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dans la même société. La première année, je publiai mes lois sous le nom de Code Denis. La seconde, je me déchaînai contre l'injustice du destin, qui déposait encore la couronne sur la tête la moins digne de la porter. La troisième, j'abdiquai, et j'en dis mes raisons dans ce dithyrambe, qui pourra servir de modèle à un meilleur poète.

A Rome, dans une même cause, on a vu un orateur exposer le fait, un second établir les preuves, et un troisième prononcer la péroraison ou le morceau pathétique. Pourquoi la poésie ne jouirait-elle pas, à table, entre des convives, d'un privilége accordé à l'éloquence du barreau?

OU

LES FURIEUX DE LA LIBERTÉ.

Fabâ abstine. PYTHAG.

Accepte le pouvoir suprême
Quiconque enivré de soi-même
Peut se flatter, émule de Titus,
Que le poison du diadême
N'altérera point ses vertus.

Je n'ai pas cette confiance,
Dont l'intrépide orgueil ne s'étonne de rien.

J'ai connu, par l'expérience,

Que celui qui peut tout, rarement veut le bien. Eclairé par ma conscience

Sur mon peu de valeur, je l'en crois; et je crains
Que le fatal dépôt de la toute-puissance,

Par le sort ou le choix remis entre mes mains,
D'un mortel plein de bienfaisance,

Ne fît peut-être un fléau des humains.

ROMANS. T. III.

30

Ah!

que plutôt, modeste élève
Du vieillard de l'antiquité,
Dont un précepte très-vanté
Défend l'usage de la fève,

Du sage Pythagore endossant le manteau,
Je cède ma part au gâteau

A celui qui, doué de la faveur insigne
D'un meilleur estomac et d'une ame plus digne,
Laisse arriver ce jour, sans être épouvanté
De l'indigestion et de la royauté.

Une douleur muette, une haine profonde
Affaisse tour à tour et révolte mon cœur,

Quand je vois des brigands dont le pouvoir se fonde
Sur la bassesse et la terreur,

Ordonner le destin et le malheur du monde.

Et moi, je m'inscrirais au nombre des tyrans!

Moi, dont les farouches accents,

Dans le sein de la mort, s'ils avaient pu

descendre,

Aux mânes de Brutus iraient se faire entendre!

Et tu les sentirais, généreux Scévola,

De ton bras consumé ressusciter la cendre.

Qu'on m'arrache ce bandeau-là !

Sur la tête d'un Marc-Aurèle

Si d'une gloire pure une fois il brilla,

Cent fois il fut souillé d'une honte éternelle

Sur le front d'un Caligula.

Faut-il enfin déchirer le nuage

Qui n'a que trop long-temps caché la vérité,
Et montrer de l'humanité

La triste et redoutable image
Aux stupides auteurs de sa calamité ?

Oui, oui, j'en aurai le courage.

Je veux, lâche oppresseur, insulter à ta rage.
Le jour, j'attacherai la crainte à ton côté ;
La haine s'offrira partout sur ton passage;
Et la nuit, poursuivi, troublé,

Lorsque de ses malheurs ton esclave accablé
Cède au repos qui le soulage,

Tu verras la révolte, aux poings ensanglantés,
Tenir à ton chevet ses flambeaux agités.

La voilà! la voilà! c'est son regard farouche;
C'est elle; et du fer menaçant,

Son souffle, exhalé par ma bouche,

Va dans ton cœur porter le froid glaçant. Éveille-toi, tu dors au sein de la tempête; Éveille-toi, lève la tête;

Écoute, et tu sauras qu'en ton moindre sujet,

Ni la garde qui t'environne,

Ni l'hommage imposant qu'on rend à ta personne N'ont pu de s'affranchir étouffer le projet.

L'enfant de la nature abhorre l'esclavage;

Implacable ennemi de toute autorité,

Il s'indigne du joug; la contrainte l'outrage;
Liberté, c'est son vœu ; son cri, c'est Liberté.
Au mépris des liens de la société,

Il réclame en secret son antique apanage.
Des mœurs ou grimaces d'usage
Ont beau servir de voile à så férocité;
Une hypocrite urbanité,

Les souplesses d'un tigre enchaîné dans sa cage
Ne trompent point l'oeil du sage;

Et, dans les murs de la cité,

Il reconnaît l'homme sauvage S'agitant sous les fers dont il est garrotté.

On a pu l'asservir, on ne l'a pas dompté.

Un trait de physionomie,

Un vestige de dignité

Dans le fond de son cœur, sur son front est resté;

Et mille fois la tyrannie,

Inquiète où chercher de la sécurité,

A pâli de l'éclair de son œil irrité.

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Qu'effrayé, tremblant, éperdu,

D'un peuple furieux le despote imbécile
Connaît la vanité du pacte prétendu.

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