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DÉPARTEMENT DE LA SOMME.

I. RAPPORT SUR LES ARCHIVES ET LES BIBLIOTHÈQUES DE L'ARRONDISSEMENT D'AMIENS;

PAR MM. DUSE VEL ET RIGOLLOT,

CORRES ONDANTS DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,

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Avant la révolution de 1789, peu de pays offraient autant de richesses, en fait de manuscrits, diplômes, chartes et autres pièces originàles, que l'Amiénois. On y comptait nombre d'églises, de monastères, de juridictions et de châteaux qui possédaient des bibliothèques ou des archives intéressantes; malheureusement on n'en retrouve plus que de faibles restes dans la bibliothèque communale d'Amiens, les archives de la préfecture de la Somme, le greffe de la cour royale et les cabinets de quelques curieux.

La bibliothèque d'Amiens s'est principalement enrichie de manuscrits provenant de la célèbre abbaye de Saint-Pierre de Corbie, de celle de Saint-Jean d'Amiens, du couvent des Carmes et du chapitre de Saint-Firmin, le confesseur, de la même ville; mais ces manuscrits sont plus remarquables sous le rapport de l'art que sous celui de l'histoire; presque tous sont ornés de peintures magnifiques, d'initiales enluminées ou rehaussées d'or; mais, en général, ce ne sont que des Évangiles, des Bibles, des Missels et autres ouvrages qu'on trouve assez communément dans les bibliothèques publiques. Il n'y a d'exception qu'à l'égard des ouvrages suivants : 1° Mémoires de Jacques Duclercq, sieur de Beauvoir en Ternois, in-folio, papier, daté de 1629. Il

est à regretter que l'on ne possède que le second volume de ces mémoires.

« 2° Histoire de saint Louis, livre second, où l'on voit ce qui s'est passé de plus mémorable sous son règne, depuis le commencement de l'année 1232, jusques à la fin de l'année 1237. »

En marge de la première page se trouve cette note : « Le premier « livre est l'histoire de la minorité de saint Louis, qu'on attribue à << Varillas. Les deux livres qui sont dans cette liasse sont apparemment <«< du même auteur. Je ne sais s'ils ont été imprimés; celui de la Mino« rité l'est à la Haie, en 1685 : il l'a désavoué. »

On ignore d'où provient ce manuscrit, sur papier, contenant 198 pages seulement.

3o Chronique de Corbie, manuscrit in-folio, sur papier, de la fin du XVIe siècle.

Cette chronique, qui nous paraît n'être qu'une copie, à en juger par l'écriture qui ne remonte pas au delà de 1600, offre un véritable intérêt historique. Elle contient le récit de tous les événements importants qui se sont passés en France, et dans les États voisins, depuis l'an 662 jusqu'en 1529. On ne connaissait pas le nom de l'auteur de cette chronique; mais nous sommes parvenus à le découvrir en rapprochant le passage où cet auteur annonce qu'il était official de Corbie en 15211, de celui où il nomme lui-même cet official 2.

Antoine de Colincourt, c'est ainsi que s'appelait l'auteur de la Chronique de Corbie, était, vir doctus, nobili loco natus et de suo monasterio bene meritus, d'après une Histoire manuscrite de l'Abbaye 3, conservée également dans la bibliothèque d'Amiens. L'impression de cet ouvrage serait, ce nous semble, très-utile.

Un monument extrêmement curieux pour l'histoire et la chronologie, mais qui n'est pas inédit, se voit encore à la bibliothèque

Eodem anno (1521) obiit dominus Joannes de Laudas bonæ memoriæ, officialis Corbeiensis, post cujus mortem fuit mihi oblatum officium quod acceptavi, cum illud officium sit maximi oneris et parvi valoris. »

2... Ad magnum consilium regium tanquam est ab usu appellavimus per os Antonii de Colincourt officialis, sub talibus verbis, etc.

3 Historia regalis abbatiæ Sancti Petri Corbeiensis, ms. in-4° de 198 pages.

d'Amiens c'est une charte ou bulle du pape Benoît III, pour la confirmation des droits de l'abbaye de Corbie, accordée aux religieux de ce monastère, à la supplique des empereurs Lothaire et Louis, le 3 octobre 855. Elle est sur papyrus et collée sur une peau de vingt et un pieds de long sur deux de large. Mabillon en a donné le texte et un fac-simile dans sa Diplomatique 1. La date de cette bulle a servi à de savants écrivains pour fixer l'époque des règnes de Lothaire et de Louis, son successeur à l'empire, et pour réfuter la fable ridicule de la prétendue Papesse Jeanne 2.

Quoiqu'il n'existe pas encore d'état ou d'inventaire des Archives de la préfecture du département de la Somme, nous ne nous sommes pas moins empressés d'examiner en masse ce vaste dépôt des actes des diverses administrations qui se sont succédé depuis plus de cent ans. Nous y avons trouvé d'anciens cartulaires du chapitre de la cathédrale d'Amiens, sur vélin, et d'une écriture du xiv au xv° siècle, etc. On y a transcrit les principales donations faites à ce chapitre, les ordonnances de plusieurs évêques d'Amiens et quelques autres documents pareils. Ce qu'ils contiennent de plus curieux pour l'histoire de France, ce sont des lettres écrites par la reine Ingelburge, aux chanoines de la cathédrale 3, après la séparation de Philippe-Auguste, qui l'avait épousée à Amiens, en 1193, et qui s'en sépara presque aussitôt, afin que ces chanoines la recommandassent à Dieu dans leurs prières et que le ciel amenât sa réconciliation avec son volage époux. Ces lettres et les réponses des chanoines nous paraissent également mériter l'impression; nous ne croyons pas qu'elles aient encore été publiées. M. Dusevel, l'un de nous, n'en a donné que des fragments dans son Histoire de la ville d'Amiens 5.

Nous avons remarqué dans le registre in-4°, coté RR, des mêmes

In-fo; Paris, 1681, lib. v, p. 438.

2 J'ai publié de cette charte un fac-simile en deux grandes feuilles des dimensions de l'original, et contenant les 29 dernières lignes, dans ma Collection des Chartes et manuscrits sur papyrus de la Bibliothèque royale, etc., 3° fascicule; Paris, 1839, in-fo. (Note de l'Editeur.) 3 Scriptum Ingelburgis reginæ, etc.

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archives, les Procédures de l'église d'Amiens contre maître Pierre de Genest, se disant commissaire délégué par le pape Léon X, pour prêcher la croisade contre le sultan Sélim, en 1516. Cet avide commissaire trafiqua honteusement des indulgences, comme les autres bullistes, qui se répandirent alors dans les diverses provinces du royaume. Le chapitre, indigné de ce criminel abus, voulut s'y opposer; mais Pierre de Genest lança contre les chanoines une sentence d'excommunication dont ils appelèrent au parlement de Paris. Cette affaire déplorable durait encore en 1518.

Il n'existe de vraiment curieux aux Archives du greffe de la cour royale d'Amiens, que l'original, sur vélin, du Procès-verbal de révision de la coutume d'Amiens, rédigé en 1567, par le célèbre Christophe de Thou, Barthélemy Fay et Jacques Viole, commissaires du roi, de l'avis des trois états du bailliage. Les anciens registres ne commencent qu'à l'année 1521. Malgré la perte de ceux qui remontaient à une époque antérieure, ces registres sont assez précieux et peuvent être consultés avec fruit par les personnes qui voudraient écrire l'histoire de la province de Picardie. On y remarque entre autres pièces intéressantes :

1° Des lettres de sauve-garde accordées aux moines de l'abbaye de Cercamps, en 1558, pour la tenue, dans ce monastère, des conférences entre les députés des rois de France et d'Espagne, qui amenèrent une suspension d'armes entre les deux puissances, et plus tard le traité de paix connu sous le nom de Paix malheureuse; 2° d'autres lettres, écrites au bailli d'Amiens par Charles IX et Henri III, pendant les guerres de religion; 3° et plusieurs édits pour la levée du ban et de l'arrière-ban, en Picardie, dans de graves circonstances.

On trouve encore aux archives dont nous parlons diverses chartes contenant les coutumes d'un grand nombre de villages qui dépendaient du bailliage d'Amiens, avant sa suppression, et plusieurs aveux et dénombrements qui fournissent des notions curieuses sur les prestations singulières auxquelles étaient tenus, en 1507, les habitants de ces villages.

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Lorsque M. Dusevel écrivit son Histoire de la ville d'Amiens, en 1830, il compulsa les chartes, registres et inventaires que renferment les archives de la mairie de cette ville, et nous pouvons donner tous les renseignements convenables sur ces archives, malgré le désordre qui y règne.

On y remarque: 1° l'original de la charte de commune, octroyée par Philippe-Auguste aux bourgeois d'Amiens en 1209; elle est sur vélin et très-bien conservée; 2° l'original de l'édit de réduction de la ville d'Amiens, signé de la main de Henri IV, et daté du camp devant Laon, <«<le neuvième jour de juin 1594; 3° les OEuvres de Claude Lematre, « citoyen et eschevin d'Amiens, concernant la deffence de cette ville pen« dant la Ligue, la manière de la fortiffier contre les surprises et incur« sions des ennemis, et la conservation de ses priviléges et de ses habi« tans,» manuscrit in-4".

On y voit aussi une foule de registres aux chartres et aux délibérations, extrêmement précieux pour l'histoire, mais dont nous ne croyons devoir indiquer que les principaux. Dans le registre aux chartes coté D, in-folio, sur vélin, à longues lignes, « escript par le comman« dement du roy Charles V, qui commença à régner l'an mille trois cent « soixante-quatre,» se trouvent transcrites, savoir, au folio 32: le traité de paix conclu à Amiens, le 29 mai 1269, par lequel Louis IX céda l'Agénois à Henri III, roi d'Angleterre; au folio 36, les lettres patentes adressées, le 10 juin 1303, par Édouard IV, à Philippe le Bel, relativement à l'hommage-lige qu'il avait promis de faire en personne à la fête de la Nativité de Notre-Dame de la même année; au folio 45, d'autres lettres, de ce prince anglais à Philippe de Valois, qui déterminent le cérémonial et les termes de l'hommage que les rois d'Angleterre devaient aux rois de France. Enfin, on trouve, dans ce même cartulaire, la copie des Enseignemens du bon roy de France, sainct Loys, à Philippe, son fils, et à madame Isabel, royne de Navarre, sa fille 1. On les a mal à propos confondus avec les Établissements de saint Louis,

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Au bas de ces Enseignements, on lit la note qui suit : « L'original de ces Enseignemens, escript d'une grosse lectre qui n'estoit pas très bonne, fut trouvé par moy Gerard de Montagu, secrétaire du roy, au trésor de ses priviléges, chartres et registres dont j'estois garde, et le baillay au roy en la court du bois de Vincennes l'an mil 111° LXXIII, etc. »

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