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été semblable à moi-même dans des détails, qu'on le pardonne à la fragilité humaine. Les principes sur lesquels se fonde la société, m'ont été chers et sacrés; on me rendra cette justice de reconnaître qu'un amour sincère de la liberté respire dans mes ouvrages, que j'ai été passionné pour l'honneur et la gloire de ma patrie, que, sans envie, je n'ai jamais refusé mon admiration aux talents dans quelque parti qu'ils se soient trouvés. Me serois-je laissé trop emporter à l'ardeur de la polémique? Je m'en repens et je rends justice aux qualités que je pourrois avoir méconnues: je veux quitter le monde en ami.

PRÉFACE.

HERODOTE Commence son histoire par déclarer les motifs qui la lui ont fait entreprendre ; Tacite explique les raisons qui lui ont mis la plume à la main. Sans avoir les talents de ces historiens, je puis imiter leur exemple; je puis dire comme Hérodote que j'écris pour la gloire de ma patrie et parce que j'ai vu les maux des hommes. Plus libre que Tacite, je n'aime ni ne crains les tyrans. Désormais isolé sur la terre, n'attendant rien de mes travaux, je me trouve dans la position la plus favorable à l'indépendance de l'écrivain, puisque j'habite déjà avec les générations dont j'ai évoqué les ombres.

Les sociétés anciennes périssent; de leurs ruines sortent des sociétés nouvelles : lois, mœurs, usages, coutumes, opinions, principes mêmes, tout est changé. Une grande révolution est accomplie, une plus grande révolution se prépare: la France doit recomposer ses annales, pour

TOME I.

a

les mettre en rapport avec les progrès de l'intelligence. Dans cette nécessité d'une reconstruction sur un nouveau plan, où faut-il chercher des matériaux? Quels sont les travaux exécutés avant notre temps? Qu'y a-t-il à louer ou à blâmer dans les écrivains de l'Ancienne école historique? La Nouvelle école doit-elle être entièrement suivie, et quels sont les auteurs les plus remarquables de cette école ? Tout est-il vrai dans les théories religieuses, philosophiques et politiques du moment? Voilà ce que je me propose d'examiner dans cette préface. Je travaillois depuis bien des années à une histoire de France dont ces Études ne présenteront que l'exposition, les vues générales et les débris. Ma vie manque à mon ouvrage : sur la route où le temps m'arrête, je montre de la main aux jeunes voyageurs les pierres que j'avois entassées, le sol et le site où je voulois bâtir mon édifice.

A

ORIGINE COMMUNE DES PEUPLES DE L'EUROPE. DOCUMENTS ET HISTORIENS ÉTRANGERS CONSULTER POUR L'HISTOIRE DE FRANCE.

Les anciens avoient conçu l'histoire autrement que nous; ils la regardoient comme un simple enseignement, et, sous ce rapport, Aristote la place dans un rang inférieur à la poésie : ils attachoient peu d'importance à la vérité matérielle; pourvu qu'il y eût un fait vrai ou faux à raconter, que fait offrît un grand spectacle ou une leçon de morale et de politique, cela leur suffisoit. Délivrés de

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ces immenses lectures sous lesquelles l'imagination et la mémoire sont également écrasées, ils avoient peu de documents à consulter; leurs citations ne sont presque rien, et quand ils renvoient à une autorité, c'est presque toujours sans indication précise. Hérodote se contente de dire dans son premier livre, Clio, qu'il écrit d'après les historiens de Perse et de Phoenicie; dans son second livre, Euterpe,il parle d'après les prêtres égyptiens qui lui ont lu leurs annales. Il reproduit un vers de l'Iliade, un passage de l'Odyssée, un fragment d'Eschyle: il ne faut pas plus d'autorités à Hérodote ni à ses auditeurs des jeux Olympiques. Thucydide n'a pas une seule citation: il mentionne seulement quelques chants populaires.

Tite-Live ne s'appuie jamais d'un texte : des auteurs, des historiens rapportent; c'est sa manière de procéder. Dans sa troisième Décade, il rappelle les dires de Cintius Alimentus, prisonnier d'Annibal, et de Cælius et Valérius sur la guerre Punique.

Dans Tacite les autorités sont moins rares, quoique encore bien peu nombreuses; on n'en compte que treize de nominales, ce sont : dans le premier livre des Anmales, Pline, historien des guerres de Germanie; dans le quatrième livre, les Mémoires d'Agrippine, mère de Néron, ouvrage dont on ne sauroit trop déplorer la perte; dans le treizième livre, Fabius Rusticus, Pline l'historien, et Cluvius; dans le quatorzième, Cluvius; dans le quinzième, Pline. Dans le troisième livre des Histoires, Tacite nomme Messala et Pline, et renvoie à des Mémoires qu'il avoit entre les mains ; dans le quatrième

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