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tures souvent obscènes de Lucius; écrivain facile, élégant, coloré; rhéteur brillant, philosophe obscur; hiérophante tout à la fois imposteur et dupe; somme toute, un des auteurs les plus curieux de l'antiquité.

XX

RÉSUMÉ.

Avant de quitter avec Apulée cette littérature latine que nous avons suivie pendant deux siècles, il la faut embrasser et saluer d'un rapide et dernier regard. Nous l'avons vue s'éclairer, un moment encore, des feux de la liberté mourante, puis, la liberté éteinte, se ranimer aux rayons de la munificence impériale et jeter un nouvel et vif éclat; la poésie surtout, fleur délicate et brillante, amie des doux loisirs, la poésie s'est épanouie au soleil impérial avec une merveilleuse fécondité et un éclat incomparable, tandis que sous la plume de Tite Live, la prose rivalisait avec elle d'abondance et de splendeur. A ce premier siècle, siècle du bon goût, a succédé le siècle de la philosophie. Un changement profond se fait alors. Libres encore, accueillies du moins sous Auguste, les lettres, sous ses successeurs, sont

persécutées « Expulsis sapientiæ professoribus atque omni bona arte in exsilium acta, ne quid usquam honestum occurreret. » Aussi, d'auxiliaires et amies qu'elles avaient été, elles deviennent contraires et hostiles. Le principe et l'âme de cette opposition, c'est le stoïcisme, jusqu'au jour, où avec Marc-Aurèle, il montera sur le trône.

La littérature romaine n'avait pas, pour ainsi parler, ses racines dans le sol latin. Importée de la Grèce à Rome, c'est sous l'influence grecque, qu'à son beau siècle, au siècle d'Auguste, elle grandit et se développe. Mais cette sève étrangère, qui en elle s'était mariée à sa vigueur native, s'épuise enfin; languissante et flétrie, elle va périr, si une autre ́influence ne la vient ranimer. Pendant un siècle, de Sénèque à Tacite, la veine espagnole, si riche et si pompeuse, la traverse et la féconde; elle s'épanouit de nouveau, brillante et variée :

Miraturque novas frondes et non sua poma.

Mais cette inflence elle-même s'affaiblit; alors souffle sur le génie latin un vent brûlant, vent d'Afrique, qui, en paraissant un moment le récréer, le dessèche et le corrompt. Avec Apulée, nous touchons à la décadence.

En voyant la littérature romaine passer, en si peu de temps, par des phases et sous des influences si diverses, on peut craindre qu'elle n'y ait perdu

toute physionomie nationale. Il n'en est rien pourtant. Rome a fait en littérature ce qu'elle a fait pour ses institutions civiles et militaires : elle a su s'assimiler tout ce qu'elle a emprunté. En imitant, elle est restée elle-même; originale, je ne dis pas dans la satire, qui est toute romaine; dans le droit, c'est sa gloire incontestée, mais dans l'histoire, dans la philosophie, dans la poésie. Assurément Salluste, TiteLive, Tacite, s'ils ne sont mieux, sont autres qu'Hérodote, Thucydide et Xénophon. Sénèque a, comme moraliste, une véritable originalité. Virgile, on a eu tort de le dire, Virgile n'est pas une copie industrieuse et brillante d'Homère, c'est l'expression neuve et profonde d'une civilisation tout entière; enfin, si Pindare était le poëte naturel des jeux olympiques, s'il était le lyrique par excellence quand les vers se chantaient, Horace, le créateur de l'ode philosophique, est le poëte de tous les temps et de tous les âges, le poëte de ceux qui ne séparent pas les vers de la raison et du goût. On le voit donc, la littérature romaine s'est approprié, par sa vertu intérieure, toutes les beautés qu'elle a imitées, et leur a profondément imprimé son cachet: semblable à ces substances qui, dans les combinaisons diverses de la science, attirent à elles, sans s'y altérer, les matières auxquelles on les mêle, et retiennent leurs vertus primitives; l'on peut donc dire des écrivains latins comparés aux grecs, ce que Vol

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