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conforme au but d'un cours élémentaire de fixer la place des rapports de famille d'après d'autres vues. En conséquence, nous bornons le droit des personnes à la simple théorie du status; et nous assignons une place particulière dans le système, sous le nom de droit de famille, aux rapports de famille proprement dits, comprenant la théorie du mariage, celle des relations d'ascendants à descendants et de la puissance paternelle en particulier, et enfin celle de la tutelle et de la curatelle.

Ainsi ces rapports de famille, au lieu d'être rejetés sur l'arrière-plan, par une distribution contraire à nos idées modernes, et même à l'esprit du droit romain, surtout dans son dernier état, sont mis, au contraire, dans tout leur jour.

Mais pourquoi faisons-nous précéder le droit de famille du droit relatif aux biens? La raison en est très-simple c'est que les rapports de famille ont beaucoup d'influence, en plus d'un point, sur le droit qui concerne les biens, et que, pour comprendre cette influence, il faut préalablement avoir une connaissance générale de ce dernier droit. On a bien essayé de séparer la partie qui traite de cette influence des autres parties du droit de famille, pour en faire un appendice du droit concernant les biens; mais cette séparation conduit aisément, et presque nécessairement, à des répétitions superflues; c'est d'ailleurs un dérangement dans l'harmonie du système, qui rompt l'enchaînement des idées d'une manière très-facheuse pour ceux qui commencent l'étude du droit.

LIVRE III.

THÉORIE DU DROIT CONCERNANT LES BIENS.

$ 82.

Aperçu général.

D'après la classification générale des droits selon leur objet, exposée plus haut, § 48, il existe certains droits portant sur des objets extérieurs qui sont dans nos biens, dans notre patrimoine, bona nostra, res nostræ. Les principes qui les concernent, forment par leur ensemble, le droit concernant les biens1. Mais, comme ces objets sont ou des choses déterminées, ou des actions et prestations déterminées, le droit concernant les biens se divise naturellement en deux parties principales, le droit des choses et le droit des obligations.

Les Allemands ont pour désigner les biens, la fortune, le patrimoine, un mot très-expressif: Vermögen, dont le sens primitif est puissance, force. Les Romains disaient aussi facultates, nous disons moyens ; mais le mot allemand, par sa composition, est beaucoup plus éner gique. (Note du traducteur.)

PREMIÈRE SECTION.

Droit des choses, ou théorie des droits réels.

CHAPITRE PREMIER.

PRINCIPES GÉNÉRAUX TOUCHANT les choses, leurs diverses esPÈCES ET LES DROITS dont elles PEUVENT ÊTRE L'objet.

S 83.

Notion des choses et leur division en corporelles
et incorporelles.

Inst., lib. I. tit. 1, De rerum divisione et adquirendo earum dominio; -tit. 2, De rebus corporalibus et incorporalibus.

Chose, res, dans le sens que ce mot a ici 1, désigne tout ce qui existe corporellement dans l'espace, sans être une personne, partant toutes les parties limitées du monde extérieur non libre.

Il s'ensuit naturellement qu'il n'y a que les choses corporelles, res corporales, quæ tangi possunt, qui soient de vraies choses. Telle est aussi, sûrement, la signification originaire du mot res. Cependant les Romains, soit par des abstractions philosophiques, soit par suite d'un besoin réel de la jurisprudence, ont introduit dans leur système juridique l'idée de choses incorporelles, res incorporales, quæ tangi non possunt, sed in jure tantum consistunt. Ils entendent par choses incorporelles tout ce qui n'existe que dans l'entendement, en idée, notamment, au point de vue

'Le mot res a encore plusieurs autres significations, les unes plus larges, les autres plus étroites.

juridique, tous les droits, notions de droit et rapports de droit. Ils comparent ces choses incorporelles aux choses proprement dites, parce que celles-là, comme celles-ci, ont une certaine existence à laquelle sont attachées de nombreuses conséquences juridiques. D'un autre côté, ils les distinguent soigneusement des vraies choses, parce que ces rapports de droit, même quand ils ont pour objet des choses corporelles, reposent toujours sur une abstraction juridique, quant à leur existence, à leur essence, à leur étendue et à leur portée. Ils exceptent seulement le droit de propriété ou domaine (dominium); car ils considèrent la propriété comme étant elle-même quelque chose de corporel, et en conséquence, au lieu de nommer le droit, ils nomment simplement l'objet du droit, la chose corporelle elle-même'. Cela est d'ailleurs très-naturel, puisque le droit de propriété ne s'établit que sur des choses corporelles, et se confond réellement au fond avec son objet, la chose corporelle, qui est entièrement et à tous égards soumise à la domination du propriétaire.

Rerum definitionum autem duo sunt genera. Unum earum rerum, quæ sunt, alterum earum rerum, quæ intelliguntur. Esse ea dico, quæ cerni tangive possunt, ut fundum, ædes... Non esse rursus ea dico, quæ tangi demonstrarive non possunt, cerni tamen animo atque intelligi possunt, ut si usucapionem, si tutelam, si gentem, si agnationem definias, quarum rerum nullum subest quasi corpus, est tamen quædam conformatio insignita et impressa intelligentiæ, quam notionem voco. Cic., Top., c. 5.

Non solum res in stipulatum deduci possunt, sed etiam facta, ut si stipulemur, aliquid fieri, vel non fieri. § 7, I., 111, 15, De verborum obligat.

1

Voy. mon Exposé des principes généraux du droit romain sur la propriété, etc., 2o édition, no 6, p. 5-7.

Quædam præterea res corporales sunt, quædam incorporales. Corporales hæ sunt, quæ tangi possunt, veluti fundus, homo, vestis, aurum, argentum, et denique aliæ res innumerabiles. Incorporales sunt, quæ tangi non possunt, qualia sunt ea, quæ in jure consistunt, sicut hereditas, ususfructus, obligationes quoquo modo contractæ. Nec ad rem pertinet, quod in hereditate res corporales continentur ; nam et fructus, qui ex fundo percipiuntur, corporales sunt, et id, quod ex aliqua obligatione nobis debetur, plerumque corporale est, veluti fundus, homo, pecunia; nam ipsum jus successionis et ipsum jus utendi fruendi, et ipsum jus obligationis incorporale est. GAI., fr. 1, § 1, D., 1, 8, De divis. rer. et qual.

S 84.

Division des choses suivant qu'elles sont dans le commerce ou hors du commerce.

GAI., Comm., liv. II, § 2, seq.

Inst., lib. 11, tit. 1, De rerum divisione.

Dig., lib. 1, tit. 8, De divisione rerum et qualitate.

Ce qui rend les choses proprement dites si importantes pour le droit privé, c'est la propriété qu'elles ont de pouvoir être soumises à la domination légale exclusive, au domaine des hommes, notamment des hommes privés, des particuliers, de faire partie de leurs biens. Il ne faut pas confondre avec cette aptitude des choses, la circonstance purement accidentelle et de fait, qu'une chose a actuellement un maître, ou qu'elle n'en a pas et se trouve en ce moment res nullius.

Toutefois cette propriété n'appartient pas absolument à toutes les choses, elle ne leur appartient pas surtout dans la même mesure. Il y a à cela diverses raisons. C'est en s'en rendant compte qu'on reconnaîtra si ces choses ne peuvent pas absolument appartenir à des hommes, sont res nullius dans ce sens;

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