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nécessairement que le porteur qui se serait mis en règle, par un Protêt fait et dénoncé en temps utile, serait sans recours contre le tireur, si celui-ci prouvait que la personne sur qui la lettre de change était tirée, avait provision ou était redevable; et assurément c'est bien ici le cas de dire: falsum consequens, ergò et antecedens.

»Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête des demandeurs et de les condamner à l'amende de 150 francs envers le trésor public

».

Par arrêt du 23 thermidor an 10, au rapport de M. Boyer,

« Attendu que, d'après l'art. 16 du tit. 5 de l'ordonnance du commerce de 1673, les veuve et héritiers de Pierre Semm, pour être admis à opposer contre la demande de Meyer Gotschler, le défaut de Protêt et de notification d'icelui à Pierrre Semm, dans les délais voulus par les art. 4 et 13 du même titre, étaient obligés de prouver que Violant était redevable dudit Semm, ou avait provision, au temps où les traites dont il s'agit, avaient dû être protestées; et que les juges ont décidé, en fait, que les veuve et héritiers Semm n'avaient aucunement fait cette preuve, ce qui les rendait non-recevables à exciper de l'inobservation desdits délais;

» Le tribunal rejette le pourvoi......». V. l'arrêt de la section civile, du 25 prairial an 10, rapporté dans le §. suivant.

§. V. La disposition de l'art. 16 du tit. 5 de l'ordonnance de 1673, dont il est question dans le §. précédent, pouvait elle être opposée à des endosseurs qui n'étaient pas en même temps tireurs?

Pourquoi non? Cependant la cour d'appel de Bruxelles a jugé le contraire, le 21 vendémiaire an 9, en faveur de Foilquin-Pierron, et au désavantage de Botte.

Dans le fait, une lettre de change tirée de Hambourg, par Martin Meyer, à l'ordre de Sine, Mallet et compagnie, sur Raux, Fournel et compagnie, à Paris, avait été transportée à Botte par Foilquin-Pierron, en paiement d'une somme de 1,400 francs qu'il lui devait.

Cette lettre de change avait été protestée six jours trop tard. Mais le Protêt contenait la déclaration de Raux, Fournel et compagnie, qu'ils n'avaient reçu aucuns fonds du tireur.

Sur l'assignation en remboursement donnée par Botte à Foilquin-Pierron, devant le tribunal de commerce de Gand, fin de non recevoir opposée par celui-ci, sur ce que le TOME XII.

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Protêt n'avait pas été fait en temps utile. Sommation de la part de Botte à Foilquin. Pierron, de prouver que Raux, Fournel et compagnie avaient provision ou étaient redevables à l'époque où le Protêt eût dû être fait.

Jugement qui, sans avoir égard à cette sommation, déclare Botte non-recevable.

Appel. L'arrêt cité confirme le jugement du tribunal de commerce, « attendu que l'art. » 16 du tit. 5 de l'ordonnance de 1673 n'est point applicable à l'espèce, cet article ne parlant que des tireurs qui sont en même temps endosseurs ».

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Mais sur le recours de Botte à la cour de cassation, arrêt du 25 prairial an 10, au rapport de M. Oudot, par lequel,

« Vu les art. 14, 15 et 16 du tit. 5 de l'ordonnance de 1673.

» Attendu que les endosseurs représentent le tireur, et que l'art. 16 ci-dessus cité porte que les tireurs ou endosseurs seront tenus de prouver, en cas de dénégation, qu'il y avait provision chez ceux sur qui étaient tirées les lettres de change protestées à tard;

» Attendu qu'il résulte du jugement attaqué. que le demandeur s'est prévalu de ce que le payeur de la lettre de change n'avait point de fonds au tireur, ce qui résulte de la réponse qui a été faite lors du Protêt; que le défendeur n'ayant pas demandé à prouver le contraire, il devait, aux termes de l'art. 16 du tit. 5 de l'ordonnance de 1673, être tenu de garantir le demandeur;

» Attendu qu'en jugeant le contraire, le tribunal d'appel de Bruxelles a faussement appliqué les art. 14 et 15 du tit. 5, et qu'il a contrevenu à l'art. 16 du même titre de la même loi;

» Le tribunal casse et annulle... ».

Il a été rendu un arrêt semblable, le 14 thermidor an 11, en faveur de J.-B. Mercken, demandeur en cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, du 19 brumaire an 10.

§. VI. 10 Le défaut de dénonciation de Protét à temps, peut-il être opposé par la caution pure et simple du paiement d'une lettre de change?

2o Peut-il l'être par le donneur d'aval? 3o Le peut-il, lorsque l'aval est renfermé dans un acte séparé de la lettre de change?

4o Le peut-il, lorsque l'acte contenant l'aval, porte qu'il vaudra comme endos.

sement?

V. l'article Aval, §. 1 et 2.

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§. VII. 10 Sous le Code de commerce, le porteur d'une lettre de change tirée sur Lyon, qui n'en a reçu l'endossement à Orange, ville distante de Lyon de 54 lieues, que le jour même de l'échéance, et par conséquent la veille du jour fixẻ pour le Protét, est-il déchu de tout recours contre son endosseur, pour n'avoir fait faire le Protét qu'après le délai déterminé par la loi?

2o Sous le même Code, le porteur d'une lettre de change non acceptée, qui l'a fait protester trop tard, a-t-il une action en garantie contre les endosseurs qui ne prouvent pas qu'il y a eu provision ?

Le 30 décembre 1808, lettre de change tirée de Naples par le sieur Caron, payable à quatrevingts jours de date à l'ordre du sieur Durony et compagnie, sur les sieurs Page, Mottet et compagnie, de Lyon.

Les sieurs Durony et compagnie endossent cette lettre de change au profit des sieurs Bordier frères, des mains desquels elle passe successivement dans celles des sieurs Gaudy fils, Monnier, S. Privast et Volan cadet.

Le 20 mars 1809, jour de l'échéance de la lettre de change, le sieur Volan cadet la transporte, par un endossement daté d'Orange, au sieur Salignon, dit Caritat, demeurant en cette ville.

Le même jour, le sieur Salignon en passe l'ordre aux sieurs Coste et compagnie, de Marseille.

Le 24 du même mois, les sieurs Coste et compagnie la transportent au sieur Familier, qui, à son tour, la transporte aux sieurs Bodin frères, de Lyon.

Le 28, les sieurs Bodin frères font protester la lettre de change, faute d'acceptation et de paiement. Les sieurs Page, Mottet et compagnie, sur qui elle est tirée, répondent au Protêt « que le tireur est en faillite, et qu'à l'échéance » comme aujourd'hui, ils n'ont reçu de lui au» cuns fonds ».

Les sieurs Bodin s'adressent à deux maisons indiquées au besoin par la lettre de change. Les chefs de ces maisons répondent « qu'ils seraient » intervenus, mais qu'ils ne le peuvent, la lettre » de change étant périmée ».

A la vue du Protêt, le sieur Salignon rembourse aux sieurs Coste et compagnie, de Mareille, le montant de la lettre de change.

Il demande le même remboursement au sieur Volan cadet, son endosseur immédiat; mais celui-ci s'y refuse.

En conséquence, assignation devant le tri

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Appel de la part du sieur Salignon, à la cour de Nîmes.

Le 11 janvier 1810, arrêt ainsi conçu :

« La cour a posé l'unique question de savoir si le sieur Salignon-Caritat n'ayant fait protester qu'après le 21 mars 1809, la traite à lui cédée par le sieur Volan, échue le 20 mars, a perdu tout recours contre celui-ci, à défaut de paiement de la part du tireur.

» La cour, considérant qu'aux termes des art. 162 et 168 du Code de commerce, le Protêt faute de paiement d'une lettre de change, doit être fait le lendemain du jour de son échéance; et qu'après ce délai, le porteur est déchu de tous droits contre les endosseurs;

» Qu'aucune exception à cette règle générale n'est admise par la loi, à raison du court intervalle de temps qu'il y a entre la cession d'une lettre de change et le jour où elle a dû être protestée ;

>> Que le sieur Salignon a reçu des mains du sieur Volan celle dont il s'agit, averti par la loi, de l'obligation qu'il avait à remplir, sous peine de déchéance de tout recours contre cet endosseur ;

» Qu'il ne peut prétendre avoir traité dans la persuasion que, lui étant impossible par les voies ordinaires et usitées dans le commerce, de faire protester à Lyon, dans la journée du 21 mars, un effet qui ne lui était cédé à Orange que le 20, il était, par cette circonstance, dispensé de faire le Protêt, et que l'on ne peut pas supposer qu'il ait voulu se soumettre à une condition impossible;

» Attendu, d'une part, que son opinion aurait été fondée sur une erreur de droit, dont il ne saurait se prévaloir pour secouer le joug de son engagement; et, de l'autre, que voulant s'assurer une garantie particulière contre son endosseur direct, il devait, s'agissant d'une dérogation à la règle générale, en exiger de lui une déclaration expresse;

» Que, de sa négligence à prendre une telle précaution, on doit induire qu'il accepta la cession de ladite lettre de change à ses risques et périls, et qu'il en fit son affaire ;

>> Que cette induction se fortifie par la dou

ble circonstance que, des faits attestés par le jugement dont est appel, il résulte suffisamment que le sieur Volan n'usa envers lui d'aucune surprise, mais lui fit observer au contraire qu'il était urgent de faire les diligences, et qu'il n'y avait pas impossibilité absolue, à raison des distances, à faire protester la lettre à Lyon le 21 mars ;

» Que, s'il n'est point à présumer que le sieur Salignon ait voulu assumer l'obligation d'accomplir cette formalité, en prenant une voie extraordinaire et inusitée dans le commerce, il est encore moins vraisemblable que le sieur Volan ait volontairement renoncé, pour s'épargner une dépense modique, au recours qu'un Protêt fait dans le temps utile, lui aurait conservé sur les précédens endosseurs, et consenti de demeurer garant de la somme importante de 4,400 francs portée en la lettre de change, pendant le long terme de cinq années qu'elle était exigible;

>> Que la maxime, impossibilium nulla obligatio, ne doit point être ici appliquée, eu égard à la possibilité où était le sieur Volan de faire remplir le préalable, en employant une voie plus prompte;

>> Attendu qu'en l'absence d'une convention formée entre les parties, pour ce cas particulier, il faut supposer qu'elles se sont respectivement référées au droit commun; et qu'il serait souverainement injuste que le sieur Salig non eût, en se chargeant de la lettre de change, privé Le sieur Volan de tout moyen de conserver sa garantie contre les endosseurs antérieurs, tandis qu'il s'en serait lui-même conservé une indéfinie envers le sieur Volan;

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Qu'enfin, le sieur Salignon ne peut tirer aucun avantage du défaut de provision dans les mains des tires, à l'époque de l'échéance, puisqu'il résulte de la réponse au Protêt faite deux, maisons de commerce de Lyon, indiquées au besoin, que, si le Protêt n'eût été tardif, elles seraient intervenues pour le paiement;

par

>> Que le tribunal d'Orange, en déclarant, dans de telles circonstances, que le sieur Salignon était déchu de tout recours envers le sieur Volan, et qu'il n'y avait, par voie de suite, lieu à statuer sur les demandes en garantie et contre-garantie successivement formées, n'a fait qu'une juste application de la loi ;

» Par ces motifs et autres énoncés au jugement du tribunal séant à Orange, du 18 mai 1809, la cour a mis et met l'appellation au néant; ordonne que sondit jugement sortira son plein et entier effet ; renvoie la cause et les parties devant ledit tribunal, pour le mettre à exécution et procéder en ce qui reste; déclare, au moyen de ce, n'y avoir lieu à statuer sur les

fins en garantie et contre-garantie respectivement prises par les parties d'Esperandieu, de Mazoyer et de Garilhe; condamne ledit Salignon en l'amende de fol appel et aux dépens »>.

Le sieur Salignon se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

« Fausse application des art. 161 et 162 du Code de commerce, en ce que le sieur Salignon était dans l'impossibilité de faire protester à Lyon, le 21 mars 1809, une lettre de change qui ne lui avait été transportée que la veille, Orange;

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Violation des art. 117, 118, 120 et 140 du même Code, en ce que l'endosseur d'une lettre de change non acceptée, ne peut se soustraire, même en cas de Protêt tardif, à l'action en garantie du porteur, que par la preuve qu'il y a eu provision à l'époque de l'échéance;

» Tels sont (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 28 juin 1810) les deux moyens de cassation que vous propose le demandeur.

» Le premier de ces deux moyens vous présente une question fort importante, celle de savoir si l'obligation imposée par la loi au porteur d'une lettre de change, de la faire protester, à défaut de paiement, le lendemain de l'échéance, cesse dans le cas où la lettre de change n'est transmise au porteur qu'à une époque où il ne lui reste plus assez de temps pour la faire parvenir autrement que par un courrier extraordinaire, au lieu où elle doit être payée.

>>> La négative serait incontestable, si l'on devait s'en tenir strictement aux art. 161 et 162 du Code de commerce.

» En effet, ces articles décident, généralement et sans exception ni réserve, l'un, que le por teur d'une lettre de change doit en exiger le paiement le jour de l'échéance; l'autre, que le refus de paiement doit être constaté, le lendemain du jour de l'échéance, par un acte que l'on nomme PROTÊT FAUTE DE PAIEMENT.

» Mais ces articles ne disposent ainsi que pour les cas ordinaires, que pour les cas où l'exécution des règles qu'ils établissent, est possible ; et appliquer ces règles aux cas où il y a impossibilité absolue de les exécuter,ce serait en faire un abus manifeste, ce serait méconnaître la grande maxime, impossibilium nulla est obligatio.

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Ainsi, une lettre de change payable aujour d'hui à Rome, est endossée aujourd'hui même à Paris, d'un ordre qui en transmet la propriété á un banquier de cette dernière ville; il est bien clair que, quelque diligence que fasse le

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porteur actuel de cette lettre de change, il ne pourra pas la faire protester demain à Rome; on ne peut donc pas supposer qu'en prenant à son compte cette lettre de change, il ait contracté, envers son endosseur, l'obligation de la faire protester dès demain; il ne perdra donc pas, faute de l'avoir fait protester demain, le recours que la loi lui accorde, à défaut de paiement, contre son endosseur.

» En sera-t-il de même si, de la ville où se trouve le porteur au moment où il reçoit la lettre de change, à la ville où la lettre de change doit être payée ou protestée, il n'y a qu'une distance susceptible d'être franchie par un courrier extraordinaire, dans l'espace de temps utile qui reste pour le Protet?

» Non, car alors il n'y a point d'impossibilité absolue, il n'y a pas même d'impossibilité morale, et par conséquent point de raison pour placer le porteur hors du droit commun. Le porteur qui prend aujourd'hui à son compte la lettre de change sujette à être protestée demain, sait que, pour la faire protester en effet, il a besoin d'une diligence extraordinaire ; il est donc censé s'obliger à cette diligence envers son endosseur ; il est donc censé contracter envers son endosseur l'engagement de répondre du défaut de cette diligence.

que s'est faite, entre le sieur Salignon et le sieur Volan, la négociation dont il s'agit; elle s'est faite entre eux personnellement. Le sieur Salignon a donc pu s'expliquer, au moment même où la lettre de change lui a été offerte, sur les difficultés qu'il éprouverait pour la faire protester dans le délai fatal; la présomption de droit est donc qu'il s'est expliqué en effet sur ces difficultés, et qu'elles sont entrées, pour quelque chose, dans les conditions de la négociation.

>> Ce n'est même pas seulement une présomption de droit, c'est encore la conséquence directe des faits particuliers à notre espèce : l'arrêt attaqué énonce formellement dans ses motifs, que, des faits attestés par le jugement dont est appel, il résulte suffisamment que le sieur Volan n'usa envers le sieur Salignon d'aucune surprise, mais lui fit observer au contraire qu'il était urgent de faire ses diligences, et qu'il n'y avait pas impossibilité absolue, à raison des distances, à faire protester la lettre à Lyon, le 21 mars.

» Le premier moyen de cassation du demandeur est donc en opposition, et avec les principes généraux de la matière, et avec les circonstances spéciales de la cause.

» Le deuxième est-il mieux fondé ? Il le serait sans contredit, s'il était ici question d'une lettre de change endossée sous l'empire de l'ordonnance du mois de mars 1673; car l'art. 16 du tit. 5 de cette ordonnance voulait que les tireurs ou endosseurs de lettres de change, même protestées trop tard, fussent tenus de prouver, en cas de dénégation, que ceux sur qui elles étaient tirées, leur étaient redevables ou avaient provision au temps qu'elles avaient dû être protestées ; et que, sinon, ils fussent tenus de les garantir.

» Et il ne faut pas croire que le jugement du tribunal de commerce de Marseille, cité par le demandeur, ait décidé le contraire. Dans cette espèce, une lettre de change payable à Montpellier, avait éte envoyée par le sieur Audiffret de Lyon, aux sieurs Emeric, frères, de Marseille; ceux-ci ne l'avaient reçue que la veille du délai fatal pour le Protêt ; et la question était de savoir si, faute de l'avoir transmise à Montpellier, par un courrier extraordinaire, à l'effet de la faire protester à temps, ils devaient en répondre. Le tribunal de com ́merce de Marseille jugea que non, et jugea très>> Mais ce n'est pas sous l'empire de l'ordonbien. Ce n'était pas des mains du sieur Audiffret nance de 1673, c'est depuis le 1er janvier que les sieurs Emeric avaient reçu la lettre de 1808, et conséquemment sous l'empire du Code change, à une époque où il n'était plus possi-sée, mais même créée, la lettre de change dont de commerce, qu'a été, non seulement endos→ ble de la faire protester à temps par la voie ordinaire; ils ne l'avaient reçue que par correspondance; on ne pouvait donc pas supposer qu'ils l'eussent prise à leur compte personnel, ils étaient donc censés ne l'avoir reçue, et n'en avoir ensuite disposé, que pour le compte du sieur Audiffret ; et comme le sieur Audiffret, qui savait, en la leur envoyant, qu'elle ne pourrait parvenir en temps utile à Montpellier que par une voie extraordinaire, ne les avaient pas autorisés à prendre pour lui cette voie, ils avaient pu et dû s'en abstenir.

» Mais ici, ce n'est point par correspondance

il s'agit.

» Nous avons donc à examiner si le Code de commerce a dérogé, sur ce point, à l'ordonnance de 1673.

» Que l'intention des rédacteurs du Code de commerce ait été d'y déroger en effet, c'est une vérité qui ne peut pas être douteuse à la lecture des discours prononcés sur cette partie de ses dispositions, par les orateurs du gouvernement et du tribunat.

» Écoutons d'abord M. Bégouen, conseiller d'état, dans l'Exposé des motifs du tit. 8 du

liv. 1er Vous remarquerez le changement apporté aux dispositions de l'art. 16 du tit. 5 de l'ordonnance de 1673. Cet article relevait, tant envers les endosseurs qu'envers le tireur, le porteur négligent, de la déchéance qu'elle avait prononcée contre lui par l'art. 15, et soumettait en conséquence les endosseurs, comme le tireur, à prouver, en cas de dénégation, que ceux sur qui la lettre était tirée, avaient provision à l'échéance. Il résulte au contraire des dispositions des art. 117 et 168 du projet de loi, qu'en cas de Protét tardivement fait par le porteur, la déchéance qu'il a encourue, est fatale et sans retour à l'égard des endosseurs. Pour établir la justice de cette disposition,il suffit de considérer que, si, d'une part, le tireur contracte l'obligation de faire trouver les fonds à l'échéance, dans le lieu où la lettre doit être payée, le porteur, de son côté,contracte non moins rigoureusement celle de se présenter à cette époque pour les recevoir. De la combinaison de ces deux obliga ́tions, dérivent les droits de tous les signataires. Si le Protét a été fait en temps utile, le porteur exerce son recours contre les endosseurs et le tireur, dans les formes et les délais prescrits; si au contraire le Protét a été tardivement fait, le porteur n'a plus d'action, ni contre le tireur ni contre les endosseurs; sa déchéance, en ce cas, était expressément prononcée par l'art. 15 de l'ordonnance. Cependant, il est de toute justice que le porteur soit relevé de cette déchéance, à l'égard du tireur, si ce dernier ne prouve pas que celui sur qui la lettre était tirée, lui était redevable ou avait provision au temps où elle aurait dû être protestée. Rien n'est plus juste à son égard; car, le tireur, en livrant la lettre de change, en a reçu la valeur; il a pris l'obligation personnelle d'en faire trouver les fonds à l'échéance, chez celui sur qui il a tiré; s'il ne l'a pas fait, le porteur ne lui a pu porter aucun préjudice

par

le retard du Protét; il profiterait au contraire très-injustement de la déchéance prononcée contre le porteur; et le montant de la lettre de change dont il aurait reçu le prix, sans le payer, serait, de sa part, un véritable vol. Il n'en est pas de même des endosseurs; et s'il est juste, si tel est le texte et le vœu de la loi, que le tireur qui justifie avoir fait la provision, soit libéré, la conséquence rigoureuse et de droit est que les endosseurs soient déchargés, sans étre astreints à faire cette preuve, parceque chacun d'eux a payé la lettre de change en l'acquérant ; parceque la garantie solidaire des endosseurs avec le tireur, est expirée le jour où le porteur a encouru la déchéance prononcée var la loi,

pour n'avoir pas rempli son obligation expresse, celle de se présenter à l'échéance; parcequ'il ne doit pas dépendre du porteur d'empirer, par son fait, la condition des endosseurs, en prolongeant indéfiniment leur garantie, prolongation qui entraînerait pour eux une augmentation de risques, puisque, pendant ce temps, leurs cédans et le tireur lui-même pourraient être tombés en faillite; parcequ'il serait injuste que l'endosseur, qui a déjà payé la lettre, qui a rempli toutes ses obligations, fút exposé à la payer une seconde fois, tandis que le porteur seul en faute serait indemne; enfin, parcequ'il n'y a aucun motif fondé de faire renaître, au préjudice des endosseurs, le titre du porteur périmé par la déchéance prononcée contre lui, et de recréer en sa faveur la solidarité des endosseurs, éteinte avec le terme de leur engagement.

» L'orateur du tribunat, M. Duveyrier, après avoir dit qu'on pourrait douter de la nécessité d'une loi nouvelle sur les lettres de change, ajoute: Trois causes importantes la rendaient indispensable: la nécessité d'abroger deux dispositions que l'expérience avait démontré étre, l'une injuste, et l'autre nuisible à la rapidité des opérations commerciales..... Les DISPOSITIONS ABROGÉES sont celles qui soumettent les endosseurs, pour profiter de la déchéance prononcée contre le porteur qui n'avait pas fait protester dans les délais, à l'obligation de prouver, comme le tireur, que la provision avait été faite ; et celle qui avait prorogé de dix jours l'échéance de toutes les lettres de change....

» Elle n'est donc pas douteuse l'intention des rédacteurs du Code de commerce, d'abroger, relativement aux endosseurs, la disposition de l'art. 16 du tit. 5 de l'ordonnance de 1673; et il ne s'agit plus que de savoir si cette intention est remplie par le texte du Code même.

» Suivant le demandeur, elle n'est remplie que pour le cas où la lettre de change protestée après le délai de la loi, avait été précédemment acceptée par celui sur qui elle était tirée. Dans ce cas, il est vrai, dit le demandeur, le Code de commerce dispense les endosseurs de la preuve qu'il y avait provision au temps où le Protêt eût dû être fait. Mais hors ce cas, le Code de commerce maintient, dans toute son intensité, la disposition de l'ordonnance de 1673.

>> Avant de comparer ce système avec le texte du Code de commerce, nous devons remarquer que, si ce système était fondé, que, si le Code de commerce ne dispensait les endosseurs de faire preuve de la provision que dans le cas où la lettre de change eût été précédemment ac

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