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se rend la justice, d'abord l'ordre parfait, la règle et la discipline qu'on y remarque, font bien comprendre que cela ne peut être ainsi sans une cause, et que la il y a quelqu'un qui commande et qui est obéi; de même, et à plus forte raison quand on voit dans une aussi prodigieuse quantité d'astres, que chacun observe un mouvement réglé, une circulation régulière, qui depuis une éternité ne s'est pas démentie un seul instant, l'on est forcé de convenir que de si grandes révolutions de la nature sont dirigées par quelque suprême intelli

gence.

VI. Chrysippe "', malgré toute sa pénétration, n'aurait pu, dans tous les cas, trouver ce qu'il dit sur ce sujet, à moins que d'avoir été instruit par la nature elle-même.

S'il y a, dit-il, dans l'univers, des choses que l'esprit de l'homme, que sa raison, que sa force, que sa puissance, ne soient pas capables de faire; l'être qui les produit est certainement meilleur que l'homme. Or, l'homme ne saurait faire les choses célestes, ni rien de ce qui est invariablement réglé: donc l'auteur de tout cela est meilleur que l'homme. Mais comment l'appellera-t-on, si ce n'est un dieu? Cár s'il n'existe point de dieux, où trouver dans la nature quelque étre préférable à l'homme, puisqu'en lui seul habite la raison, qui est ce que l'on peut voir de plus excellent? Or, ce serait à l'homme un bien fol orgueil, de se croire ce qu'il y a de plus parfait dans tout l'univers. Il existe donc un étre préférable à l'homme, et par conséquent un dieu. Si vous apercevez une grande et belle maison, personne ne pourra, quoique vous n'en découvriez pas le maître, vous persuader qu'elle ait été construite pour loger des rats et des belettes. Ne serait-ce donc pas le comble de la folie, de se figurer qu'un monde orné si magnifiquement; que des cieux

tam vim et magnitudinem maris atque terrarum, si tuum, ac non deorum immortalium domicilium putes, nonne plane desipere videare? An ne hoc quidem intelligimus, omnia supera esse meliora? Terram autem esse infimam, quam crassissimus circumfundat aer? Ut ob eam ipsam causam, quod etiam quibusdam regionibus, atque urbibus contingere videmus, hebetiora ut sint hominum ingenia propter cœli pleniorem naturam, hoc idem generi humano. evenerit, quod in terra, hoc est, in crassissima regione mundi collocati sint. Et tamen ex ipsa hominum solertia esse aliquam mentem, et eam quidem acriorem et divinam, existimare debemus. Unde enim hanc homo arripuit? Ut ait apud Xenophontem Socrates. Quin et humorem, et calorem, qui est fusus in corpore, et terrenam ipsam viscerum soliditatem, animum denique illum spirabilem, si quis quærat, unde habeamus, apparet : quod aliud a terra sumsimus, aliud ab humore, aliud ab igne, aliud ab aere eo, quem spiritu ducimus.

I

VII. Illud autem, quod vincit hæc omnia, rationem dico, et, si placet pluribus verbis, mentem, consilium, cogitationem, prudentiam, ubi invenimus? Unde sustulimus? An cetera mundus habebit omnia, hoc unum, quod plurimi est, non habebit? Atqui certe nihil omnium rerum melius est mundo, nihil præstabilius, nihil pulchrius: nec solum nihil sed ne cogitari quidem quidquam melius potest.

1 Habemus.

remplis d'objets si variés et si admirables; qu'une aussi grande et une aussi vaste étendue de terres et de mers; que tout cela, dis-je, soit, non la demeure des dieux immortels, mais uniquement celle de l'homme? Ne savons-nous pas d'ailleurs que les régions du monde les plus élevées sont en même temps les meilleures ? que la terre étant la plus basse de toutes, elle est couverte de l'air le plus grossier? et que comme il y a des villes et des pays où naturellement les esprits sont moins subtils, parce qu'on y respire un air plus épais, de même tous les hommes en général se ressentent de la pesanteur qui est dans l'air dont nous sommes environnés? L'esprit humain, tel qu'il est, nous fait cependant remonter à quelque autre intelligence, qui ait plus de vivacité et qui soit divine. Car, d'où viendrait à l'homme l'entendement dont il est doué? comme dit Socrate dans Xénophon. L'on voit que c'est à la terre, au feu, à l'eau, et à l'air que nous respirons, que nous devons les parties solides de notre corps, la chaleur et l'humidité qui y sont répandues, le souffle même qui nous anime.

VII. Mais ce qui est bien au-dessus de tout cela, j'entends la raison, et, pour le dire en plusieurs termes, l'esprit, le jugement, la pensée, la prudence, où l'avons-nous trouvée ? où l'avons-nous prise? Toutes les perfections seront-elles réunies dans le monde, excepté la principale? Car, certainement, le monde est non-seulement ce qu'il y a, mais encore ce que l'on peut imaginer de meilleur, de plus excellent et de plus beau. Et, si nous admettons qu'il n'y ait rien au-dessus de la raison et de la sagesse, nous sommes forcés de convenir que monde possède l'une et l'autre, puisque nous convenons qu'il

le

Et, si ratione et sapientia nihil est melius, necesse est hæc inesse in eo, quod optimum esse concedimus. Quid vero? Tanta rerum consentiens, conspirans, continuata cognatio, quem non coget ea, quæ dicuntur a me, comprobare? Possetne uno tempore florere, deinde vicissim horrere terra? Aut, tot rebus ipsis se immutantibus, solis accessus, discessusque solstitiis brumisque cognosci; aut æstus maritimi, fretorumque angustia ortu aut obitu lunæ commoveri? Aut una totius cœli conversione cursus astrorum dispares conservari? Hæc ita fieri omnibus inter se concinentibus mundi partibus profecto non possent, nisi ea uno divino et continuato spiritu con→ tinerentur. Atque hæc cum uberius disputantur, et fusius, ut mihi est in animo facere, facilius effugiunt academicorum calumniam. Cum autem, ut Zeno solebat, brevius, angustiusque concluduntur: tum apertiora sunt ad reprehendendum. Nam ut profluens amnis, aut vix, aut nullo modo; conclusa autem aqua, facile corrumpitur: sic orationis flumine reprehensoris vitia diluuntur; angustia autem conclusæ orationis non facile seipsa tutatur. Hæc enim, quæ dilatantur a nobis, Zeno sic premebat.

VIII. Quod ratione utitur, id melius est, quam id, quod ratione non utitur. Nihil autem mundo melius. Ratione igitur mundus utitur. Similiter effici potest, sa

est ce qu'on peut trouver de plus parfait. Quoi donc! l'ensemble, le concours et l'harmonie admirable de toutes les parties de l'univers 1, ne doivent-ils pas forcer tout homme à reconnaître la vérité de ce que je dis? En effet, la terre pourrait-elle se couvrir alternativement de fleurs et de frimas, à des temps marqués? le soleil, au milieu de tous les changemens qui s'opèrent dans la nature, demeurer constant à s'éloigner de nous tous les hivers, et à s'en rapprocher tous les étés ? le flux et le reflux de la mer, suivre toujours exactement le croissant et le décours de la lune? le mouvement du ciel, entraîner, toujours avec la même proportion, celui de tous les astres, quoique différemment situés? Ce concert, si juste et si merveilleux de toutes les parties du monde, pourrait-il, dis-je, subsister aussi invariablement, sì une intelligence divine ne se communiquait à chacune d'elles, et ne les únissait toutes? Quand on développe cette vérité avec grandeur et étendue, comme j'ai dessein de le faire, elle cesse bientôt de craindre les impostures des académiciens. Mais quand, à l'exemple de Zénon, l'on se borne à l'exposer d'une manière courte et resserrée, alors il devient plus facile de l'attaquer. De même que l'eau qui coule dans une rivière, est presque toujours pure, au lieu que celle qui croupit se corrompt facilement de même le discours trop concis donne prise sur nous à nos censeurs, pendant qu'une abondance de paroles est comme un fleuve qui lave et qui emporte avec soi les taches dont on voudrait nous noircir. Les mêmes preuves que j'étends, voici avec quelle précision Zénon les proposait.

VIII. Ce qui raisonne est meilleur que ce qui ne raisonne pas; or, le monde est ce qu'il y a de meilleur : donc le monde raisonne. Il pourra se faire, par la même raison, que

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