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ramenoit sans cesse Boileau à la correction de ses ouvrages: il étoit bien l'homme dont il avoit dit, dans sa seconde satire :

Il plaît à tout le monde, et ne sauroit se plaire.

Et tout le monde a confirmé le premier hémistiche, parceque le poëte s'est montré fidèle à la loi que lui imposoit le dernier.

Ainsi, nous avons tâché qu'il résultât de l'instruction ou de l'agrément de chacune des parties dont se devoit composer un commentaire sur les œuvres de Boileau; et que le titre de nouveau, sous lequel s'annonce notre travail, ne fût point une de ces promesses fastueusement trompeuses, qui ont à juste titre décrédité d'avance la foi des Prospectus. Le nôtre se réduit à des termes bien simples: Nous avons fait autrement que nos prédécesseurs; avons-nous fait mieux ? voilà toute la question : c'est au public de la résoudre. C'est aux appréciateurs éclairés de ces sortes de travaux qu'il appartient de prononcer entre nous et Brossette, augmenté par Dumonteil, beaucoup trop abrégé par Souchay, et enfin écrasé sous le vain fatras dont l'a surchargé Saint-Marc. Si du moins ce dernier éditeur s'étoit borné à corriger Brossette, dont il trouve avec raison le style lourd et diffus; s'il s'étoit contenté de rectifier les faits quand il les juge altérés, et d'éclaircir par des remarques nouvelles ce qu'il

ne croit pas suffisamment expliqué par les notes de son devancier, on pourroit lui savoir quelque gré d'un travail qui n'eût été ni sans honneur pour lui, ni sans utilité pour le lecteur. Mais qui ne riroit de le voir s'ériger en censeur de Boileau lui-même, renouveler, à son égard, les critiques des Pradons et des Desmarets, qui pouvoient du moins trouver leur excuse dans leur motif; de l'entendre s'excuser en quelque sorte auprès du lecteur, après avoir employé deux cents mortelles pages à l'examen philologique des satires seulement et des épîtres, de n'avoir mis dans ce volume qu'une partie des remarques dont ces ouvrages auroient été susceptibles? Mais heureusement pour Boileau et pour nous, qu'arrivé à la douzième épître, l'infatigable Saint-Marc commence à se douter qu'il pourroit bien fatiguer le lecteur. Cette considération le détermine à supprimer tout ce qui lui restoit à dire ; et il passe à l'examen du récit de Théramène, qui n'occupe guère moins d'une centaine de pages, où Racine est traité à peu près comme Boileau, dans les Essais philologiques'. Les Réflexions critiques sur quelques passages de Longin ont, comme l'on sait, pour objet de réfuter les doctrines hétérodoxes exposées par Charles Perrault dans son fameux Parallèle des an

Tout ce fatras a disparu dans l'édition de Hollande, 1772, d'ailleurs encombrée d'assez d'autres inutilités.

ciens et des modernes : nouveau scandale de la part de Saint-Marc, qui prend volontiers parti pour Perrault, contre Homère, Boileau, et la raison. On lui doit néanmoins la justice qu'il se montre ici passablement versé dans la connoissance des classiques anciens et de leurs langues'; mérite qui distingue sur-tout la plupart de ses remarques sur le Traité du sublime, où, fréquemment obligé de prononcer sur les difficultés du texte, entre les savants distingués qui les avoient discutées avant lui, il fait preuve d'un rare savoir et d'une critique solide et judicieuse. C'est, sans contredit, la partie la plus estimable de son travail, et la seule dont le plan que nous avons suivi nous permettra quelquefois de faire usage.

Il y avoit donc peu de fruit en général à retirer pour nous des travaux de nos prédécesseurs : il y avoit au moins un grand choix à faire dans cet amas confus de matériaux rassemblés à des époques et par des mains différentes, et successivement accumulés, au point qu'étonné sans doute du trop nombreux cortège dont un zéle mal entendu pour sa renommée a cru devoir l'environner, Boileau lui-même se retrouveroit difficilement au milieu d'une foule importune, au moins étrangère pour lui, et dans laquelle il recon

' C'étoit le résultat des excellentes études qu'il avoit faites sous la direction du savant abbé Capperonnier (Jean), son oncle, et des célèbres professeurs de rhétorique Morin et Gibert.

noîtroit à peine son fidéle Brossette, commenté à son tour par d'autres commentateurs.

Notre premier soin a donc été de débrouiller cette espèce de chaos, et d'en dégager d'abord le texte de l'auteur, pour l'amener au degré de correction et de pureté que commandent le respect pour le nom de Boileau et l'importance de ses écrits, devenus l'une des autorités de la langue.

Nous avons pris pour base de notre travail l'édition de 1701, que Boileau appelle sa favorite (Préf., pag. 7.) parcequ'il l'avoit soignée avec une prédilection toute particulière, et qu'il la regardoit comme la dernière que son âge, alors de soixante-quatre ans, lui permît désormais de donner au public. Cependant, heureusement trompé dans son calcul à cet égard, il s'occupoit, en 1710, d'une nouvelle édition; déja même quelques feuilles étoient imprimées, lorsque la défense d'y faire entrer la satire XII sur l'Équivoque le découragea totalement, et lui fit abandonner son projet. Mais il fut repris, et heureusement exécuté en 1713, deux ans après la mort de l'auteur, par les deux plus dignes dépositaires de ses volontés, l'abbé Renaudot, et M. de Valincour. En sorte que l'on peut regarder comme publiée par Boileau lui-même, une édition pour laquelle il avoit préparé quelques corrections, et rédigé des notes marginales en plus grand nombre et un peu plus étendues que celles de

1701. Cette édition, en deux volumes grand in-4o, se distingue également par la beauté du papier, la pureté des textes, et le mérite d'une exécution typographique qui, très remarquable à cette époque, le seroit encore aujourd'hui. Elle servit de base et de modèle à-la-fois à celle que préparoit Brossette, et qui parut enfin à Genève, en 1716, accompagnée du commentaire dont il s'occupoit depuis près de vingt ans, et qui étoit le fruit de ses conversations et de sa correspondance avec l'auteur.

Tels sont les guides que nous avons particulièrement suivis dans la révision du texte que nous offrons au public, sans négliger toutefois les secours dont pouvoient nous être, et nous ont en effet été, les éditions publiées par Saint-Marc en 1747, en 1789 par Didot, et par M. Daunou en 1809. Il est presque inutile de prévenir le lecteur que le résultat de cette collation nouvelle n'a guère introduit d'autres changements dans le texte primitif, que la rectification de quelques noms propres, et une ponctuation plus rigoureusement exacte : le soin avec lequel Boileau revoyoit ses ouvrages ne laissoit d'autre mérite à ses éditeurs futurs que celui de suivre religieusement la route qu'il leur avoit tracée.

Les notes placées au-dessous de ce texte ainsi épuré ont eu pour objet principal de faire remarquer à chaque pas l'influence de Boileau sur nos destinées

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