Page images
PDF
EPUB

10. RÈGLES d'Ulpien.

Domitius Ulpianus, qui s'indique lui-même comme originaire de Tyr en Phénície,fut, avec Paul, assesseur du préfet du pretoire Papinien (203-212). Il devint ensuite magister libellorum, probablement sous Caracalla (212-217), fut un moment en disgrace sous Elagabal, et apparaît dès le début du règne d'Alexandre Sévère, en 222, comme occupant la préfecture de l'annone le 31 mars et celle du prétoire le 1er décembre. Il conserva ce dernier poste et resta le conseiller le plus écouté de l'empereur jusqu'en 228 où il fut tué par les prétoriens. V. surtout Hirschfeld, Untersuch., 1, p 208, n.2, p. 234; Karlowa, R.R.G.,1, pp.739-741 ; Krueger, Sources, pp. 285286. Les fonctions administratives d'Ulpien ne l'ont pas plus empêché que Paul d'avoir une production juridique fort abondante. Comme lui il paraît avoir voulu embrasser dans ses œuvres tout l'ensemble du droit, et il ne lui est guère inférieur pour la quantité des ouvrages: 287 livres environ, parmi lesquels les principaux sont 81 libri ad edictum praetoris, 51 libri ad Sabinum, de nombreux traités sur les fonctions des divers magistrats, des Responsa, des Disputationes, 2 livres d'Institutiones, des Regulae en 7 livres et un Liber singularis regularum; v. les fragments de tous ces ouvra ges sauf le dernier dans Lenel, Pal., 2, pp. 379-1200; cf. sur leurs dates Fitting, Alt. d. Schr., pp. 31-44 et Das castrense peculium, p. XXXV et ss.; Mommsen, Z. R. G., 9. 1870, pp. 101-102. 113114; Karlowa. R. R. G., 1, pp. 742-744; Krueger, Sources, pp. 286296. Mais, tandis que l'activité de Paul se répartit sur une période de temps considérable, Ulpien semble avoir publié pour ainsi dire tous ses ouvrages durant les cinq années du règne de Caracalla, et rien ne montre mieux le caractère de compilation impersonnelle et un peu hâtive des œuvres de cet écrivain clair et correct, qu'une illusion singulière a souvent fait prendre pour l'un des jurisconsultes les plus originaux v. sur ce point la démonstration topique de M. A. Pernice, Ulpian als Schriftsteller, dans les Sitzungsbe• richte de Berlin, 1883, 1, pp.443-484; cf. Krueger, Sources, pp. 297, 288, n. 3, 443, n. 2.

L'ouvrage d'Ulpien dont nous sont parvenus les débris les moins incomplets est le Liber singularis regularum, écrit par lui sous Caracalla (Ulpien, 17, 2, rapproché de Dion, 77, 9, 4. 5). Le Digeste et la Collatio en renferment quelques passages; mais il nous est surtout connu par un ms. écrit en Gaule au xe siècle ou à la fin du xi qui en reproduit des extraits à la suite de la lex Romana Wisigothorum sous le titre : Incipiunt tituli ex corpore Ulpiani, et qui, après avoir été édité par Du Tillet en 1549 et encore consulté par Cujas en 1576, n'a été retrouvé que de notre temps par Savigny au Vatican, dans le ms. 1128 du fonds de la reine Christine. La détermination de l'ouvrage résulte de la concordance de passages du ms.avec des extraits des règles d'Ulpien rapportés au Digeste et dans la Collatio (5. 6. 7 Coll., 6,2; 20, 6, 1 D., 22, 5, 17). Il est facile aussi de constater qu'avec quelques additions Ulpien y suit le même ordre que les Institutes de Gaius: cf. le tableau probant donné dans Boecking,4° ed., 1855, pp. 192-197. Mais ce rapprochement montre que le ms. est fort loin de nous donner l'ouvrage complet d'Ulpien. Son texte n'est pas seulement mutilé au commencement et surtout à la fin où il s'arrête à la succession des affranchis, au passage correspondant à Gaius, 3,53,

en omettant par conséquent la fin des successions, la théorie des obligations et celle des actions, pour lesquelles nous n'avons que deux extraits de la Collatio, 2, 2, et du Digeste, 44, 7, 25. L'ouvrage, dont le commencement et la fin nous manquent ainsi, parce que des feuillets manquaient déjà dans le ms. sur lequel le nôtre est copié, présente en outre, dans la partie conservée, des traces de suppressions et de coupures qui viennent de ce que le modèle copié n'était pas le texte primitif des Règles d'Ulpien, mais un abrégé de ces Règles, assez comparable à l'abrégé des Sentences de Paul contenu dans la loi des Wisigoths. On y a supprimé d'abord les divisions méthodiques des matières qui, atteste D., 44, 7, 25, ne manquaient pas plus dans les Règles d'Ulpien que dans les Institutes de Gaius, et ensuite tous les renseignements historiques, étrangers au droit en vigueur, ainsi qu'on le voit par l'omission d'à peu près toutes les institutions signalées par Gaius comme en désuétude, par exemple des deux formes de testaments les plus anciennes, des vieilles lois sur le taux des legs, et en particulier des règles sur la succession des gentiles pour lesquelles le texte original d'Ulpien nous a été transmis par la Collatio, 16, 4. Et l'on peut même, d'après ces suppressions et le droit qu'elles impliquent, déterminer la date de la composition de cet abrégé d'Ulpien, placée par M. Mommsen peu après la constitution de Constantin de 320 sur l'abolition des peines du célibat, C Th., 8, 16, 1. En revanche, l'abréviateur n'a pas interpolé le texte d'Ulpien, il ne l'a modifié nulle part et il n'y a non plus rien ajouté, pas même les rubriques, qui à la vérité ne sont probablement pas d'Ulpien, mais qui sont plus anciennes que l'abrégé; car on en rencontre quelques-unes dans la Collatio et certaines se réfèrent à des portions de l'original effacées dans l'abrégé. Les seuls changements qui puissent être constatés ne sont pas des interpolations, mais des corruptions produites par des erreurs de copistes: ils se rattachent soit à des inintelligences d'abréviations techniques employées dans des mss. anciens (par exemple jus Quiritium pour jure Quiritium, Ascia pour Aelia Sentia, praetoriani pour populi Romani, re vera pour rei uxoriae, etc.), soit, comme l'a le premier aperçu M. Mommsen, à une interversion faite par le copiste de notre ms. relativement au premier feuillet de son modèle qui devait être détaché du reste du ms. et dont il a copié le verso avant le recto en prenant le titre De libertis pour le premier de l'ouvrage et en le faisant précéder d'une liste des titres copiés par lui. V. sur tous ces points la dissertation de Mommsen, dans Boecking, pp. 109-120, et en outre Krueger, Collectio, 2, pp. 1-4, et Sources, pp. 332-333; Karlowa, R. R. G., 1, pp. 768-771. Un fac-simile commode du ms., dressé par Henri Brunn, se trouve adjoint à l'éd.précitée de Boecking, à côté de laquelle nous citerons seulement celle de Pellat, Manuale, celle de Huschke, généralement suivie par Giraud, et celle de M. Krueger, basée sur une nouvelle collation des passages les plus délicats du ms.

ULPIANI LIBER SINGULARIS REGULARUM

1. Leges aut perfectae sunt aut imperfectae aut minus quam perfectae. Perfecta lex est... Imperfecta lex est, quae fieri aliquid vetat, nec tamen si factum sit, rescindit: qualis est lex Cincia, quae plus quam ... donare prohibet, exceptis quibusdam cognatis 2, et si plus donatum sit, non rescindit. 2. Minus quam perfecta lex est, quae vetat aliquid fieri, et si factum sit, non rescindit, sed poenam injungit ei qui contra legem fecit: qualis est lex Furia testamentaria, quae plus quam mille assium legatum mortisve causa prohibet capere, praeter exceptas personas, et adversus eum qui plus ceperit quadrupli poenam constituit.

3. Lex aut rogatur, id est fertur, aut abrogatur, id est prior lex tollitur, aut derogatur, id est pars primae legis tollitur, aut subrogatur, id est adjicitur aliquid primae legi, aut obrogatur, id est mutatur aliquid ex prima lege...

43. Mores sunt tacitus consensus populi, longa consuetu. dine inveteratus.

[I. DE LIBERTIS.]

5. Libertorum genera sunt tria, cives Romani, Latini Juniani, dediticiorum numero.

6. Cives Romani sunt liberti, qui legitime manumissi sunt id est aut vindicta aut censu aut testamento, nullo jure impediente. 7. Vindicta manumittuntur apud magistratum populi Romani, velut consulem praetoremve vel proconsulem. 8. Censu manumittebantur olim, qui lustrali censu Romae jussu dominorum inter cives Romanos censum profitebantur. 9. Ut testamento manumissi liberi sint, lex duodecim tabularum facit, quae confirmat ea quae testator de suis rebus disposuerit. 10. Qui non legitime manumissi erant, sed nuda dominorum voluntate libertate donati erant, olim quidem servi remanebant, praetor autem eos in libertatis possessione tuebatur 5. Hodie autem ipso jure liberi sunt ex lege Junia, qua lege Latini fiunt nominatim inter amicos manumissi.

11. Dediticiorum numero sunt, qui poenae causa vineti

1. Huschke 'duo milia assium', arg. Schol. ad Juv.. 7, 247 et ss. — 2. Krueger, peut-être personis ; Huschke: 'personis quibusdam velut cognatis'. 3. Placé dans le ms. avant l'index des titres: cf. p. 437. 4. Suivent ici, dans le ms., les §§ préliminaires 1 à 3; cf. p. 437. 5. Restitution quant au sens de Krueger. Restitution différente quant à la forme, équivalente quant au fond dans Huschke. Restitution équivalente, mais plus laconique, chez Mommsen, dans Boecking.

sunt a domino, quibusve stigmata scripta fuerunt, quive propter noxam torti nocentesque inventi sunt, quive traditi sunt, ut ferro aut cum bestiis depugnarent, vel in ludum vel custodiam conjecti fuerunt, deinde quoquo modo manumissi sunt: idque lex Aelia Sentia facit.

12. Eadem lege cautum est, ut minor triginta annorum servus vindicta manumissus civis Romanus non fiat, nisi apud consilium causa probata fuerit: ideo sine consilio manumissum Caesaris servum manere putat; testamento vero manumissum perinde haberi jubet, atque si domini voluntate in libertate esset, ideoque Latinus fit. 13. Eadem lex eum dominum, qui minor viginti annorum est, prohibet servum manumittere, praeterquam si causam apud consilium probaverit. 13a. In consilio autem adhibentur Romae quinque senatores et quinque equites Romani; in provinciis viginti reciperatores cives Romani. 14. Ab eo domino, qui solvendo non est, servus testamento liber esse jussus et heres institutus, et si minor sit triginta annis, vel in ea causa sit,ut dediticius fieri debeat, civis Romanus et heres fit; si tamen alius ex eo testamento nemo heres sit. Quod si duo pluresve liberi heredesque esse jussi sint, primo loco scriptus liber et heres fit: quod et ipsum lex Aelia Sentia facit. 15. Eadem lex in fraudem creditoris et patroni manumittere prohibet.

16. Qui tantum in bonis, non etiam ex jure Quiritium servum habet, manumittendo Latinum facit. In bonis tantum alicujus servus est velut hoc modo, si civis Romanus a cive Romano servum emerit, isque traditus ei sit, neque tamen mancipatus ei, neque in jure cessus, neque ab ipso anno possessus sit; nam quamdiu horum quid fiat, is servus in bonis quidem emptoris, ex jure Quiritium autem venditoris est.

17. Mulier, quae in tutela est, item pupillus et pupilla manumittere non possunt.

18. Communem servum unus ex dominis manumittendo partem suam amittit, eaque adcrescit socio; maxime si eo modo manumiserit, quo, si proprium haberet, civem Romanum facturus esset; nam si inter amicos eum manumiserit, plerisque placet eum nihil egisse. 19. Servus, in quo alterius est ususfructus, alterius proprietas, a proprietatis domino manumissus liber non fit, sed servus sine domino est.

20. Post mortem heredis aut ante institutionem heredis testamento libertas dari non potest, excepto testamento mi

1. Ms.

Caesaris'; Hertz: 'lex Aelia Sentia'; Puchta: 'Cassius'; Huschke ejus aetatis'.

litis. 21. Inter medias heredum institutiones libertas data utrisque adeuntibus non valet. Solo autem priore adeunte jure antiquo valet; sed post legem Papiam Poppaeam, quae partem non adeuntis caducam facit, si quidem primus heres vel jus liberorum vel jus antiquum habeat, valere eam posse placuit: quod si non habeat, non valere constat, quod loco non adeuntis legatarii patres heredes fiunt. Sunt tamen qui et hoc casu valere eam posse dicunt. 22. Qui testamento liber esse jussus est, mox quam vel unus ex heredibus adierit hereditatem, liber fit. 23. Justa libertas testamento potest dari his servis, qui testamenti faciendi et mortis tempore ex jure Quiritium testatoris fuerunt.

24. Lex Fufia Caninia jubet testamento ex tribus servis non plures quam duos manumitti, et usque ad decem dimidiam partem manumittere concedit; a decem usque ad triginta tertiam partem, ut tamen adhuc quinque manumittere liceat, aeque ut ex priori numero; a triginta usque ad centum quartam partem, aeque ut decem ex superiori numero liberari possint; a centum usque ad quingentos partem quintam, similiter ut ex antecedenti numero viginti quinque possint fieri liberi. Et denique praecipit, ne plures omnino quam centum ex cujusquam testamento liberi fiant. 25. Eadem lex cavet, ut libertates servis testamento nominatim dentur.

[11. DE STATU LIBERO VEL STATU LIBERIS.]

1. Qui sub condicione testamento liber esse jussus est, statu liber appellatur. 2. Statu liber, quamdiu pendet condicio, servus heredis est. 3. Statu liber seu alienetur ab herede sive usucapiatur ab aliquo, libertatis condicionem secum trahit. 4. Sub hac condicione liber esse jussus: SI DECEM MILIA HEREDI DEDERIT, etsi ab herede abalienatus sit, emptori dando pecuniam ad libertatem perveniet: idque lex duodecim tabularum jubet. 5. Si per heredem factum sit, quominus statu liber condicioni pareat, proinde fit liber, atque si condicio expleta fuisset. 6. Extraneo pecuniam dare jussus et liber esse, si paratus sit dare, et is, cui jussus est dare, aut nolit accipere, aut antequam acceperit moriatur, proinde fit liber ac si pecuniam dedisset.

7. Libertas et directo potest dari hoc modo: LIBER ESTO. LIBER SIT, LIBERUM ESSE JUBEO, et per fideicommissum, ut puta: ROGO, FIDEI COMMITTO HEREDIS MEI, UT STICHUM SERVUM MANUMITTAT. 8. Is, qui directo liber esse jussus est, orcinus fit libertus:

« PreviousContinue »