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Ecrase les épis mûris dans le vallon,

Et la bruyante usine, où gronde la tourmente,
Et ses mille fourneaux, dont la bouche fumante,
Respire en mugissant la flamme et l'aquilon.

Les voilà ces vergers dont les arbres sans nombre
Revêtent au printemps de si riches couleurs !
Avant de les parer de leur feuillage sombre
Mai blanchit leurs rameaux d'une neige de fleurs ;
Et quand juin y suspend en guirlandes vermeilles
Ces beaux fruits dont Mouthier tire un brûlant nectar,
Sur les rives on voit, comme un essaim d'abeilles,
Vierges et blonds enfants en remplir leurs corbeilles
Et les pâtres joyeux en couronner leur char.

Mais suivez ce vallon et vous verrez encore
Ces donjons, ces manoirs autrefois si hantés,
Qui, se dorant aux feux du soir ou de l'aurore,
S'illuminaient, la nuit, de magiques clartés;
Vous verrez des cités, des bourgades antiques,
Vous verrez des hameaux pleins d'ombre, de fraîcheur,
Avec leurs toits fumants, leurs chaumines rustiques,
Qui se groupent autour de leurs clochers gothiques
Comme un troupeau timide autour de son pasteur.

Ici, c'est Hautepierre, aux cimes éternelles,
Suspendant aux rochers ses sentiers tortueux;
Lods s'endormant au bruit de quatre cascatelles
Qui jettent à ses pieds leurs flots impétueux ;
Là, l'heureux Vuillafans, que le pampre couronne,
Si fier, chaque printemps, de ses vergers fleuris,
Et de ce vin doré que le coteau lui donne,
Et qu'un pressoir tardif exprime après l'automne,
Des grains délicieux que l'hiver a mûris.

Là, dans ces frais bosquets où respire la brise, C'est Montgesoye, aux pieds de sa modeste église, D'où l'airain matinal éveille le hameau ;

Et là-bas c'est Ornans, dans sa vallée ombreuse, Ornans, blanche cité, qui semble une baigneuse, Assise sur la rive et se mirant dans l'eau.

Plus loin, c'est Scey, le beau village,

Qui semble dans les prés un indolent faucheur,
C'est Cléron qui sourit dans sou nid de feuillage,
C'est Chenecey, qui sur la plage,
Etend, chaque matin, ses filets de pêcheur !

Mais déjà voyez-vous s'abaisser les montagnes?
Ici commencent les campagnes

Avec leur riant appareil,

Leurs moissons ondulant sous une molle haleine, Et leurs riches coteaux étalant dans la plaine Leur robe de pampre au soleil.

IV.

Mais c'est la nuit surtout, la nuit sereine et pure Qui donne à ces beaux lieux leur sublime beauté; Et c'est surtout ici que la nature

Repose en son sommeil pleine de majesté :

Alors, si l'on en croit les contes des veillées,

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Ces cascades, ces bois, ces roches désolées,
Dans l'ombre se peuplaient d'êtres mystérieux.

Il en était partout: près des tours, des portiques

De la vieille abbaye ou du sombre manoir,
Et dans les plis flottants des brumes fantastiques
Qu'on voit, au fond du val, errer après le soir;
A cette heure, où la lune argentait les collines,
Où du beffroi lointain mourait le dernier bruit,
Plus d'un pâtre crut voir les folâtres ondines
Et les chœurs gracieux des sylphides badines
Sur les eaux voltiger aux brises de la nuit.

V.

O Loue aux flots d'azur, nymphe de ma patrie,
Non, rien ne t'égale à mes yeux !

J'aime mieux ton onde chérie

Qu'un fleuve plus superbe crrant sous d'autres cieux !
Et pourtant de nos jours, sur ta rive charmante,
Près de ta cascade écumante,

Hélas! voit-on s'asseoir ou barde ou ménestrel ?
Toi, la fille du Doubs, on te connaît à peine !...
Vaucluse n'est qu'une fontaine,

Et son renom est immortel!

Mais s'il est parmi nous des fils de l'harmonie,
Dont les lyres pour toi n'eurent jamais d'accords,
Moi, j'ai chanté ton nom, nymphe de Séquanie,
A l'ombre des forêts qui pendent sur les bords!

M. le président fait connaître que l'auteur de cette pièce est M. Louis PIOCHE, de Besançon. Ce nom est accueilli par de vifs applaudissements.

RAPPORT

SUR

LE CONCOURS D'HISTOIRE,

PAR M. L'ABBÉ BESSON.

MESSIEURS,

De tous les concours de l'année, celui d'histoire est le moins brillant; de tous les rapports qui vous sont soumis, le mien doit par conséquent être le plus court. D'ailleurs, au lieu de décerner des couronnes, votre commission n'a que des conseils à donner. C'est une raison de plus pour abréger sa tâche. Elle a, beaucoup moins que ne l'ont pu penser certains écrivains, froissés par ses jugements, le goût des sentences rigoureuses; elle tient compte, dans ses appréciations, de tous les embarras et de tous les obstacles; et, pour peu qu'on lui eût donné la facilité de le faire, elle eût été bien plus disposée à l'indulgence qu'à la sévérité.

Faisons d'abord observer que le zèle le plus sincère et le plus vif pour vos concours ne saurait tenir lieu ni de science ni de talent. C'est le regret que nous a inspiré la lecture d'un Mémoire sur l'abbaye de Montigny-lesDames. Nous avons cru reconnaître dans l'auteur de cet écrit, un concurrent déjà nommé dans les concours pré

cédents pour deux notices l'une sur le château de Vesoul, l'autre sur le prieuré de Malfroy. Nous ne demandions pas mieux que de le récompenser aujourd'hui par une distinction plus honorable que les deux premières. Le choix du sujet nous faisait espérer, sinon des découvertes historiques, du moins un récit curieux et animé. Malheureusement l'ouvrage est plutôt un mémoire sur procès qu'une histoire; il a le mérite de l'exactitude, mais non celui de l'intérêt ; enfin les citations un peu étranges qui sont mêlées au sujet, loin de rendre cette composition plus lisible, surprennent plutôt qu'elles ne charment, et ne se fondent presque jamais avec le récit. L'auteur est assez modeste : « Loin » de nous, dit-il, la pensée de croire notre travail exempt de défauts, plein de vie et de couleurs. Pour » le rendre plus intéressant, il aurait fallu plus de moyens que le ciel ne nous en a départi. Daigne » l'Académie de Besançon, malgré l'imperfection de »notre mise en œuvre, laisser tomber un regard de » bienveillance sur ces pauvres pages que nous avons >> écrites pour charmer nos loisirs et pour perpétuer le » souvenir d'une abbaye fondée en l'honneur de Dieu, » de sa douce mère, de monseigneur saint François, » et de madame sainte Claire. » L'Académie a été très édifiée de ces pieux sentiments; mais elle aurait voulu que le concurrent fit plus d'honneur à son sujet.

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Il nous reste à vous rendre compte d'un Mémoire sur l'église et le couvent de Sellières. Cette composition, qui porte pour épigraphe : Le travail est une mine d'or inėpuisable, ne manque pas d'intérêt, mais on y trouve

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