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est paraphrasé, mais d'une manière poétique et brillante. Le reste de la seconde strophe est traduit:

Te flagrantis atrox hora canicula
Nescit tangere, tu frigus amabile
Fessis vomere tauris

Præbes et pecori vago.

O fortuné ruisseau ! la canicule ardente
A toujours respecté tes limpides trésors.
Le bœuf lassé du joug, et la brebis bêlante,
Toujours viennent chercher l'ombre rafraîchissante
Que les arbres touffus épanchent sur tes bords.

Il serait difficile de mieux traduire, même en prose. Ce frigus amabile pourrait être attribué à la fraîcheur des eaux de la fontaine, daus le même sens que gelidos rivos; mais le traducteur était autorisé, par les vers suivans, à parler d'arbres et d'ombrage.

Saxis

Cavis impositam ilicem

prouve que l'ombre des arbres concourait au frigus

amabile:

Fies nobilium tu quoque fontium,

Me dicente cavis impositam ilicem
Saxis, undè loquaces

Lymphæ desiliunt tvæ.

Parmi les fontaines fameuses,

Ton nom ô Blandusie! un jour sera fameux.

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Je chanterai ta gloire, et ce roc sourcilleux

Qui retentit du bruit de tes eaux écumeuses,
Et la sombre épaisseur de tes vertes yeuses
Qui dérobent ta source aux regards curieux.

Ce sont six vers pour quatre; mais la traduction est exacte, complète, et a toute l'aisance d'un original.

L'ode 9. du premier livre,

Vides ut altâ stet nive candidum

Soracte, etc.

est bien plus paraphrasée : nous n'en citerons que la dernière strophe, une des plus jolies et des plus remplies de grâce qui soit dans toutes les odes d'Horace :

Nunc et latentis proditor intimo
Gratus puellæ risus ab angulo,
Pignusque dereptum lacertis,
Aut digito malè pertinaci.

Il guide l'amant curieux

Vers le réduit mystérieux

Où se cache en riant la beauté qui l'engage;
Elle veut fuir en vain : il faut laisser pour gage,
Soit l'anneau que retient son doigt capricieux,
Soit la rose attachée à son joli corsage,

Larcin permis, monument ou présage
D'autres larcins encor plus précieux.

Ces deux derniers vers sont ingénieux. N'ont-ils pas pourtant le tort d'exprimer ce qu'Horace par délicatesse n'a voulu que faire entendre? Le doige

capricieux est joli et poétique; mais c'était le doigt malicieusement opiniâtre, malè pertinaci, que la traduction aurait exigé.

Le poète français a aussi changé un des gages. Au lieu d'un bracelet, pignus dereptum lacertis, il a mis pour plus de galanterie, la rose attachée à son joli corsage. Il était le maître, il n'est qu'imitateur, et quand il s'est montré traducteur exact, il a donné plus qu'il n'avait promis.

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EXAMEN

DE

TRADUCTIONS MODERNES

DES principaux poètes épiques latins, postérieurs au siècle d'Auguste.

LUCAIN.

LUCAIN a des admirateurs et des détracteurs. Des beautés sublimes justifient les premiers, de grands défauts autorisent les seconds : ce serait un ouvrage important dans les lettres, et utile pour le goût, qu'une analyse de la Pharsale, qui indiquerait exactement, et ses beautés, et ses défauts, ce qui est grand et ce qui n'est qu'enflé, ce qui est harmonieux et ce qui n'est qu'emphatique, ce qui est fort et ce qui est outré, ce qui est précis et ce qui est vague, les traits qui embellissent les peintures, et ceux qui les surchargent; d'un côté, une simplicité aussi noble qu'énergique, une majesté imposante, une éloquence qui entraîne, des portraits vrais et finis; de l'autre, l'affectation, la recherche, le boursoufflement, les déclamations vagues,

des idées puériles, par lesquelles on prétend ajouter à de grandes idées; la fureur de tout peindre, l'impuissance de s'arrêter; ici ces beautés éternelles ces grands traits de génie qui ont nourri le feu de Corneille et fourni des étincelles à Brébeuf; là, ces froides hyperboles, ces petitesses gigantesques, cet abus de l'esprit, qui ont souvent fait citer Lucain comme un poète hors de la nature.

Cette analyse, cette séparation du bon et du mauvais dans Lucain, c'est ce qu'a exécuté M. de Laharpe en grande partie dans ce qu'il a écrit sur ce poète tant vanté, tant critiqué, qu'il a d'ailleurs embelli par des traductions en vers de ses meilleurs morceaux. (Voyez le second tome des Œuvres de M. de Laharpe.)

Il s'est fait en divers tems plusieurs traductions de Lucain, tant en prose qu'en vers, tant en totalité qu'en partie. Le dix-septième siècle a vu naître la traduction en prose de l'abbé de Marolles, parfaitement oubliée aujourd'hui, et la traduction en vers de Brébeuf, la seule qu'on ait connue et citée pendant long-tems, encore étaitelle plus citée que connue. Elie eut cependant à sa naissance un assez grand succès dont on voit que Boileau était impatienté, car les affaires de goût n'étaient pas pour lui des bagatelles, et les succès injustes l'affligeaient véritablement.

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