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AVERTISSEMENT

SUR

CETTE NOUVELLE ÉDITION

L'édition de Boileau donnée en 1830 par M. BerriatSaint-Prix, doyen de la Faculté de droit de Paris, en quatre volumes in-8°, est la première édition véritablement critique qui ait été publiée, et c'est un travail qui nous semble avoir établi le texte de Despréaux d'une façon définitive. Il ne reste plus aux éditeurs à venir qu'à reproduire ce texte, et c'est ce que nous avons fait, avec l'autorisation, toutefois, de M. Charles Berriat-Saint-Prix, conseiller à la cour impériale de Paris, qui a été l'actif collaborateur de son père, et qui a bien voulu nous permettre de puiser dans cette excellente édition avec une entière liberté on verra que nous avons largement usé de la permission.

Nous avons dû laisser de côté presque toutes celles des notes de M. Berriat-Saint-Prix qui ne se rapportent qu'à des variantes; ces variantes, extrêmement curieuses pour les érudits, et qui montrent combien Boileau avait la production pénible, ou, si l'on veut, était difficilement content de lui-même, sont sans intérêt pour la grande majorité des lecteurs; les autres pourront toujours recourir à l'édition qui les contient. Nous avons cru qu'on aimerait mieux trouver au bas des pages des notes historiques et biographiques, uvn nant, autant que cela peut être aujourd'hui possible, des renseignements sur les choses et sur les gens dont parle Boileau. Avec les passages imités des auteurs anciens et celles des variantes qui ont quelque importance, ces notes historiques et biographiques composent tout notre travail.

Nous nous sommes complétement abstenu de toute appréciation critique, ce qui, en général, préoccupe beaucoup trop les précédents éditeurs de Boileau. Nous croyons qu'il n'est pas indispensable de dire, en note, tel passage est bon ou mauvais. Le lecteur d'un livre est le seul juge compétent de l'auteur qu'il a sous les yeux, et, comme il est fort possible que son jugement se trouve en contradiction avec celui qu'aurait émis l'annotateur, c'est un désaccord qu'il vaut mieux éviter en laissant au lecteur toute sa liberté d'apprécia tion. En un mot, l'annotation, suivant nous, ne doit servir qu'à éclairer le texte et ne doit pas être un article de critique.

Depuis l'édition in-4° de 1713, publiée deux ans après la mort de l'auteur, par Valincour et l'abbé Renaudot, les œuvres de Boileau ont été sans cesse réim. primées. Brossette, Du Montheil, l'abbé Souchay, Saint-Marc, Desmaiseaux, P. D. E. Le Brun, Daunou, de Saint-Surin, Viollet-le-Duc, Amar, Auger, Aimé Martin, etc., ont publié leurs éditions avec des remarques et des commentaires plus ou moins développés. Deux de ces commentateurs ont presque constamment été reproduits par ceux qui les ont suivis. C'est Brossette et Saint-Marc.

Brossette, et la chose est surabondamment prouvée, donne tous ses renseignements au hasard et imagine volontiers ce qu'il ne sait pas, de façon que ses notes sont à chaque instant contredites par les faits et par les dates. Comme Brossette a eu, pendant les dernières

XX

AVERTISSEMENT SUR CETTE EDITION.

années de la vie de Boileau, des relations suivies avec celui-ci; comme, après la mort du poëte, les papiers de Despréaux ont été mis à sa disposition, les éditeurs se sont bien gardés de discuter son Commentaire et l'ont reproduit. Mais, lorsque M. Berriat-Saint-Prix vint le soumettre à un contrôle sévère (tome III, pages 466498), tout cela s'écroula, et il n'en resta presque rien. C'était, du reste, un pauvre esprit, que le fondateur de l'Académie de Lyon, et rien ne l'a mieux prouvé que la publication récente de ses lettres à Boileau.

Saint-Marc, lui, s'est surtout appliqué à reproduire dans son Commentaire tout ce qui, de près ou de loin, pouvait nuire à l'auteur dont il donnait une édition, se préoccupant peu du plus ou moins d'opportunité de la reproduction. Pour le reste, il se borne à donner les notes de Brossette, ou à les abréger, oubliant souvent d'indiquer la source où il puise.

Ce que nous disons là de Saint-Marc et de Brossette ne nous a pas empêché de leur emprunter certains ren

seignements reconnus exacts, de même que nous avons mis à profit les travaux de tous ceux qui nous ont précédé, en ayant soin, toutefois, d'indiquer la source où nous avons puisé.

On remarquera quelques différences dans la manière dont les noms propres sont écrits dans le texte et dans les notes. Dans le texte, nous écrivons toujours les noms propres comme les a écrits Boileau luimême; dans les notes, nous adoptons, soit l'orthographe du commentateur à qui nous empruntons la note, soit la façon la plus ordinaire de les écrire aujourd'hui, quand la note est de nous.

Si nous avons laissé sans note quelque passage obssur ou quelque nom propre, c'est qu'il nous a été impossible de rien trouver de satisfaisant, et malheureusement, dans un travail de ce genre, bien des renseignements n'arrivent que beaucoup trop tard pour être utilisés.

P. Cu.

PRÉFACES DE BOILEAU

POUR

LES ÉDITIONS COMPLÈTES' DE SES OUVRAGES

PRÉFACE I

ÉDITIONS DE 1666 A 1669

LE LIBRAIRE AU LECTEUR

Ces satires dont on fait part au public n'auroient jamais couru le hasard de l'impression si l'on eût laissé faire leur auteur. Quelques applaudissemens qu'un assez grand nombre de personnes amoureuses de ces sortes d'ouvrages ait donnés aux siens, sa modestie lui persuadoit que de les faire imprimer, ce seroit augmenter le nombre des méchans livres, qu`il blâme en tant de rencontres, et se rendre par là digne lui-même en quelque façon d'avoir place dans ses satires. C'est ce qui lui a fait souffrir fort longtemps, avec une patience qui tient quelque chose de l'héroïque dans un auteur, les mauvaises copies qui ont couru de ses ouvrages, sans être tenté pour cela de les faire mettre sous la presse. Mais enfin toute sa constance l'a abandonné à la vue de cette monstrueuse édition qui en a paru depuis peu 2. Sa tendresse de père s'est réveillée à l'aspect de ses enfans ainsi défigurés et mis en pièces, surtout lorsqu'il les a vus accompagnés de cette prose fade et insipide, que tout le sel de ses vers ne pourroit pas relever je veux dire de ce Jugement sur les Sciences 3, qu'on a cousu si peu judicieusement à la fin de son livre. Il a eu peur que ses satires n'achevassent de se gåter en une si méchante compagnie; et il a cru enfin, que puisqu'un ouvrage, tôt ou tard, doit passer par les mains de l'imprimeur, il valoit mieux subir le

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joug de bonne grâce, et faire de lui-même ce qu'on avoit déjà fait malgré lui. Joint que ce galant homme qui a pris le soin de la première édition y a mêlé les noms de quelques personnes que l'auteur honore, et devant qui il est bien aise de se justifier. Toutes ces considérations, dis-je, l'ont obligé à me confier les véritables originaux de ses pièces, augmentées encore de deux autres, pour lesquelles il appréhendoit le même sort. Mais en même temps il m'a laissé la charge de faire ses excuses aux auteurs qui pourront être choqués de la liberté qu'il s'est donnée de parler de leurs ouvrages en quelques endroits de ses écrits. Il les prie donc de considérer que le Parnasse fut de tout temps un pays de liberté; que le plus habile y est tous les jours exposé à la censure du plus ignorant; que le sentiment d'un seul homme ne fait point de loi; et qu'au pis aller, s'ils se persuadent qu'il ait fait du tort à leurs ouvrages, ils s'en peuvent venger sur les siens, dont il leur abandonne jusqu'aux points et aux virgules. Que si cela ne les satisfait pas encore, il leur conseille d'avoir recours à cette bienheureuse tranquillité des grands hommes, comme eux, qui ne manquent jamais de se consoler d'une semblable disgrace par quelque exemple fameux, pris des plus célèbres auteurs de l'antiquité, dont ils se fent l'application tout seuls. En un mot, il les supplie de faire réflexion que si leurs ouvrages sont mauvais, ils méritent d'être

3 Dissertation anonyme de Saint-Évremond.

Les satires i et vi

censurés; et que s'ils sont bons, tout ce qu'on dira contre eux ne les fera pas trouver mauvais. Au reste, comme la malignité de ses ennemis s'efforce depuis peu de donner un sens coupable à ses pensées même les plus innocentes, il prie les honnêtes gens de ne se pas laisser surprendre aux subtilités raffinées de ces petits esprits qui ne savent se venger que par des voies lâches, et qui lui veulent souvent faire un crime affreux d'une élégance poétique.

J'ai charge encore d'avertir ceux qui voudront faire des satires contre les satires & ne se point cacher. Je leur réponds que l'auteur ne les citera point devant d'autre tribunal que celui des Muses: parce que, si ce sont des injures grossières, les beurrières lui en feront raison; et si c'est une railleric délicate, il n'est pas assez ignorant dans les lois pour ne pas savoir

qu'il doit porter la peine du talion. Qu'ils écrivent donc librement: comme ils contribueront sans doute à rendre l'auteur plus illustre, ils feront le profit du libraire; et cela me regarde. Quelque intérêt pourtant que j'y trouve, je leur conseille d'attendre quelque temps, et de laisser mûrir leur mauvaise humeur. On ne fait rien qui vaille dans la colère. Vous avez beau vomir des injures sales et odieuses; cela marque la bassesse de votre âme, sans rabaisser la gloire de celui que vous attaquez; et le lecteur qui est de sens froid n'épouse point les sottes passions d'un rimeur emporté. Il y auroit aussi plusieurs choses à dire touchant le reproche qu'on fait à l'auteur d'avoir pris ses pensées dans Juvénal et dans Horace mais, tout bien considéré, il trouve l'objection si honorable pour lui, qu'il croiroit se faire tort d'y répondre.

PRÉFACE II

ÉDITIONS DE 1671, IN-4°, ET 1674 ET 1675, PETIT IN-12

AU LECTEUR

quatre chants du Lutrin. J'y ai ajouté aussi la traduction du Traité que le rhéteur Longin a composé du sublime J'avois médité une assez longue préface, où, suivant ou du merveilleux dans le discours. J'ai fait originaila coutume reçue parmi les écrivains de ce temps, j'es- rement cette traduction pour m'instruire, plutôt que pérois rendre un compte fort exact de mes ouvrages, dans le dessein de la donner au public, mais j'ai cru et justifier les libertés que j'y ai prises, mais depuis qu'on ne seroit pas fàché de la voir ici à la suite de la j'ai fait réflexion que ces sortes d'avant-propos ne ser- Poétique, avec laquelle ce traité a quelque rapport, et veient ordinairement qu'à mettre en jour la vanité de où j'ai même inséré plusieurs préceptes qui en sont l'auteur, et, au lieu d'excuser ses fautes, fournissoient tirés. J'avois dessein d'y joindre aussi quelques dialosouvent de nouvelles armes contre lui. D'ailleurs, je gues en prose que j'ai composés; mais des considéne crois point mes ouvrages assez bons pour mériter rations particulières m'en ont empêché. J'espère en des éloges, ni assez criminels pour avoir besoin d'apo- donner quelque jour un volume à part. Voilà tout ce logie. Je ne me louerai donc ici, ni ne me justifierai de que j'ai à dire au lecteur. Encore ne sais-je si je ne rien. Le lecteur saura seulement que je lui donne une lui en ai point déjà trop dit, et si, en ce peu de paédition de mes satires plus correcte que les précéden-roles, je ne suis point tombé dans le défaut que je voutes, deux épitres nouvelles 1, l'Art poétique en vers, et lois éviter.

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taqué, comme j'ai fait, de gaieté de cœur, plusieurs écrivains célèbres, je serois bien injuste, si je trouvois mauvais qu'on m'attaquàt à mon tour. Ajoutez que si les objections qu'on me fait sont bonnes, il est raisonnable qu'elles passent pour telles; et si elles sont mauvaises, il se trouvera assez de lecteurs sensés pour redresser les petits esprits qui s'en pourroient laisser surprendre. Je ne répondrai donc rien à tout ce qu'on a dit ni à tout ce qu'on a écrit contre moi; et si je n'ai donné aux auteurs de bonnes règles de poésie, j'espère leur donner par là une leçon assez belle de modération. Bien loin de leur rendre injures pour injures, ils trou

veront bon que je les remercie ici du soin qu'ils prennent de publier que ma Poétique est une traduction de la Poétique d'Horace car puisque dans mon ouvrage qui est d'onze cents vers, il n'y en a pas plus de cinquante ou soixante tout au plus imités d'Horace, ils ne peuvent pas faire un plus bel éloge du reste qu'en le supposant traduit de ce grand poëte; et je m'étonne après cela qu'ils osent combattre les règles que j'y débite. Pour Vida 1, dont ils m'accusent d'avoir pris aussi quelque chose, mes amis savent bien que je ne l'ai jamais lu, et j'en puis faire tel serment qu'on voudra, sans craindre de blesser ma conscience.

PRÉFACE IV

ÉDITIONS DE 1683, 1685 ET 1694

Voici une édition de mes ouvrages beaucoup plus exacte que les précédentes, qui ont toutes été assez peu correctes. J'y ai joint cinq épîtres nouvelles 2, que j'avois composées longtemps avant que d'être engagé dans le glorieux emploi qui m'a tiré du métier de la poésie. Elles sont du même style que mes autres écrits, et j'ose me flatter qu'elles ne leur feront point de tort; mais c'est au lecteur à en juger, et je n'emploierai point ici ma préface, non plus que dans mes autres éditions, à le gagner par des flatteries, ou à le prévenir par des raisons dont il doit s'aviser de lui-même. Je me contenterai de l'avertir d'une chose dont il est bon qu'on soit instruit c'est qu'en attaquant dans mes satires les défauts de quantité d'écrivains de notre siècle, je n'ai pas prétendu pour cela ôter à ces écrivains le mérite et les bonnes qualités qu'ils peuvent avoir d'ailleurs. Je n'ai pas prétendu, dis-je, que Chapelain, par exemple, quoique assez méchant poëte, n'ait pas fait autrefois, je ne sais comment, une assez belle ode : et qu'il n'y eût point d'esprit ni d'agrément dans les ouvrages de M. Q****, quoique si éloignés de la perfection de Virgile. J'ajouterai même, sur ce dernier, que dans le temps où j'écrivis contre lui, nous étions tous

Marc-Jérôme Vida, chanoine de Saint-Jean-de-Latran, évêque d'Albe, né à Crémone en 1490, mort à Albe le 27 septembre 1566. Il a publié entre autres ouvrages: Poeticorum libri tres, Rome, 1527, in-4°, qui a été plusieurs fois traduit en français.

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deux fort jeunes, et qu'il n'avoit pas fait alors beaucoup d'ouvrages qui lui ont dans la suite acquis une juste réputation. Je veux bien aussi avouer qu'il y a du génie dans les écrits de Saint-Amant, de Brébeuf, de Scudéri et de plusieurs autres que j'ai critiqués, et qui sont en effet d'ailleurs, aussi bien que moi, trèsdignes de critique. En un mot, avec la même sincérité que j'ai raillé de ce qu'ils ont de blàmable, je suis prêt à convenir de ce qu'ils peuvent avoir d'excellent. Voilà, ce me semble, leur rendre justice, et faire bien voir que ce n'est point un esprit d'envie et de médisance qui m'a fait écrire contre eux. Pour revenir à mon édition (outre mon remerciment à l'Académie et quelques épigrammes que j'y ai jointes), j'ai aussi ajouté au poëme du Lutrin deux chants nouveaux qui en font la conclusion. Ils ne sont pas, à mon avis, plus mauvais que les quatre autres chants, et je me persuade qu'ils consoleront aisément les lecteurs de quelques vers que j'ai retranchés à l'épisode de l'horlogère, qui m'avoit toujours paru un peu trop long. Il serait inutile maintenant de nier que ce poëme a été composé à l'occasion d'un différend *.......

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