porte son lecteur dans les jardins du Vatican, au palais Borghèse, dans la vigne Ludovisio, dans tous ces beaux édifices enrichis des superbes dépouilles de la Grèce; il lui fait admirer ces chefsd'œuvre de la nature et de l'art, échappés aux ravages des tems et aux fureurs de la guerre, et qu'il rend présens aux yeux par la force de sa poésie; tantôt il le ramène dans nos belles maisons royales, à Versailles, à Marly, sur les bords de la Seine, aux Tuileries, à Saint-Cloud: c'est là qu'animés d'une noble émulation, les Girardon, les Marsy, les Puget, les Coysevox, ont égalé, ont surpassé peut-être les Praxitèles, les Scopas et les Myrons. La description brillante de leurs plus beaux ouvrages est couronnée l'idée que par donne le poète d'un groupe représentant le berceau du jeune duc de Bourgogne, frère aîné de Louis XVI, né quelques mois avant la publication de ce poëme, et fils de M. le dauphin à qui l'ouvrage est dédié : O si tantorum vestigia nota secutus Lumina permittat, puerum complexa jacentem Et noster Lodoicus amor, quem prodiga totum Carmina marmoreis hæc scalperet aurea cunis : Les principales qualités que le poète exige dans un sculpteur, sont un génie vaste et fécond, la science du costume, une grande connaissance de l'anatomie et de la Fable. L'histoire fabuleuse qu'il raconte de l'origine de la sculpture, est agréable et intéressante. Il suppose que, vers les bords du Nil, deux frères jumeaux, unis plus fortement encore par l'amitié que par le sang, se retirèrent ensemble dans une profonde solitude, pour se livrer tout entier au sentiment qui les occupait: là des égards mutuels, des plaisirs aussi purs qu'innocens et d'autant plus vifs, qu'ils étaient partagés, nourrissaient leur tendresse. Un jour Damon et Alcippe (c'étaient leurs noms, et on sent bien que tout autre qu'un religieux, pour plus d'intérêt, au lieu de deux frères, aurait placé dans cette solitude un amant et une maîtresse ), Damon et Alcippe s'étant éloignés At quantus gelidos horror circumstetit artus, compare turtur Triste gemit raptosque sibi suspirat amores; Il voulait se percer le cœur du même trait : sou dain Pallas paraît, arrête son bras, lui défend d'attenter sur ses jours; elle lui apprend le secret de rendre en quelque sorte à son frère la vie qu'il lui avait ôtée. Arripe felicem truncum, multisque rebellem Cadito vulneribus, dùm tandem sumere vultus Fraternos videas notamque exurgere formam. Ipsa tibi dextram, ipsa reget Tritonia Pallas. Ces mots soulageant un peu le désespoir d'Alcippe, il s'empresse d'exécuter les ordres de la déesse. Protinus humanam sumpsit mutata figuram Ainsi finit ce joli poëme, qui annonce un auteur nourri de la lecture des meilleurs poètes de l'antiquité, et doué d'ailleurs d'un vrai talent. Scalptura. Ce second poëme en annonce encore davantage : ce poète a eu l'art d'y exprimer les plus petits détails avec une élégance, avec une noblesse digne de l'auteur des Géorgiques, et de vaincre les plus grandes difficultés par le travail le plus heureux; et cependant quels efforts ne fallait-il pas pour décrire avec élégance les opérations de la gravure à l'eau-forte, pour dire en vers harmonieux, que sur une planche bien échauffée, on étend d'abord un vernis de poix fondue, que l'on noircit en exposant la planche à la fumée d'une bougie du côté où le vernis est appliqué; que l'on calque ensuite sur cette planche un dessin fait à part sur du papier bien frotté de sanguine par derrière; que la sanguine s'étant imprimée sur le vernis, et y ayant marqué tous les traits du dessin, on se sert pour graver, d'une pointe d'acier, souvent d'une simple pointe d'aiguille; qu'enfin, quand les traits sont formés, on coule l'eau-forte sur la planche qu'on a eu soin auparavant de border de cire! On va juger si la sécheresse didactique de tous ces détails a passé jusque dans la poésie de notre auteur. Enea supposito calefit primum igne tabella, Circum oras explet mordaxque infundit acetum, |