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Croit fuir les dards crétois, Ajax et son courroux; On verra, mais trop tard, malheureux adultère, Tes cheveux parfumés sillonner la poussière.

<< Vois le fils de Laërte acharné sur tes pas,
De Nestor, de Teucer, le redoutable bras,
Et Sthénélus, savant dans les arts de la guerre,
Prompt à guider ces chars sous qui tremble la terre.
Bientôt de Mérion tu sauras la valeur;

Crains le fléau des tiens, Diomède vainqueur,
Plus vaillant que son père, il vole sur ta trace,
Toi, tu fuis devant lui, tu dévores l'espace
Comme un timide cerf devant les loups ardents;
A ton épouse un jour tu fis d'autres serments!

« Sur sa flotte à l'écart, Achille en sa colère
Peut retarder de Troie encor l'heure dernière;
Mais dans un jour fatal, le feu du Grec vengeur
Sur les palais troyens déploiera sa fureur.

Vitabis, strepitumque, et celerem sequi
Ajacem tamen, heu serus! adulteros
Crines pulvere collines.

Non Laërtiaden, exitium tuæ
Genti, non Pylium Nestora respicis?
Urgent impavidi te Salaminius

Teucer, te Sthenelus sciens

Pugnæ, sive opus est imperitare equis,
Non auriga piger. Merionem quoque
Nosces. Ecce furit te reperire atrox
Tydides, melior patre :

Quem tu, cervus uti vallis in alterâ
Visum parte lupum, graminis immemor,

Sublimi fugies mollis anhelitu,

Non hoc pollicitus tuæ.

Iracunda diem proferet Ilio

Matronisque Phrygum classis Achilleï :

Post certas biemus uret Achaïcus

Ignis Iliacas domos. >>

A FUSCUS.

(LIVRE I, ODE XX.)

Le poëte dont le cœur est pur est partout protégé des dieux; louanges de Lalagé.

Le mortel au cœur pur, toujours exempt de crime,
Fuscus, n'a pas besoin de javelots crétois :

Et sans s'armer de l'arc et des traits de Dictyme (1),
Ou du pesant carquois.

Tranquille, il peut marcher aux Syrtes sablonneuses,
Sur les rocs du Caucase, au milieu des glaçons,
Et chercher sur l'Hydaspe, aux ondes fabuleuses,
D'inconnus horizons.

Aux bois sabins, un loup se montre en ma présence;
Je chantais Lalagé qui me tient sous sa loi,

J'errais, libre de soins, à l'écart, sans défense;
Il a fui devant moi!

Daunus, tes bois profonds, ta belliqueuse terre
N'avaient nourri jamais de monstre plus affreux,
Juba, ni ton Afrique, inépuisable mère
De lions furieux (2).

Integer vitæ scelerisque purus
Non eget Mauris jaculis, neque arcu,
Nec venenatis gravidâ sagittis,
Fusce, pharetra ;

Sive per Syrtes iter æstuosas,
Sive facturus per inhospitalem
Caucasum, vel quæ loca fabulosus
Lambit Hydaspes.

Namque me sylvà lupus in Sabina,
Dum meam canto Lalagen, et ultra
Terminum curis vagor expeditus,
Fugit inermem:

Quale portentum neque militaris
Daunia in latis alit æsculetis,
Nec Jubæ tellus generat, leonum
Arida nutrix.

Ainsi, qu'au gré du sort, en de sauvages plaines,
Aux plus lointains déserts je porte un jour mes pas,
Lieux que fuit le zéphyr et ses chaudes haleines;
Noir séjour des frimas;

Ou bien sous le soleil et son aride empire,
Près de son char brûlant, accablé de son poids,
Je veux de Lalagé chanter le doux sourire,
Chanter la douce voix.

Pone me pigris ubi nulla campis
Arbor æstivà recreatur aurâ,
Quod latus mundi nebulæ malusque
Jupiter urget;

Pone sub curru nimium propinqui
Solis, in terrâ domibus negatâ:
Dulce ridentem Lalagen amabo,
Dulce loquentem (3).

NOTES.

(1) Dictyme, montagne de la Crète et surnom de Diane.

(2) Juba, roi de Numidie, en Afrique. Jnba avait péri à la bataille de Thapsus, livrée en Afrique au parti de Pompée. Son fils, fait prisonnier par César, avait été amené à Rome, mais Auguste lui rendit les États de son père.

(3) Cette ode est considérée comme une des plus achevées, pour le goût, la pureté et l'élégance du style. Aristius Fuscus, à qui elle est adressée, était orateur et poëte, aimait le monde, et préférait la résidence de Rome à celle de la campagne.

AU VAISSEAU

QUI PORTAIT VIRGILE PARTANT POUR ATHÈNES.

(livre 1, ode 111.)

Audace des humains qui affrontent tous les périls et brisent tous les obstacles.

Vaisseau sacré, toi qui portes Virgile (1),
Puissent ainsi la divine Cypris,
Les astres purs, frères de Tyndaris,
Guider ton cours sur la vague docile;
Qu'Eole prête à ce voyage heureux
Le seul zéphyr; aux bords de l'Hellénie
Rends, tu le dois, ce dépôt précieux,
Conserve-moi la moitié de ma vie.

Ce téméraire avait le cœur sans doute (2)
Armé d'airain, qui sur l'onde en courroux
Put le premier se frayer une route!
Il confiait à ses terribles coups
Un bois fragile, il chercha le trépas
Jusqu'au Verseau, père des noirs frimas,
Bravant Notus, ce maître despotique
Des flots grondants du golfe Adriatique.

Sic te, diva potens Cypri,
Sic fratres Helenæ, lucida sidera,
Ventorumque regat pater,
Obstrictis aliis, præter Iapyga,
Navis, quæ tibi creditum
Debes Virgilium finibus Atticis
Reddas incolumem, precor,
Et serves animæ dimidium meæ.
Illi robur et æs triplex

Circa pectus erat, qui fragilem truci
Commisit pelago ratem

Primus, nec timuit præcipitem Africum
Decertantem Aquilonibus,

Nec tristes Hyadas, nec rabiem Noli,

O Mort! celui qui put voir sans frémir
Autour de soi les monstres de Protée,
Scylla béante et sa meute irritée,
Sous quel aspect le ferais-tu pâlir?
Dans sa prudence, en vain, le dieu du ciel
Posa des mers le rempart éternel,

Borna la terre; on voit la nef impie,

Malgré le ciel, franchir l'onde asservie.
L'homme orgueilleux, affrontant le destin,
Porte sur tout une coupable main;
De Prométhée un larcin sacrilége
Nous a prêté le feu ravi des cieux :
Quel fruit porta son crime audacieux ?
De cent douleurs un essaim nous assiége,
Et sur la terre épandant tous les maux,
Il a hâté la marche d'Atropos.

Dédale un jour par des routes nouvelles
Franchit les airs en se créant des ailes;
De ses travaux remplissant l'univers,
Hercule enfin a forcé les enfers:

Quo non arbiter Hadriæ
Major, tollere seu ponere vult freta.
Quem mortis timuit gradum,
Qui siccis oculis monstra natantia,
Qui vidit mare turgidum, et
Infames scopulos Acroceraunia?
Nequicquam Deus abscidit

Prudens Oceano dissociabili
Terras, si tamen impiæ

Non tangenda rates transiliunt vada.
Audax omnia perpeti

Gens humana ruit per vetitum nefas.
Audax lapeti genus

Ignem fraude malà gentibus intulit.
Post ignem æthereâ domo

Subductum, macies et nova febrium
Terris incubuit cohors;

Semotique prius tarda necessitas

Lethi corripuit gradum.

Expertus vacuum Dædalus aera

Pennis non homini datis.

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