Page images
PDF
EPUB

» d'être augmentée, pour qu'elle mérite ensuite » d'être perfectionnée ». Mais jamais elle ne se montre mieux ce qu'elle est, c'est-à-dire, grâcé, que lorsqu'elle vient à nous sans être appelée : c'est pourquoi Marie prévient sainte Elisabeth, et Jésus prévient Jean-Baptiste.

Voyez comment Jésus prévient son Précurseur même il faut aussi qu'il nous prévienne dans la grâce du sacerdoce. Il y en a qui préviennent Jésus-Christ: ce sont ceux qui viennent sans être appelés. Jésus-Christ a été appelé par son Père : Jean étoit choisi pour son Précurseur; néanmoins il le prévient. La marque que nous sommes appelés, c'est le zèle du salut des ames. Jésus vient à Jean, le libérateur au captif: Jésus visite Jean, parce qu'il faut que le médecin aille visiter son malade. Mais Jésus est dans le sein [de sa mère,] et Jean dans le sein [de la sienne.] Ne semble-t-il pas que le médecin soit aussi infirme que le malade? Jésus a pris nos infirmités, afin d'y apporter le remède. C'est le devoir des prêtres de se rendre foibles avec les foibles, pour les guérir. Quis infirmatur, et ego non infirmor? « Qui est foible, disoit l'apôtre (1), » sans que je m'affoiblisse avec lui »? « Qui est scan» dalisé sans que je brûle »? Quis scandalizatur, et ego non uror? « Voulez-vous savoir, demande saint Augustin, jusqu'où l'apôtre est descendu, pour » se rendre foible avec les foibles (2)? Il s'est abaissé >> jusqu'à donner du lait aux petits enfans. Ecoutez» le lui-même dire aux Thessaloniciens (3) Je me » suis conduit parmi vous avec une douceur d'en(1) II. Cor. XI. 29. (2) I. Cor. 111. 2. (3) I. Thess. u. 7.

[ocr errors]
[ocr errors]

>>

» fant, comme une nourrice qui a soin de ses enfans. » Et en effet, nous voyons les nourrices et les mères » s'abaisser, pour se mettre à la portée de leurs petits » enfans: et si, par exemple, elles savent parler latin, » elles appetissent les paroles, et rompent en quel» que sorte leur langue, afin de faire d'une langue » diserte un amusement d'enfant. Ainsi un père élo» quent, qui a un fils encore dans l'enfance, lorsqu'il rentre dans sa maison, il dépose cette élo» quence qui l'avoit fait admirer dans le barreau, » pour prendre avec son fils un langage enfantin ». Quære quò descenderit, usque ad lac parvulis dandum. Factus sum parvulus in medio vestrúm, tanquam si nutrix foveat filios suos. Videmus enim et nutrices et matres descendere ad parvulos: et sim norunt latina verba dicere, decurtant illa, et quassant, quodam modo, linguam suam, ut possint de lingua diserta fieri blandimenta puerilia................ Et disertus aliquis pater..... si habeat parvulum filium, cùm ad dumum redierit, seponit forensem eloquentiam quò ascenderat, et lingua puerili descendit ad parvulum (1). [Telle est aussi la conduite que doivent tenir les prêtres, pour se faire tout à tous.]

Mais revenons à Marie et à Elisabeth: elles s'embrassent; elles se saluent. La loi honore l'Evangile, en le prédisant : l'Evangile honore la loi, en l'accomplissant; c'est le mutuel salut qu'ils se donnent. Ecoutons maintenant leurs saints entretiens: Benedicta tu in mulieribus (2). « Vous êtes bénite entre

(1) S. Aug. in Joan. Tract. vii, n. 22, tom. 111, part. 11, col. 352. - (2) Luc. 1. 42.

*

[ocr errors]
[ocr errors]

>> toutes les femmes ». O Eglise! ô société des fidèles! ô assemblée chérie entre toutes les sociétés de la terre! vous êtes singulièrement bénite, parce que vous êtes uniquement choisie. Una est columba mea, perfecta mea (1): « Une seule est ma colombe et » ma parfaite amie ». Beata es tu quæ credidisti (2) : « Vous êtes bienheureuse d'avoir cru», dit Elisabeth à Marie; et avec raison, puisque la foi est la source de toutes les grâces: «< car le juste vit de la » foi »: Justus autem meus ex fide vivit (3). Perficientur ea quæ tibi dicta sunt à Domino (4): « Tout » ce qui vous a été dit de la part du Seigneur sera accompli ». Tout s'accomplira; voilà la vie chrétienne. Les chrétiens sont enfans de promesse, enfans d'espérance: voilà le témoignage que la Synagogue rend à l'Eglise. L'Eglise ne désavoue pas ses dons ni ses avantages; au contraire, elle reconnoît que « le Tout-puissant a fait en elle de grandes >> choses » Fecit mihi magna qui potens est. Mais elle rend la louange à Dieu : Magnificat anima mea Dominum (5) : « Mon ame glorifie le Seigneur ». Ainsi dans cette aimable rencontre de la Synagogue avec l'Eglise ; pendant que la Synagogue, selon son devoir, rend un fidèle témoignage à l'Eglise, l'Eglise de son côté rend témoignage à la miséricorde divine: afin que nous apprenions, chrétiens, que le vrai sacrifice de la nouvelle loi, c'est le sacrifice d'actions de grâces. « Aussi nous avertit-on, dans la » célébration des saints mystères, de rendre grâces » au Seigneur notre Dieu ». In isto verissimo sa

(1) Cant. vi. 8. (2) Luc. 1. 45. — (3) Hebr. x. 38. — (4) Luc. 1. 49. – (5) Ibid. 47.

crificio agere gratias admonemur Domino Deo ; ut agnoscamus gratiarum actionem proprium esse novi Testamenti sacrificium.

Il faut donc confesser que nous sommes un ouvrage de miséricorde; notre sacrifice est un sacrifice d'eucharistie. C'est le sacrifice que Jean offre; en sautant de joie, il rend grâces au libérateur. S'il fait tressaillir Jean, qui ne le voit pas, qui ne le touche pas, qui ne l'entend pas, où il n'agit que par sa présence seule; que sera-ce dans le ciel, où il se montrera à découvert, face à face. Jean est dans les entrailles de sa mère, et il sent Jésus qui est aussi dans le sein de la sienne. Jésus entre dans nos entrailles, et à peine le sentons-nous.

DISCOURS

AUX RELIGIEUSES DE SAINTE MARIE,

LE JOUR DE LA FÊTE

DE LA VISITATION DE LA S.TE VIERGE.

Je ne m'étonne pas si votre fondateur, cet homme si éclairé, cet homme si pénétré des salutaires lumières de l'Evangile, vous a choisies pour honorer cette fête, si remplie de mystères d'ineffable suavité et d'une charité immense. Mais qui n'admireroit, par-dessus toutes choses, les grands exemples qui s'offrent à nous dans ce mystère, d'une inexplicable instruction, si profitable, non-seulement pour les personnes cachées dans la solitude; mais propre pour vous, pour moi, pour tous les fidèles : pour les justes, c'est leur consolation; pour les pécheurs, c'est l'attrait qui les excite à faire pénitence. Qui n'admirera premièrement Elisabeth qui s'abaisse ? « D'où me vient ce bonheur (1) ». Mais voyez un effet plus surprenant. Jean, qui n'est pas né, montre par son tressaillement sa joie à l'approche de son Sauveur; et Marie, possédée de l'Esprit de Dieu, chante ce divin cantique : << Mon ame glorifie le » Seigneur (2) ».

(1) Luc. 1. 43. — (2) Ibid. 47.

« PreviousContinue »