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et

ouvrages même qui roulèrent sur d'autres matières, conduisirent et réglèrent les événements par l'entremise par le ministère des puissances divines. Ils apprirent aux hommes à regarder les dieux comme les auteurs de tout ce qui arrive dans la nature. Homère et les autres poètes nous les représentent partout comme les seuls arbitres de nos destinées. Ce sont eux qui élèvent et qui abattent le courage, qui donnent et qui ôtent la prudence, qui envoient la victoire, et qui causent les défaites. Il ne s'exécute rien de grand ni d'héroïque que par l'assistance cachée ou visible de quelque divinité. Et de toutes les vérités qu'on nous enseigne, celle qu'on nous présente le plus souvent, et qu'on établit avec le plus de soin, c'est que la valeur et la sagesse ne peuvent rien sans le secours de la Providence.

Une des principales vues de la poésie, et qui était comme une suite naturelle de la première, fut aussi de former les mœurs. Pour en être convaincu, il ne faut que considérer la fin particulière de chaque espèce de poëme, et que jeter les yeux sur la pratique la plus générale des poètes les plus illustres. Le poëme épique se proposa d'abord de nous donner des instructions déguisées sous l'allégorie d'une action importante et héroïque; l'ode, de célébrer les exploits des grands hommes, et d'engager par là tous les autres à les imiter; la tragédie, de nous inspirer de l'horreur pour le crime par les suites funestes qu'il entraîne après lui, et du respect pour la vertu par les justes louanges et les récompenses qui la suivent; la comédie et la satire, de nous corriger en nous divertissant, et de faire une guerre implacable aux vices et aux ridicules; l'élégie, de verser des pleurs sur le tombeau des personnes qui

méritent d'être regrettées; l'églogue, de chanter l'innocence et les plaisirs de la vie champêtre. Que si, dans la suite des temps, on se servit de ces différentes sortes de pièces à d'autres usages, il est certain qu'on les détourna de leur institution naturelle, et qu'au commencement elles tendaient toutes à un même but, qui était de rendre l'homme meilleur.

Je ne m'étendrai pas davantage sur cette matière, qui me jetterait trop loin. Je me réduis à parler des poètes qui se sont le plus distingués dans chaque espèce particulière je commencerai par les Grecs, puis je passerai aux Latins, en les réunissant pourtant quelquefois en partie, lors surtout qu'il s'agira de les comparer ensemble.

Comme j'ai déja touché ailleurs une partie de ce qui regarde ces écrivains illustres, on me permettra, quand les mêmes matières reviendront, d'y renvoyer les lecteurs, pour ne point tomber dans des redites inutiles et ennuyeuses.

ARTICLE PREMIER.

Des poètes grecs.

On sait que c'est de la Grèce que la poésie a passé dans l'Italie, et que Rome lui doit toute la gloire et toute la réputation qu'elle s'est acquise dans ce genre.

§ 1. Des poètes grecs qui se sont distingués dans le poëme épique.

Je ne range point ici au nombre des poètes, ni les sibylles, ni Orphée et Musée. Tous les savants con

viennent que les poésies qui portent leur nom sont supposées.

Herod. 1. 2,

cap. 53. AN. M. 3120.

Av. J. C. 884.

HOMÈRE.

L'époque du temps où Homère a vécu n'est pas bien certaine. Hérodote la place quatre cents ans avant lui. Ussérius met la naissance d'Hérodote l'an du monde 3520. Ainsi celle d'Homère a dû être vers l'an 3120, c'est-à-dire 240 ans après la prise de Troie.

Le lieu de sa naissance n'est pas plus assuré. Sept villes se disputèrent cet honneur: Smyrne semble l'avoir emporté sur les autres.

J'ai parlé du poëme épique et d'Homère vers le commencement du second tome de cette histoire, et avec beaucoup plus d'étendue dans le premier tome du traité des études, où j'ai essayé de faire sentir les beautés de ce poète.

Il paraît que Virgile, à juger de ses vues par son ouvrage, ne se proposa rien moins que de disputer à la Grèce l'avantage du poëme épique; et c'est de son rival même qu'il emprunta des armes pour le combattre. Il comprit qu'ayant à faire venir des rives du Scamandre le héros de son poëme, il aurait besoin d'imiter l'Odyssée, qui contient une grande suite de voyages et de récits, et qu'ayant à le faire combattre pour l'établir en Italie, il aurait besoin d'avoir sans cesse devant les yeux l'Iliade, qui est remplie d'action, de combats, et de tout ce ministère des dieux que demande la haute poésie. Énée voyage comme Ulysse, et combat comme Achille. Virgile a fait entrer les quarante-huit livres d'Homère dans les douze livres dont l'Énéide est com

posée. Dans les six premiers on retrouve l'Odyssée presque partout, comme on retrouve l'Iliade dans les six derniers.

I

C'est un grand avantage et un grand titre de supériorité pour le poète grec d'avoir été l'original que l'autre a copié; et l'on peut bien lui appliquer 1 ce que dit Quintilien de Démosthène par rapport à Cicéron, que, quelque grand que soit Virgile, Homère l'a fait en grande partie tout ce qu'il est. Cet avantage néanmoins ne décide pas pleinement de leur mérite, et l'on disputera toujours auquel on doit donner la préférence.

Nous pouvons nous en tenir au jugement de Quintilien, qui, laissant la question indécise, marque parfaitement en peu de mots ce qui distingue ces deux excellents poètes. Il dit qu'il y a plus de génie et de naturel dans l'un, plus d'art et de travail dans l'autre ; et que ce qui manque à Virgile du côté du sublime, en quoi le poète grec l'emporte sans contestation, est peut-être compensé par la justesse et l'exactitude qui règnent également partout dans l'Enéide. Et hercle, ut illi naturæ cœlesti atque immortali cesserimus, ita curæ et diligentiæ vel ideò in hoc plus est, quòd ei fuit magis laborandum : et quantùm eminentioribus vincimur, fortassè æqualitate pensamus. Il est difficile de mieux caractériser ces deux poètes. L'Iliade et l'Odyssée sont deux grands tableaux, dont l'Énéide est le raccourci. Celui-ci veut être regardé de près : tout y doit être achevé. Mais les grands tableaux se voient de loin il n'est pas nécessaire que tous les traits y

:

Ja Cedendum verò in hoc quidem, quòd et ille (Demosthenes) prior

fuit, et ex magna parte Ciceronem,
quantus est, fecit. » (Lib. 10, cap. 1.)

Ibid.

soient si finis et si réguliers; c'est même un défaut dans un grand tableau qu'un soin trop scrupuleux.

HÉSIODE.

On dit qu'Hésiode était né à Cumes, ville d'Éolie, mais qu'il fut nourri et élevé à Ascra, petite ville de Béotie, qui depuis a passé pour sa patrie: aussi Virgile l'appelle-t-il le vieillard d'Ascra1. Les sentiments sont fort partagés sur le temps où il a vécu. L'opinion la plus commune le fait contemporain d'Homère. De toutes ses pièces de poésie il ne nous en reste que trois: 1° les Ouvrages et les Jours; 2° la Théogonie, ou Généalogie des dieux; 3° le Bouclier d'Hercule 2. Tom. II de J'en ai parlé ailleurs.

l'Hist. anc.

p. 426.

AN. M. 3356.

Quintilien trace ainsi son caractère: « Il arrive rare<«ment à Hésiode 3 de s'élever. Une grande partie de ses <«< ouvrages ne contient presque que des noms propres. << On y trouve pourtant d'utiles sentences pour la con<< duite de la vie. Il a assez de douceur dans l'expres<«<sion et dans le style. On lui donne la palme dans le « genre d'écrire médiocre. >>

POÈTES MOINS CONNUS.

TERPANDRE. Il était fort renommé et pour la poésie, et pour la musique.

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