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soient entendues de tous les fidèles; et je ne veux rien avancer, que je n'en allègue la preuve par les Ecritures. Dites-moi, s'il vous plaît, chrétiens, quand cette voix miraculeuse éclata sur le Thabor de la part de Dieu : « Celui-ci est mon Fils bien>> aimé dans lequel je me suis plu (1) » ; de qui pensez-vous que parlât le Père éternel? n'étoit-ce pas de ce Dieu revêtu de chair, qui paroissoit tout resplendissant aux yeux des apôtres? Cela étant ainsi, vous voyez bien, par une déclaration si authentique, qu'il étend son amour paternel jusqu'à l'humanité de son Fils; et qu'ayant uni si étroitement la nature humaine avec la divine, il ne les veut plus séparer dans son affection. Aussi est-ce là, si nous l'entendons bien, tout le fondement de notre espérance, quand nous considérons que Jésus, qui est homme tout ainsi que nous, est reconnu et aimé de Dieu comme son Fils propre.

Ne vous offensez pas, si je dis qu'il y a quelque chose de pareil dans l'affection de la sainte Vierge, et que son amour embrasse tout ensemble la divinité et l'humanité de son Fils, que la main puissante de Dieu a si bien unies: car Dieu, par un conseil admirable, ayant jugé à propos que la Vierge engendrât dans le temps celui qu'il engendre continuellement dans l'éternité, il l'a par ce moyen associée en quelque façon à sa génération éternelle. Fidèles, entendez ce mystère. C'est l'associer à sa génération, que de la faire mère d'un même Fils avec lui. Partant, puisqu'il l'a comme associée à sa génération éternelle, il étoit convenable qu'il coulât

(1) Matth. xvn. 5.

en même temps dans son sein quelque étincelle de cet amour infini qu'il a pour son Fils; cela est bien digne de sa sagesse. Comme sa providence dispose toutes choses avec une justesse admirable, il falloit qu'il imprimât dans le cœur de la sainte Vierge une affection qui passât de bien loin la nature, et qu'il allât jusqu'au dernier degré de la grâce; afin qu'elle eût pour son Fils des sentimens dignes d'une mère de Dieu, et dignes d'un homme-Dieu.

Après cela, ô Marie, quand j'aurois l'esprit d'un ange et de la plus sublime hiérarchie, mes conceptions seroient trop ravalées, pour comprendre l'union très-parfaite du Père éternel avec vous. «< Dieu » a tant aimé le monde, dit notre Sauveur (1), qu'il » lui a donné son Fils unique ». Et en effet, comme remarque l'apôtre (2), « nous donnant son Fils, ne » nous a-t-il pas donné toute sorte de biens avec » lui » ? que s'il nous a fait paroître une affection si sincère, parce qu'il nous l'a donné comme maître et comme Sauveur; l'amour ineffable qu'il avoit pour vous, lui a fait concevoir bien d'autres desseins en votre faveur. Il a ordonné qu'il fût à vous en la même qualité qu'il lui appartient; et pour établir avec vous une société éternelle, il a voulu que vous fussiez la mère de son Fils unique, et être le Père du vôtre. O prodige! ô abîme de charité ! quel esprit ne se perdroit pas dans la considération de ces complaisances incompréhensibles qu'il a eues pour vous, depuis que vous lui touchez de si près par ce commun Fils, le nœud inviolable de votre sainte alliance, le gage de vos affections mutuelles, que (1) Joan. ш. 16.➡ (2) Rom. viii. 32.

vous vous êtes donné amoureusement l'un à l'autre; lui, plein d'une divinité impassible; vous, revêtu, pour lui obéir, d'une chair mortelle.

Croissez donc, ô heureux enfant, croissez à la bonne heure; que le ciel propice puisse faire tomber sur votre tête innocente les plus douces de ses influences. Croissez; et puissent bientôt toutes les nations de la terre venir adorer votre Fils! puisse votre gloire être reconnue de tous les peuples du monde, auxquels votre enfantement donnera une paix éternelle ! Pour nous, mus d'un pieux respect pour celui qui vous a choisie, nous venons honorer votre lumière naissante, et jeter sur votre berceau non des roses et des lis, mais des bouquets sacrés de désirs ardens et de sincères louanges. Certes, je l'avoue, Vierge sainte, celles que je vous ai données sont beaucoup au-dessous de vos grandeurs, et beaucoup au-dessous de mes vœux; et toutefois je me sens ébloui d'avoir si long-temps contemplé, quoiqu'à travers tant de nuages, ce haut éclat qui vous environne; je suis contraint do baisser la vue. Mais comme nos foibles éblouis des rayons du soyeux, leil dans l'ardeur de son midi, l'attendent quelquefois pour le regarder plus à leur aise lorsqu'il penche sur son couchant, dans lequel il semble à nos sens qu'il descende plus près de la terre; ainsi étant étonné, ô Vierge admirable, d'avoir osé vous considérer si long-temps dans cette qualité éminente de Mère de Dieu, qui vous approche si près de la majesté divine, et vous élève si fort au-dessus de nous; il faut, pour me remettre, que je vous considère un moment dans la qualité de Mère des fidèles, qui

vous abaisse jusqu'à nous par une miséricordieuse condescendance, et vous fait, pour ainsi dire, descendre jusqu'à nos foiblesses, auxquelles vous compatissez avec une piété maternelle. Je ne m'éloignerai point des principes que j'ai posés; mais il faut que je tâche d'en tirer quelques instructions. Achevons, chrétiens, achevons; il est temps désormais de conclure.

Intercédez pour nous, ô sainte et bienheureuse Marie: car, comme dit votre dévot saint Bernard (1), quelle autre peut, plutôt que vous, parler au cœur de notre Seigneur Jésus-Christ? Vous y avez une fidèle correspondance; je veux dire, l'amour filial qui viendra accueillir l'amour maternel, et même qui préviendra ses désirs et partant, que ne devons-nous point espérer de vos pieuses intercessions?

:

Certes, fidèles, il n'est pas croyable quelle utilité il nous en revient, et c'est avec beaucoup de raison que l'Eglise, répandue par toute la terre, nous exhorte à nous mettre sous sa protection spéciale. Mais toutefois je ne craindrai point de vous dire, que plusieurs se trompent dans la dévotion de la Vierge : plusieurs croient lui être dévots, qui ne le sont pas : plusieurs l'appellent mère, qu'elle ne reconnoît pas pour enfans: plusieurs implorent son assistance, qui cette Vierge très-pure n'accorde pas le secours de ses prières. Apprenez donc, chrétiens, apprenez quelle est la vraie dévotion pour la sainte Vierge; de peur que, ne l'ayant pas comme il faut, vous

à

(1) Ad B. Virg. Serm. Panegyr. n. 7, int. op. S. Bern. tom. 11, col. 690.

ne perdiez toute l'utilité d'une chose qui pourroit vous être très-fructueuse.

Quand l'Eglise invite tous ses enfans à se recommander aux prières des saints qui règnent avec JéChrist, elle considère, sans doute, que nous én retirons divers avantages très-importans. Mais je ne craindrai point de vous assurer que le plus grand de tous, c'est qu'en honorant leurs vertus, cette pieuse commémoration nous enflamme à imiter l'exemple de leur bonne vie : autrement, c'est en vain, chrétiens, que nous choisissons pour patrons ceux dont nous ne voulons pas être les imitateurs. « Il faut, >> dit saint Augustin, qu'ils trouvent en nous quel>>ques traces de leurs vertus, pour qu'ils daignent >> s'intéresser pour nous auprès du Seigneur » : Debent enim in nobis aliquid recognoscere de suis virtutibus, ut pro nobis dignentur Domino supplicare (1): de sorte que c'est une prétention ridicule, de croire que la très-sainte Mère de Dieu admette au nombre de ses enfans, ceux qui ne tâchent pas de se conformer à ce beau et admirahlo exemplaire.

Et qu'imiterons-nous particulièrement de la sainte Vierge, si ce n'est cet amour si fort et si tendre, qu'elle a eu pour notre Seigneur Jésus-Christ, qui est, comme vous avez vu, la plus vive source des excellences et des perfections de Marie? d'ailleurs que pouvons-nous faire qui lui plaise plus, que d'attacher toutes nos affections à celui qui a été et sera éternellement toutes ses délices? enfin, qu'y a-t-il qui nous soit ni plus nécessaire, ni plus honorable, ni plus doux et plus agréable que cet amour? Quelle

Serm. de Symbolo, cap, xш; in Append. tom. v1, col. 282.

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