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appris en Égypte, sur ce sujet, de Sosigène, philosophe péripatéticien d'Alexandrie, livre dans lequel, s'il faut en croire Pline l'Ancien, César avait prédit sa mort pour les Ides de mars.

César ne cultiva pas seulement les lettres; il encouragea noblement les sciences. Par ses ordres fut dressé le cadastre de tout l'empire romain. Jusquelà les Romains n'avaient rien fait pour la géographie comme science. Leurs connaissances se bornaient aux pays qu'ils avaient conquis, et dans ces pays ils ne considéraient guère que les soldats qu'ils en pouvaient tirer, les impôts qu'ils y pouvaient lever. César le premier conçut des pensées plus hautes; il obtint un sénatus-consulte qui lui permettait de confier à trois géomètres l'opération importante de mesurer tout l'empire romain, travail qui ne fut achevé qu'au bout de trois ans.

César songea aussi à la réforme du calendrier romain. Le système qu'il fit adopter, sur les conseils de Sosigène, a été, sauf de légères modifications, en vigueur jusqu'au pape Grégoire VII.

Ainsi, par le génie de la paix, César cherchait à rendre douce et légère aux Romains cette dictature que lui avait donnée son génie militaire. Mais avec la grandeur d'âme de l'homme, il n'eut pas la prudence du politique. Après la bataille de Pharsale, il se laissa prendre aux flatteries de ce sénat qui lui votait un siége d'or, une couronne d'or, une

statue à côté de celle des rois, et autres honneurs plus singuliers, fleurs perfides dont on couronnait la victime, dit Florus, quæ omnia velut infulæ in destinatam morti victimam congerebantur. César le crut abattu, ce sénat, parce qu'il était abaissé; il le méprisa, et lui laissa trop voir son mépris: les Ides de mars lui répondirent. Sa clémence n'avait pu racheter son dédain.

III

SALLUSTE.

Lectissimus verborum pensator.

(SAINT AUGUSTIN, de Vit beata, 31.)

C. Sallustius Crispus naquit à Amiterne, ville du pays des Sabins, l'an 86 avant J. C., sous le septiè– me consulat de Marius. Son père, comme plus tard le père d'Horace, le fit élever à Rome, mais avec moins de précaution sans doute et moins de vigilante sollicitude, car bientôt il s'y livra à tous les désordres qui déjà régnaient dans cette capitale du monde, où dominaient le luxe et la corruption. Aussi prodigue de son bien que peu scrupuleux sur les moyens de se procurer de l'argent, Salluste aurait, dit-on, été contraint de vendre la maison paternelle du vivant même de son père, qui en serait mort de chagrin; fait qui ne paraîtra guère vrai

semblable à qui sait ce qu'était chez les Romains la puissance paternelle. Mais le plaisir ne lui fit point oublier l'étude, et tandis que son cœur prit toute la mollesse de la cité corrompue où il avait passé ses premières années, son esprit retint toute l'austérité du sauvage et dur climat sous lequel il était né. « Il eut toujours, dit le président de Brosses, des lumières très-justes sur le bien et sur le mal. » C'est ainsi que, quelque dépravé qu'il pût être, il eut du moins, à vingt-deux ans, le bon esprit de ne pas se jeter, comme tant d'autres jeunes gens dont il partageait les déréglements, dans la conspiration de Catilina. Entrant dans la route qu'à Rome il fallait nécessairement prendre pour arriver aux honneurs, Salluste embrassa la carrière du barreau, mais sans beaucoup d'ardeur, ce semble; du moins il ne paraît pas qu'il s'y soit distingué. La littérature grecque, et dans cette littérature, l'histoire, la politique, furent ses principales études. Dédaignant, il nous l'apprend lui-même, la chasse, l'agriculture et les autres exercices du corps, il ne s'occupa qu'à fortifier, par la lecture et la méditation, la trempe naturellement vigoureuse de son esprit. Il avait eu pour guide dans ses premières études et il conserva toujours pour conseil et pour ami Atéius Prétextatus, rhéteur athénien, qui lui-même avait pris le surnom de Philologue, et qui tenait à Rome une école très-fréquentée.

Lorsqu'il fut en âge de briguer les charges publiques, Salluste parvint à la questure; à quelle époque? On ne le sait pas précisément. Si ce fut dès sa vingt-septième année, âge fixé par les lois, ce dut être sous le consulat de Lucius Calpurnius Pison et de Cœsonius Gabinius, l'année même de l'exil de Cicéron et du tribunat de Clodius. Salluste arriva au tribunat, l'an 53 avant J. C., plus heureux en ceci que Caton, qui, dans le même temps, sollicita, sans les obtenir, plusieurs dignités, contraste que Salluste ne manque pas de relever à son avantage : « Que l'on considère, dit-il, en quel temps j'ai été élevé aux premières places, et quels hommes n'ont pu y parvenir. » Salluste épousa les haines et les affections de Clodius, son ami intime; il trempa dans toutes ses intrigues, dans tous ses désordres publics. Outre son amitié pour Clodius, Salluste avait une raison particulière de haïr Milon, auquel il avait fait, comme époux, un de ces outrages et dont il avait reçu un de ces châtiments qu'il est également difficile d'oublier. Tribun du peuple, Salluste se montra, presque en toute occasion, l'ennemi de Pompée et le soutien des mauvais citoyens; conduite coupable qu'il expia à la fin par un juste châtiment. L'an 50, les censeurs Appius Pulcher et L. Calpurnius Pison l'exclurent du sénat à cause de ses débauches.

Une révolution l'avait rejeté hors de la vie poli

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