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l'Académie française, et M. Charles de Bernard, l'un des plus illustres de nos romanciers. Tous trois ont été l'objet d'éloges publics que je me garderai bien d'affaiblir en les répétant; leurs noms d'ailleurs sont populaires. Qui n'a lu, qui n'a admiré les romans si spirituels, si vrais, si attachants de M. de Bernard? Qui n'a connu la réputation de Marjolin? elle égalait celle des plus fameux praticiens, l'Europe entière le consultait; mais ce que je dois constater ici à son honneur, c'était sa prédilection, sa générosité pour les Francs-Comtois. On est heureux de penser qu'à l'exemple de tous nos compatriotes illustres, Marjolin se souvenait avec joie de son pays natal.

Il est vrai qu'en fait de patriotisme, personne n'a surpassé, et que bien peu ont égalé M. Droz. Chacun de nous se rappelle les douces jouissances qu'il éprouvait à se retrouver au milieu de nous, dans sa chère ville de Besançon; avec quel zèle il a protégé, encouragé et dirigé les pensionnaires Suard, dont vous l'aviez nommé le tuteur, et dont il s'était fait le père.

Mais détournons nos regards de ces tristes sujets. Que la pensée aux morts ne nous fasse pas oublier combien notre province a été jusqu'ici prompte à réparer ses pertes. Nous avons eu le bonheur de trouver dans M. Pouillet l'homme qui pouvait le mieux, par son talent, sa réputation, son dévouement au pays, remplacer M. Droz dans les fonctions si délicates de protecteur de nos pensionnaires. Nos dernières élections nous ont aussi donné de précieux renforts : vos rangs se sont ouverts à M. l'abbé Guerrin, dont tout le diocèse

connaît les vertus, et dont tous les prêtres ont pu apprécier le goût et l'érudition littéraires; à M. Michelle, notre ancien recteur, que son mérite a placé à la tête de l'école normale supérieure; à M. l'avocat-général Blanc, qui a déjà donné tant de preuves de son talent comme orateur et comme écrivain; à M. l'abbé Gaume, auteur de l'important ouvrage : Les Trois Rome, et de plusieurs publications théologiques et littéraires; enfin à M. Mauvais, qui siégeait à l'Institut avant d'occuper une place dans cette Académie.

Si nous avons eu rarement tant de pertes à déplorer, rarement l'Académie avait obtenu d'aussi nombreuses, d'aussi flatteuses distinctions. Deux de nos confrères, M. Weiss et M. le docteur Bonnet, ont reçu du président de la République ce signe du mérite qui décore si bien les poitrines dignes de le porter. Le roi de Danemarck a envoyé à M. Mauvais une de ces médailles d'or qu'on n'accorde dans ces lointains pays que pour des découvertes scientifiques éclatantes. M. Gardaire a pris la place qui lui revenait de droit à la tête de l'instruction publique dans ce département; et M. l'abbé Besson, qui joint à son double talent d'écrivain et d'historien un tact et une activité rares, a été chargé de diriger le nouvel établissement d'éducation qui, dans des mains aussi habiles et aussi sages, ne saura rivaliser avec le lycée que par son dévouement aux grands intérêts de la jeunesse.

M. de Montalembert, qu'une double adoption a rendu notre compatriote, vient de remplacer M. Droz à l'Acamie française, comme si l'illustre compagnie n'eût pas

voulu que l'héritage d'un Franc-Comtois passât en des mains étrangères.

Enfin, ce qui a été pour l'Académie le plus insigne honneur, deux de ses membres, le vénérable prélat que la Providence a mis à la tête de notre diocèse, et le savant archevêque de Reims, ont dû à leur mérite d'être élevés à l'éminente dignité de princes de l'Eglise. La Franche-Comté en a été doublement fière, et vous n'avez pas été les derniers, Messieurs, à vous associer à son légitime orgueil.

Malgré la rigueur et la stérilité des temps, tout n'est donc pas mauvais dans une époque où le talent et la vertu conduisent aux plus hautes distinctions, où le fils de l'humble laboureur peut revêtir, aux applaudissements de la France, cette pourpre romaine qui jadis semblait l'apanage exclusif d'une noble et antique origine. Il y a là pour tous une pensée consolante, et pour le mérite qui lutte contre les obstacles, un éloquent exemple!

PROJET DE DESCENTE EN ANGLETERRE.

ULM ET AUSTERLITZ,

FRAGMENT

D'UNE HISTOIRE INÉDITE DE NAPOLÉON,
Par M. MARTIN, de Gray (1).

Napoléon, dans son camp de Boulogne, veille aux derniers préparatifs de la descente, et se croit au moment de porter un coup mortel à l'Angleterre. Suivant son plan, Latouche-Tréville, le plus habile de ses ami

(1) M. Guenard a fait précéder la lecture de cet extrait, des paroles suivantes :

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Notre vénérable confrère, M. Martin, dont le grand âge n'affaiblit point l'activité, nous a communiqué un nouveau fragment de son histoire de Napoléon, ouvrage auquel il consacre, depuis douze ans, ses loisirs avec une louable persévé

rance.

>> Ce sont des conseils que sa modestie vous demande; mais l'auteur n'en a pas besoin, et vous n'avez, Messieurs, que des éloges à donner à la sagesse de ses aperçus, à la droiture de ses principes, et à la pureté de son style, formé sur celui des grands modèles.

» Le fragment historique, dont je vais vous donner lecture,

raux, commandant la flotte de Toulon, devait, après avoir trompé Nelson par l'apparence d'une nouvelle expédition d'Egypte, cingler vers le détroit de Gibraltar, rallier dans le golfe de Gascogne la division de Rochefort, et se porter dans la Manche. Gantheaume, qui commandait l'escadre de Brest, seconderait cette grande manœuvre. Déjà Napoléon avait écrit à LatoucheTréville « Soyons maîtres du détroit six heures, et nous sommes maîtres du monde. » Mais la mort de cet illustre amiral, qui périt d'une maladie contractée à Saint-Domingue, vint tout changer. L'Empereur se vit forcé d'ajourner l'expédition, parce qu'on était à la fin de l'été, et il lui fallut, pour une campagne d'hiver, imaginer un autre plan que diverses contrariétés firent

encore avorter.

Ce fut pendant ses voyages en Belgique et en Italie, au milieu de ses travaux et de ses triomphes, qu'il conçut un troisième plan admirablement combiné. Trois flottes expéditionnaires, celle de Rochefort, composée de six vaisseaux et de quatre frégates, commandée par le contre-amiral Missiessy, celle de Gantheaume à Brest, forte de vingt-un vaisseaux, et la troisième, stationnée à Toulon sous les ordres de Villeneuve, for

contient le rapide récit du désastre de notre flotte à Trafalgar, et celui de l'entrée triomphale de l'armée française dans la capitale de l'Autriche.

Vous avez pu, Messieurs, apprécier le mérite de ce morceau dans une de vos séances particulières, et vous espérez qu'il ne sera pas moins bien accueilli du public d'élite qui honore de sa présence votre solennité.

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