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en français, où nous disons chien et chenIl, pied et péd Alepéd Estre, ciel et cél Este, miel et mélasse, etc.

5o On peut voir maintenant pourquoi eu qui a succédé à l'ancienne forme uè se trouve si souvent opposée dans des syllabes toniques à ou du primitif: preuve-prouver, jeujouer, væu-vouer, nœud-nouer, aveu-avouer, feu-affouage, cœur (I. cuvre) courage, mœurs-moral, neuf-nouveau, bœuf-bouvier, meuble-mobilier, heure-horaire, etc. Voilà des principes qui semblent acquis à la grammaire française.

:

Nous n'avons pas vu que l'ou fût inséré en français comme ailleurs. Ne pourrait-on pas l'y trouver cependant? ne s'y trouverait-il pas déguisé? Je le crois le son oi n'est pas autre chose que ouè, oua, avec l'ou emphatique : 1o il a la même prononciation; 2° il s'est souvent écrit oué : mirouer, abreuvouer, et il n'y a pas longtemps que boîte s'écrivait boëte; 3° oi inusité dans la plupart de nos provinces, était plus spécialement propre anx régions en deçà de Paris, de qui le français a pu l'emprunter (voy. Sermons français de saint Bernard); 4° on trouve dans la vieille langue française des oi qui ne sont pas notre oi actuel, et qui répondent nécessairement à une forme en ouè boiche, moiche, toiche, bouche, mouche, touche, etc., que nos patois énoncent encore: bouèche, mouèche, touèche, etc. Au surplus, je laisse ce fait à l'appréciation des savants.

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CONCLUSION.

On voit, d'après les rapprochements que j'ai faits : 1° Que notre idiome, quant au fond des mots, n'a rien de fortuit, et tient aux autres langues;

2° Que la Franche-Comté est partagée, quant au

langage, en deux sections distinctes, l'une appartenant à l'ancienne langue d'Oil, l'autre à la langue d'Oc;

3° Que la branche de cet idiome, qui tient à la langue d'Oc, ressemble moins au français qu'aux autres langues romanes;

4° Qu'outre des articulations propres, et plusieurs autres qu'on retrouve en Italien, en Espagnol, en Portugais, elle a une vocalisation variée comme les autres idiomes romans; des déclinaisons identiques avec celles de l'Italien; des formes verbales tout italiennes, espagnoles, languedociennes ; la même prosodie, etc.

Accessoirement on a pu conclure encore que l'étude des patois, faite avec les vues élevées de la Philologie, peut avancer celle des langues, jeter le plus grand jour sur la grammaire générale des idiomes néo-latins, et particulièrement sur la grammaire française, etc.

Ce travail n'est qu'un exposé rapide, qui, s'il était complété, mettrait encore en évidence une foule de faits importants. Quelque restreint qu'il soit, il donnera du moins une idée de ce qu'est notre langue populaire. Plus tard, j'espère la présenter sous toutes ses faces, dans un ouvrage dont celui-ci n'est qu'un spécimen.

Daigne l'Académie agréer ce premier essai! Daignent mes compatriotes attacher quelque intérêt à ces pages qui leur révèlent les mystéres de leur langue, demeurée inconnue jusqu'à ce jour.

Puisse la méthode comparative, que j'ai adoptée, s'appliquer désormais aux Patois comme elle a été appliquée aux langues par les Bopp, les Pott, etc.! Alors des études profondes apporteront à la linguistique des

lumières aussi vives qu'inattendues. Alors les patois prendront définitivement et glorieusement leur place dans l'étude des langues. Alors (et il en est temps, car les patois s'altèrent) les hommes qui se livrent à ce genre de travail seront encouragés, au lieu d'avoir à lutter contre des préjugés dédaigneux plus encore que contre la difficulté de leur œuvre. Alors, et j'ai la confiance que je le prouverai bientôt, on verra que ces recherches, si peu appréciées aujourd'hui encore, peuvent amener de précieuses révélations sur la langue française, dont les formes actuelles, tant irrégulières que régulières, seront toutes expliquées et jugées d'après des faits incontestables qui en donneront la raison première, et feront connaître à chacun le pourquoi de ce qu'il a appris si machinalement dans nos désolantes grammaires.

AVERTISSEMENT.

A défaut de caractères propres, j'ai laissé le n espagnol sans le signe qui le distingue, en avertissant de le mouiller ou de le prononcer comme gn français. — Dans la transcription des mots sanskrits, j'ai par la mème raison, omis quelquefois les points qui se placent sous d, t, r, et remplacé par h comme Pott le fait, les accents ou les esprits qui s'accolent d'ordinaire à certaines consonnes.

J'ai été réduit à employer des abréviations qui fatiguent toujours. Le lecteur, avec un peu d'attention, ne pourra pas s'égarer. Il rectifiera de lui-même les fautes légères qui ont pu échapper dans un travail de composition aussi difficile. Du reste, les textes proprement dits, dont la correction est surtout importante, sont sûrs.

On pourra remarquer quelques inconsistances dans l'orthographe, par exemple, k ou q employés pour c dur devant un e ou un i. Je n'ai pu présenter un chapitre et un plan sur l'orthographe, qu'il est si

difficile d'harmoniser d'un côté avec la prononciation, de l'autre avec l'étymologie, deux choses nécessaires pour qu'elle soit vraiment bonne. Je ne me suis fait aucune peine de ces variantes peu essentielles, quoi qu'à l'avenir je doive me fixer.

ERRATA.

Page 172, ligne 19, au lieu de masse, lisez mufle.

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SEANCE PUBLIQUE DU 24 AOUT 1850.

Président annuel,

M. VIANCIN.

DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT.

MESSIEURS,

A côté du souvenir viennent se placer la consolation et l'espérance. Si je n'ai pas craint d'assombrir votre dernière solennité en vous retraçant les ravages multipliés que, durant les vingt dernières années, la mort a faits dans les rangs de l'Académie, je pourrais aujourd'hui faire succéder à cette funèbre peinture un tableau tout rayonnant de vie, en faisant remarquer par combien d'heureux choix vos pertes ont été réparées. Mais si, malgré mes efforts pour abréger la revue nécrologique dont j'ai fait la matière de mon dernier tribut à cette compagnie, je n'ai pu me renfermer assez dans les bornes d'une lecture académique, je m'exposerais au même danger si j'entreprenais de signaler, autant qu'elles en sont dignes, toutes vos récentes conquêtes. On nous pardonne encore de longs développe

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