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que toutes ses lois alloient être à jamais abolies: si le Saint-Esprit tint sa place, et les délices de la virginité celle qui est ordinairement occupée par convoitise qui pourra croire qu'il n'y ait rien eu de surnaturel dans la conception de cette Princesse, et que ce soit le seul endroit de sa vie qui ne soit point marqué de quelque insigne miracle?

Vous me direz peut-être que cette innocence si pure, c'est la prérogative du Fils de Dieu; que de la communiquer à sa sainte Mère, c'est ôter au Sauveur l'avantage qui est dû à sa qualité. C'est le dernier effort des docteurs dont nous réfutons aujourd'hui les objections. Mais à Dieu ne plaise, ô mon Maître, qu'une si téméraire pensée puisse jamais entrer dans mon ame. Périssent tous mes raisonnemens, que tous mes discours soient honteusement effacés, s'ils diminuent quelque chose de votre grandeur. Vous êtes innocent par nature, Marie ne l'est que par grâce; vous l'êtes par excellence, elle ne l'est que par privilege; vous l'êtes comme rédempteur, elle l'est comme la première de celles que votre sang précieux a purifiées. O vous, qui désirez qu'en cette rencontre la préférence demeure à notre Seigneur, vous voilà satisfaits, ce me semble. Quoi! si nous n'étions tous criminels par notre naissance, ne sauriez-vous que dire, pour donner l'avantage au Sauveur ? Si vous croyez avoir fait beaucoup de l'avoir mis au-dessus d'une infinité de coupables, ne trouvez pas mauvais si je tâche du moins de trouver une créature innocente à laquelle je le préfère, afin de faire voir que ce n'est pas notre crime seul qui lui donne la préférence.

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Il est certes tout-à-fait nécessaire qu'il surpasse sa sainte Mère d'une distance infinie. Mais aussi ne jugez-vous pas raisonnable que sa Mère ait quelque avantage par-dessus le commun de ses serviteurs? Que répondrez-vous à une demande qui paroît si juste? Je ne me contente pas de ce que vous me dites, qu'elle a été sanctifiée devant sa naissance. Car encore que je vous avoue que c'est une belle prérogative, je vous prie de vous souvenir que c'est le privilége de saint Jean-Baptiste, et peut-être de quelque autre prophète. Or ce que je vous demande aujourd'hui, c'est que vous donniez, si vous le pouvez, quelque chose de singulier à Marie, sans toucher aux droits de Jésus. Pour moi j'y satisferai aisément, établissant trois degrés que chacun pourra retenir. Je dis que le Sauveur étoit infiniment audessus de cette commune corruption. Pour Marie, elle y étoit soumise; mais elle en a été préservée : entendez ce mot, s'il vous plaît. Et à l'égard des autres saints, je dis qu'ils l'avoient effectivement contractée, mais qu'ils en ont été délivrés. Ainsi nous conservons la prérogative à la Mère, sans faire tort à l'excellence du Fils: ainsi nous voyons une juste et équitable disposition qui semble bien convenable à la Providence divine ainsi le sauveur Jésus, qui, selon la doctrine des théologiens, étoit venu en ce monde principalement pour purger les hommes de ce péché d'origine, qui étoit le grand œuvre du diable, en remporte une glorieuse victoire; il le dompte, il le met en fuite partout où il se peut retrancher.

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Comment cela, chrétiens? L'induction en est

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claire. Ce vice originel règne dans les enfans nouvellement nés; Jésus l'y surmonte par le saint baptême. Ce n'est pas tout le diable par ce péché pénètre jusqu'aux ventres de nos mères, et là tout impuissans que nous sommes, il nous rend ennemis de Dieu. Jésus choisit quelques ames illustres qu'il purifie dans les entrailles maternelles, et là il défait encore le péché. Tels sont ceux que nous appelons sanctifiés devant la naissance, comme saint Jean; comme Jérémie, selon le sentiment de quelques docteurs; comme saint Joseph peut-être, selon la conjecture de quelques autres. Mais il reste un endroit, ô Sauveur, où le diable se vante d'être invincible. Il dit que l'on ne l'en peut chasser. C'est le moment de la conception, dans lequel il brave votre pouvoir. Il dit que si vous lui ôtez la suite, du moins il s'attache, sans rien craindre, à la source et à la racine. « Elevez-vous, Seigneur, et que vos » ennemis disparoissent, et que ceux qui vous » haïsscut tombent et périssent devant votre face » : Exurgat Deus, et dissipentur inimici ejus; et fugiant, qui oderunt eum, à facie ejus (1). Choisissez du moins une créature que vous sanctifiiez dès son origine, dès le premier instant où elle sera animée; faites voir à notre envieux que vous pouvez prévenir son venin par la force de votre grâce; qu'il n'y a point de lieu où il puisse porter ses ténèbres infernales, d'où vous ne le chassiez par l'éclat toutpuissant de votre lumière. La bienheureuse Marie se présente fort à propos. Il sera digne de votre bonté, et digne de la grandeur d'une Mère si excel

(1) Ps. LXVII. I.

lente, que vous lui fassiez ressentir les effets d'une protection spéciale.

Chers Frères, que vous en semble? que pensezvous de cette doctrine? Vous paroît-elle pas bien plausible? Pour moi, quand je considère le sauveur Jésus, notre amour et notre espérance, entre les bras de la sainte Vierge, ou suçant son lait virginal, ou se reposant doucement sur son sein, ou enclos dans ses chastes entrailles : mais je m'arrête à cette dernière pensée, elle convient beaucoup mieux à ce temps; dans peu de jours nous célébrerons la nativité du Sauveur; et nous le considérons à présent dans les entrailles de sa sainte Mère : quand donc je regarde l'Incompréhensible ainsi renfermé, et cette immensité comme raccourcie; quand je vois mon libérateur dans cette étroite et volontaire prison, je dis quelquefois à part moi : Se pourroit-il bien faire que Dieu eût voulu abandonner au diable, quand ce n'auroit été qu'un moment, ce temple sacré qu'il destinoit à son Fils, ce saint tabernacle où il prendra un si long et si admirable repos, ce lit virginal où il célébrera des noces toutes spirituelles avec notre nature? C'est ainsi que je me parle à moimême. Puis me retournant au Sauveur : Bénit Enfant, lui dis-je, ne le souffrez pas, ne permettez pas que votre Mère soit violée. Ah! que si Satan l'osoit aborder pendant que demeurant en elle vous y faites un paradis, que de foudres vous feriez tomber sur sa tête! Avec quelle jalousie vous défendriez l'honneur et l'innocence de votre Mère! Mais, ô bénit Enfant, par qui les siècles ont été faits, vous êtes devant tous les temps. Quand votre Mère fut conçue,

vous la regardiez du plus haut des cieux; mais vousmême vous formiez ses membres. C'est vous qui inspirâtes ce souffle de vie qui anima cette chair dont la vôtre devoit être tirée. Ah! prenez garde, ô Sagesse éternelle, que dans ce même moment elle va être infectée d'un horrible péché, elle va être en la possession de Satan. Détournez ce malheur par votre bonté; commencez à honorer votre Mère; faites qu'il lui profite d'avoir un Fils qui est devant elle. Car enfin, à bien prendre les choses, elle est déjà votre mère, et déjà vous êtes son fils.

Fidèles, cette parole est-elle bien véritable? Estce point un excès de zèle qui nous fait avancer une proposition si hardie? Non certes : elle est déjà mère, le Fils de Dieu est déjà son fils. Il l'est, non point en effet, non selon la révolution des choses humaines, mais selon l'ordre de Dieu, selon sa prédestination éternelle. Suivez, s'il vous plaît, ma pensée.

Quand Dieu dans son secret conseil a résolu quelque événement, long-temps devant qu'il paroisse, l'Ecriture a accoutumé d'en parler comme d'une chose déjà accomplie. Par exemple : « Un petit En» fant nous est né, disoit autrefois Isaïe (1), parlant de >> notre Seigneur, et un Fils nous a été donné ». Que veut-il dire, mes Frères? Jésus-Christ n'étoit pas né de son temps. Mais ce saint homme considéroit qu'il n'en étoit pas de Dieu ainsi que des hommes, qui font tant de projets inutiles; au contraire, que sa volonté a un effet infaillible et inévitable. Ainsi

ayant pénétré, par les lumières d'en-haut, dans ce

(1) Isai. 1x. 6.

grand

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