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Barbara mors raptum mersit stygialibus undis ;
Spargite, Pierides, fletus, si quà aspera fata
Rupisset, potuit reliquos superare, nec ullo
Belgica se tantùm tellus jactasset alumno.

Lorsque le Père Doissin faisait ces vers touchans, il était bien près d'être l'objet auquel ils conviendraient le mieux, et s'appliqueraient le plus naturellement. A peine avait-il publié ce beau poëme, qu'il mourut en 1753, à trente-deux ans, dans la force de l'âge et du talent. Que ne pouvait-il pas faire encore si quà fata aspera rupisset! Ne nous lassons pas de dire avec Pline le jeune : Mihi videtur acerba semper et immatura mors eorum qui immortale aliquid parant. Si l'abbé de Marsy, qui était Jésuite lorsqu'il composait son poëme de la peinture, publié en 1736, eût continué de s'exercer dans le même genre, et si le Père Doissin eût vécu, ils pouvaient à eux deux nous rendre cet heureux tems où, sans parler du Victorin Santeuil, les Commire, les Larue, les Rapin, les Vanière, Les Sannadon, cultivaient les muses latines comme à la cour d'Auguste, tandis que les Boileau et les Racine élevaient la poésie française à un degré de correction, d'élégance et de perfection inconnu à toutes les autres langues.

DES vers léonins.

Ces vers sont, comme on sait, ceux qui riment par les deux hémistiches, c'est-à-dire, dont le milieu rime avec la fin. Ce qu'on appelle ici le milieu n'est pas précisément le milieu, mais la césure, qui, dans le vers hexamètre (et dans le vers pentamètre), suit le second pied, et quelquefois, mais le troisième. Exemple:

rarement,

Dæmon languebat, monachus tunc esse volebat;
Ast ubi convaluit, mansit ut antè fuit..

Tels sont encore ces vers polissons de Muret contre un poète de la ville de Bresse :

Brixia, vestrates quæ condunt carmina vates
Non sunt nostrates tergere digna nates.

On ne sait pas bien d'où vient ce nom de léonins, donné à ces vers rimés : il y a sur cela, comme sur tout ce qu'on ne sait pas, une multitude d'opinions. La plus généralement reçue est celle qui fait venir ce nom de Léonius, chanoine de SaintVictor au douzième siècle, non qu'il en fût l'inventeur, car ils étaient en usage long-tems avant lui, mais ou parce qu'il en a plus fait qu'un autre, ou parce qu'il y excellait. L'usage de ces vers, qu'on regarde assez généralement comme un abus de nos nations modernes, est d'une antiquité immémo

riale. Cassiodore, ce fameux secrétaire de Théodoric, en parle comme d'un usage établi depuis long-tems, en quoi il avait plus raison qu'il ne le croyait peut-être.

Un Anglais nommé M. Harris, connu par plusieurs bons ouvrages (et mort en 1780), en parlant, dans une histoire littéraire du moyen-âge, des vers léonins, observe qu'on trouve des vers de ce genre, même dans les meilleurs poètes classiques; il en cite deux exemples, l'un de Virgile:

Trajicit, i, verbis virtutem illude superbis;

l'autre d'Horace:

Fratrem mærentis, rapto de fratre dolentis, etc.

Il touchait à la vérité, telle du moins que je crois la voir; mais bientôt le vieux préjugé se ressaisit de lui.

«La différence qu'il y a, dit-il, c'est qu'il est » vraisemblable que les rimes qu'on trouve chez ces génies supérieurs, leur sont échappées par hasard, » tandis qu'au contraire elles ont été cherchées et » mises à dessein par les poètes modernes. »

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La partie de cette proposition qui regarde les Modernes est évidente; mais je ne puis adopter celle qui regarde les Anciens. Cette consonnance des deux parties du vers est si commune chez eux, qu'elle ne peut pas être l'effet du hasard ou de la

négligence: il paraît même qu'elle est souvent recherchée, et qu'ils aimaient à faire jouer ainsi les substantifs avec les adjectifs, ou avec les participes ou les

jectifs.

pronoms possessifs qui tiennent lieu d'ad

VIRGILE.

Hic inter densas corylos modò namque gemellos.
Quamvis multa meis exiret victima septis.
Dixit Damaras, invidit stultus Amyntas.
Tibi lilia plenis

Ecce ferunt nympha Calathis, tibi candida Naïs
Tùm casiâ atque aliis intexens suavibus herbis
Mollia luteola pingit vaccinia calthâ.

Observons que ces deux derniers vers sont de

suite.

Incipe, Damora, tu deindè sequere, Menalca.
Pollio amat nostram, quamvis est rustica, Musam
Nescio quis teneros oculus mihi fascinat agnos
Desinet, ac toto surget gens aurea mundo
Murice, jam croceo mutabit vellera luzo
Talia sæcla suis dixerunt, currite fusis.
Aspice venturo lætentur ut omnia sæclo.
O mihi tam longa maneat pars ultima vita.
Ces deux vers sont encore de suite.

Sive sub incertas zephyris motantibus umbras
Sylvestris raris sparsit labrusca racemis.

Puniceis humilis quantùm saliunca rosetis.
Cum complexa sui corpus miserabile nati.
Et foliis lentas intexere mollibus hastas.
Carduus et spinis surgit paliurus acutis
Intensi montes, ipsæ jam carmina rupes
Inflatum hesterno venas, ut semper, Iaccho.
Et gravis attrita pendebat cantharus ansé.
Solvite me, pueri, satis est potuisse videri.
Carmina quæ vultis cognoscite, carmina vobis.
Ces deux vers sont encore de suite.

Incipiant sylva cum primum surgere, cumque
Pasiphaën nivei solatur amore juvenci.

Aut herbâ captum viridi, aut armenta secutum
Perducent aliqua stabula ad Gortynia vacca.
Ces deux vers sont encore de suite.

Imò

Floribus, atque apio crines ornatus amaro
Jussit, et invito processit Vesper Olymṛo'
Cùm primum pasti repetent præsepia Tauri.
ego Sardois videar tibi amarior herbis
Ite domum pasti, și quis pudor, ite juvenci.
Et quæ vos rarâ viridis tegit arbutus umbrâ.
Liber pampineas invidit collibus umbras.
Fraxinus in sylvis pulcherrima, pinus in hortis,
Populus in fluviis, abies in montibus altis,
Fraxinus in sylvis cedat tibi, pinus in hortis.

De ces trois vers, les deux premiers sont de

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