 a rassemblé tous les matériaux déjà préparés, en soumettant à une critique judicieuse les travaux antérieurs et en y ajoutant ses propres recherches.

Placuit, publica auctoritate decem constitui viros, per quos peterentur leges a græcis civitatibus et civitas fundaretur legibus, quas in tabulas eboreas (roboreas?) perscriptas pro rostris composuerunt, ut possent leges apertius percipi, datumque est eis jus eo anno in civitate summum, uti leges et corrigerent, si opus esset, et interpretarentur, neque provocatio ab eis, sicut a reliquis magistratibus, fieret. Qui ipsi animadverterunt aliquid. deesse istis primis legibus, ideoque sequenti anno alias duas ad easdem tabulas adjecerunt. Et ita ex accidentia appellatæ sunt leges duodecim tabularum, quarum ferendarum auctorem fuisse decemviris Hermodorum quemdam Ephesium. POMPONIUS, fr. 2, S4, D., 1, 2, De orig. jur. Conf. Cic., De rep., II, c. 36, 37, 57; III, c. 37; De orat., I, c. 43. Liv., III, c. 9, 10, 31, sqq.; IV, c. 1–6. TAC., Annal., III, c. 27. - GELL., Noct. Att., XX, c. 1. DION. HALIC., X, c. 3, sqq.

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DEUXIÈME PÉRIODE.

DEPUIS LA LOI DES DOUZE TABLES JUSQU'A L'ÉTABLIS SEMENT DU GOUVERNEMENT MONARCHIQUE SOUS L'EMPEREUR AUGUSTE.

$ 14.

Changements politiques dans l'état.

La lutte entre le principe démocratique et le principe aristocratique, qui avait commencé dans la pé

1

Haubold, Institutiones juris romani privati historico-dogmaticarum epitome, Leipzig, 1821, p. 129.

H. E. Dirksen, Uebersicht der bisherigen Versuche zur Kritik und Herstellung des Textes der Zwölftafelgesetce, Leipzig, 1824.

riode précédente, dura encore plus longtemps dans celle-ci, jusqu'à ce qu'enfin ce dernier principe succomba complétement.

Dès les premières années qui suivirent la publication de la loi des Douze Tables, les événements montrèrent combien les plébéiens étaient peu disposés à se contenter des concessions qu'ils avaient déjà arrachées aux patriciens. Au contraire, soutenus et échauffés par les propositions de leurs tribuns, ils se mirent à travailler à l'établissement d'une complète égalité politique et civile, exæquatio juris, entre les deux ordres, égalité vers laquelle tendait, à la vérité, la législation des Douze Tables, mais à laquelle on n'arriva pas de longtemps encore; et leurs efforts, à cet égard, furent d'autant plus constants, que les combats antérieurs leur avaient donné la conscience de leur force. D'ailleurs, malgré la vive résistance des patriciens, rien ne pouvait plus arrêter ou détourner un mouvement qui était dès lors dans l'esprit et dans la tendance de l'époque. Ainsi tombèrent l'une après l'autre les barrières qui avaient de tout temps séparé les deux ordres et maintenu une scission dans l'état. De ces luttes intestines, interrompues seulement par des guerres extérieures, heureusement conduites, à peu d'exceptions près, sortirent la plupart des changements importants qu'éprouva la constitution politique, notamment la formation de nouvelles puissances et formes législatives, ainsi que l'établissement de nouvelles magistratures, qui ont exercé l'influence la plus marquée sur le développement et la direction imprimés au droit de cette époque.

Une circonstance très-importante sous un autre rapport, à cause de ses suites, c'est que maintenant l'état romain, s'accroissant par des conquêtes qui

ne s'étendaient pas seulement sur toute l'Italie, mais encore sur beaucoup de pays situés hors de l'Italie, devenait un puissant empire et commençait à jeter les fondements de cette domination universelle qu'il acquit plus tard, de ce qu'on appela l'orbis terra

rum romanus.

Une première conséquence en découla naturellement: c'était le prix toujours croissant attaché à la qualité de citoyen romain, qualité qui, d'après la constitution de l'état en libera respublica, assurait à chaque civis romanus une part à cette domination et à l'honneur qui l'accompagnait. De là aussi de vifs efforts des peuples subjugués ou alliés pour obtenir le droit complet de cité romaine, ou du moins pour contracter avec l'état romain une alliance politique aussi favorable que possible. Des guerres furent même entreprises à cette fin.

Une seconde conséquence fut un commerce plus actif et beaucoup plus étendu entre les Romains et tout le monde alors connu. Il en résulta un progrès dans la civilisation, dont les suites naturelles, soit en bien, soit en mal, se développèrent à leur tour. En effet, l'élévation rapide à la puissance, l'acquisition d'énormes richesses par le riche butin de nombreuses guerres de conquête, produisirent le luxe et la soif du commandement, et ces défauts altérèrent graduellement et bannirent enfin complétement l'antique simplicité de mœurs qui avait fait éclore le vrai sens civique avec les vertus généreuses qui en découlent. L'état se trouvant désormais pleinement assuré contre l'extérieur, ses forces, excitées par l'orgueil et déjà atteintes de corruption, se tournèrent peu à peu vers l'intérieur, et y exercèrent une action funeste. Par là s'expliquent, surtout vers la fin de cette période, la dégénération de la constitu

tion politique, et les guerres civiles en forme, qui amenèrent enfin la chute de la libera respublica.

§ 45.

Caractère général du droit dans cette période, et origine de l'opposition entre le jus civile et le jus gentium.

Inst., lib. I, tit. 2, De jure naturali et gentium et civili.

Ce qui caractérise surtout, et de la manière la plus tranchée, le droit romain dans cette période, c'est, d'abord, le caractère de plus en plus prononcé et saillant du droit privé, qui se dégage toujours davantage des liens du publicum jus et qui prend même bientôt une extension surprenante.

C'est ensuite la simplification du droit romain par la fusion successive qui s'y opéra entre plusieurs élements d'origine ou de nature diverse, notamment entre le droit particulier des patriciens et celui des plébéiens, pour former un droit général uniforme des Romains; et, par suite, l'extension considérable que prit ce droit quant aux objets auxquels il s'appliquait et à toute sa tendance. A ce dernier phénomène se rattache étroitement la distinction qui, dès ce moment, s'établit peu à peu entre le jus civile et le jus gentium, distinction que déjà Cicéron' attribue aux ancêtres, majores.

Un jus civile existait, et quant à la chose, et quant au nom, avant même que l'idée et la dénomination de jus gentium, qu'on lui opposa plus tard, se fussent formées : car le jus civile était le droit positif propre aux Romains, par opposition aux droits

1 Cic., De officiis, III, c. 17; Orat. part., c. 37.

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