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tentes; toujours prête à déloger et à combattre ; étrangère que rien n'attache, que rien ne contente; qui regarde tout en passant, sans vouloir jamais s'arrêter: heureuse néanmoins dans cet état, tant à cause des consolations qu'elle reçoit durant le voyage, qu'à cause du glorieux et immuable repos qui sera la fin de sa course. Voilà l'image de l'Eglise pendant qu'elle voyage sur la terre.

Balaam la voit dans le désert: son ordre, sa discipline, ses douze tribus rangées sous leurs étendards: Dieu, son chef invisible, au milieu d'elle : Aaron, prince des prêtres et de tout le peuple de Dieu, chef visible de l'Eglise sous l'autorité de Moïse, souverain législateur et figure de Jésus-Christ : le sacerdoce étroitement uni avec la magistrature : tout en paix par le concours de ces deux puissances

Coré et ses sectateurs, ennemis de l'ordre et de la paix, engloutis, à la vue de tout le peuple, dans la terre soudainement entr'ouverte sous leurs pieds, et ensevelis tout vivans dans les enfers. Quel spectacle! quelle assemblée! quelle beauté de l'Eglise! Du haut d'une montagne, Balaam la voit toute entière; et au lieu de la maudire comme on l'y vouloit contraindre, il la bénit. On le détourne, on espère lui en cacher la beauté, en lui montrant ce grand corps par un coin d'où il ne puisse en découvrir qu'une partie; et il n'est pas moins transporté, parce qu'il voit cette partie dans le tout, avec toute la convenance et toute la proportion qui les assortit l'un avec l'autre. Ainsi, de quelque côté qu'il la considère, il est hors de lui; et ravi en admiration il s'écrie: Quàm pulchra ta

bernacula tua, Jacob, et tentoria tua, Israel! « Que vous êtes admirables sous vos tentes, enfans » de Jacob »>! quel ordre dans votre camp! quelle merveilleuse beauté paroît dans ces pavillons si sagement arrangés; et si vous causez tant d'admiration sous vos tentes et dans votre marche, que serace quand vous serez établis dans votre patrie!

Il n'est pas possible, mes Frères, qu'à la vue de cette auguste assemblée vous n'entriez dans de pareils sentimens. Une des plus belles parties de l'Eglise universelle se présente à vous. C'est l'Eglise gallicane qui vous a tous engendrés en Jésus-Christ: Eglise renommée dans tous les siècles, aujourd'hui représentée par tant de prélats que vous voyez assistés de l'élite de leur clergé, et tous ensemble prêts à vous bénir, prêts à vous instruire selon l'ordre qu'ils en ont reçu du ciel. C'est en leur nom que je vous parle; c'est par leur autorité que je vous prêche. Qu'elle est belle, cette Eglise gallicane, pleine de science et de vertu ! mais qu'elle est belle dans son tout, qui est l'Eglise catholique; et qu'elle est belle saintement et inviolablement unie à son chef, c'est-à-dire, au successeur de saint Pierre! O que cette union ne soit point troublée! que rien n'altère cette paix et cette unité où Dieu habite!

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Esprit saint, Esprit pacifique, qui faites habiter les frères unanimement dans votre maison, affermissez-y la paix. La paix est l'objet de cette assemblée au moindre bruit de division, nous accourons effrayés, pour unir parfaitement le corps de l'Eglise, le père et les enfans, le chef et les membres, le sacerdoce et l'empire. Mais puisqu'il s'agit d'unité, commençons à nous unir par des vœux com

muns, et demandons tous ensemble la grâce du SaintEsprit par l'intercession de la sainte Vierge. Ave.

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MESSEIGNEURS,

Regarde, et fais selon le modèle qui t'a été » montré sur la montagne ». C'est ce qui fut dit à Moïse, lorsqu'il eut ordre de construire le tabernacle (1). Mais saint Paul nous avertit (2) que ce n'est point ce tabernacle bâti de main d'homme qui doit être travaillé avec tant de soin, et formé sur ce beau modèle: c'est le vrai tabernacle de Dieu et des hommes; c'est l'Eglise catholique, où Dieu habite, et dont le plan est fait dans le ciel. C'est aussi pour cette raison que saint Jean voyoit dans l'Apocalypse «la sainte cité de Jérusalem (3) », et l'Eglise qui commençoit à s'établir par toute la terre; il la voyoit, dis-je, descendre du ciel. C'est là que les desseins en ont été pris: « Regarde, et fais selon le modèle qui » t'a été montré sur cette montagne ».

Mais pourquoi parler de saint Jean et de Moïse? écoutons Jésus-Christ lui-même. Il nous dira «< qu'il » ne fait rien que ce qu'il voit faire à son Père (4) ». Qu'a-t-il donc vu, chrétiens, quand il a formé son Eglise? Qu'a-t-il vu dans la lumière éternelle et dans les splendeurs des saints où il a été engendré devant l'aurore? C'est le secret de l'Epoux, et nul autre que l'Epoux ne le peut dire.

« Père saint, je vous recommande ceux que vous » in'avez donnés », je vous recommande mon Eglise; gardez-les en votre nom, afin qu'ils soient un » comme nous (5) "; et encore : « Comme vous êtes

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(1) Exod. xxv. 40. (2) Hebr. vIII. 9. ▪ (4) Joan. v. 19. — (5) Ibid. xv11. 11.

(3) Apoc. XXI. 10. —

>> en moi, et moi en vous, ô mon Père, ainsi qu'ils » soient un en nous. Qu'ils soient un comme nous;

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qu'ils soient un en nous (1) » : je vous entends, ô Sauveur; vous voulez faire votre Eglise belle, vous commencez par la faire parfaitement une : car qu'estce que la beauté, sinon un rapport, une convenance, et enfin une espèce d'unité? Rien n'est plus beau que la nature divine, où le nombre même, qui ne subsiste que dans les rapports mutuels de trois Personnes égales, se termine en une parfaite unité. Après la divinité, rien n'est plus beau que l'Eglise, où l'unité divine est représentée. « Un » comme nous, un en nous: regardez, et faites sui» vant ce modèle ».

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Une si grande lumière nous éblouiroit: descendons, et considérons l'unité avec la beauté dans les chœurs des anges. La lumière s'y distribue sans se diviser elle passe d'un ordre à un autre, d'un chœur à un autre avec une parfaite correspondance, parce qu'il y a une parfaite subordination. Les anges ne dédaignent pas de se soumettre aux archanges, niles archanges de reconnoître les puissances supérieures. C'est une armée où tout marche avec ordre, et comme disoit ce patriarche : « C'est ici le camp de Dieu (2) ». C'est pourquoi dans ce combat donné dans le ciel, on nous représente << Michel et ses anges contre Satan >> et ses anges (3) ». Il y a un chef dans chaque parti; mais ceux qui disent avec saint Michel : « Qui égale » Dieu »? triomphent des orgueilleux, qui disent: Qui nous égale? et les anges victorieux demeurent unis à leur Créateur sous le chef qu'il leur a donné. (3) Apoc. x11. 7.

(1) Joan. XVII. 21, 22, (2) Genes. XXXII. 2.

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O Jésus, qui n'êtes pas moins le chef des anges que celui des hommes : « Regardez, et faites selon ce » modèle »; que la sainte hiérarchie de votre Eglise soit formée sur celle des esprits célestes. Car, comme dit saint Grégoire (1), « Si la seule beauté de l'ordre » fait qu'il se trouve tant d'obéissance où il n'y a » point de péché, combien plus doit-il y avoir de » subordination et de dépendance parmi nous, où le » péché mettroit tout en confusion sans ce secours ? »

Selon cet ordre admirable, toute la nature angélique a ensemble une immortelle beauté; et chaque troupe, chaque choeur des anges a sa beauté particulière, inséparable de celle du tout. Cet ordre a passé du ciel à la terre; et je vous ai dit d'abord qu'outre la beauté de l'Eglise universelle, qui consiste dans l'assemblage du tout, chaque Eglise placée dans un si beau tout avec une justesse parfaite, a sa grâce particulière. Jusqu'ici tout nous est commun avec les saints anges: mais saint Grégoire nous a fait remarquer que le péché n'est point parmi eux; c'est pourquoi la paix y règne éternellement. Cette cité bienheureuse, d'où les superbes et les factieux ont été bannis, où il n'est resté que les humbles et les pacifiques, ne craint plus d'être divisée. Le péché est parmi nous : malgré notre infirmité l'orgueil y règne; et tirant tout à soi, il nous arme les uns contre les autres. L'Eglise donc, qui porte en son sein, dans ce secret principe d'orgueil qu'elle ne cesse de réformer dans ses enfans, une éternelle semence de division, n'auroit point de beauté durable, ni de véritable unité, si elle ne trouvoit dans

(1) S. Greg. Epist. lib. v, Epist. LIV, tom. 11, col. 784.

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