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Fiet homo, et ponet famosæ mortis amorem.
Nec satis apparet cur versus factitet: utrum
Minxerit in patrios cineres, an triste1 bidental
Moverit incestus: certe furit, ac velut ursus,
Objectos caveæ valuit si frangere clathros,
Indoctum doctumque fugat recitator acerbus.
Quem vero arripuit, tenet, occiditque legendo,
Non missura cutem, nisi plena cruoris, hirudo.

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son coup d'essai, allez! qu'on le tire de là, et vous verrez si, rendu à lui-même, il abdiquera cette manie tragique d'immortalité. Au reste, on ne sait pas trop d'où lui vient cette rage poétique. A-t-il souillé la cendre de son père? a-t-il, d'un pied sacrilége, profané la place funeste consacrée par la foudre? Le fait est qu'un démon le possède. Mais tenez, le voilà; l'ours déchaîné a rompu les barreaux de sa loge. Ignorants et savants, tous fuient ce déclamateur furibond. Malheur à qui tombe sous sa main! plus d'espoir : il faut périr sous son vers homicide; la sangsue ne lâchera prise, que gorgée du sang de sa victime.

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NOTES.

Page 2.

1. Ars poetica. Ce sont les premiers éditeurs qui ont imaginé cette dénomination assez pompeuse d'Art poétique, et l'usage a prévalu. Horace n'avait donné à son œuvre que ce titre bien plus modeste et plus vrai : Epistola ad Pisones. En effet, le poëte s'exprime souvent avec une familiarité et un abandon que la gravité du poëme didactique lui aurait interdits.

L'Épitre aux Pisons fut composée vers l'an 745 de Rome : Horace avait alors cinquante-six ans; mais il est à peu près certain qu'elle ne fut publiée qu'après la mort du poëte, survenue en 746.

-2. Lucius Pison, vainqueur des Thraces, pacificateur de la Macédoine, puis préfet de Rome, diligentissimus atque idem lenissimus securitatis urbano custos, au dire de Velléius Paterculus, était l'ami" intime d'Horace. Il avait deux fils qui partageaient son goût prononcé pour les belles-lettres, et qui, comme lui, faisaient des vers. On croit même que l'aîné avait composé une tragédie. ces trois personnages qu'est adressée cette épître.

- C'est à

Il faut dire, au reste, que cette vigilance, si vantée par Velléius, s'accorde mal avec certain témoignage assez bizarre que Sénèque a rendu de ce même Lucius Pison, en disant « qu'il ne s'enivra qu'une fois dans sa vie, parce que sa vie ne fut qu'une longue ivresse, Ebrius, ex quo semel factus est, fuit. »

3. Mulier formosa superne. Superne ne veut pas dire exactement le buste, mais seulement la téte. En adoptant la première de ces deux expressions, nous avons voulu éviter l'interminable périphrase qu'il eût fallu employer pour nous rendre intelligible.

4. Species,

imagines, en grec edn, idées.

Page 4.1. Qui pingitur. C'était un usage chez les anciens. Les malheureux qui avaient fait naufrage, sollicitaient la pitié des passants en portant, suspendu sur la poitrine, un tableau qui représentait leur infortune. On se rappelle ce vers de Perse:

Page 6.

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. 1. Potenter, κατὰ δύναμιν.

2. Et præsens in tempus omittat. Nous expliquons, dans la note suivante, les raisons qui nous ont fait adopter ce changement. Mais, pour ceux qui tiendraient absolument à la leçon vulgaire, nous rétablissons dans la même note le texte de l'édition de Quicherat. On

lira comme lui, si l'on n'est pas convaincu que la leçon de Bentley est préférable.

3. Au lieu de la leçon ordinaire, qui dit :

Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor.
In verbis etiam tenuis cautusque serendis,
Dixeris egregie, notum si callida verbum
Reddiderit junctura novum....,

adoptant la transposition à la fois si ingénieuse et si naturelle de Bentley, nous disons avec lui :

In verbis etiam tenuis cautusque serendis,
Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor....,

et le reste comme ci-dessus.

Il nous semble en effet que, de cette manière, l'obscurité disparaît entièrement. « Délicat et châtié dans l'emploi de ses mots (in verbis serendis), l'auteur d'un poëme attendu du public devra aimer telle expression, et dédaigner telle autre. » Quant au sens de promissi carminis, que l'on a traduit quelquefois : un poëme d'une certaine étendue, un poëme de longue haleine, il semble évident que promissi signifie bien un poëme attendu du public. Car enfin,

S'il est un heureux choix de mots harmonieux,

comme dit Boileau : ce choix est de rigueur partout, et quelle que soit l'étendue du poëme. N'importe le genre où l'on s'exerce, le goût, ce goût sévère, qui sait en prendre et en laisser (hoc amet, hoc sper nat), le goût est la première loi de l'écrivain :

Le style le moins noble a pourtant sa noblesse.

On peut encore remarquer, avec Bentley, que, dans ces deux vers, tels que la leçon ordinaire les voudrait, le rapprochement de verbis et de verbum, à si peu de distance l'un de l'autre, ne serait rien moins qu'élégant. Verbis et verbum, dit-il, tam propinqua repetitione meram scabiem et sordes præ se ferunt.

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Mais le vrai motif de notre préférence est celui que nous avons exposé en premier lieu. Page 8. 1. Catonis. C'est de Caton l'Ancien qu'il est question ici, celui-là même qui conduisit de Tarente à Rome le vieux poëte Ennius. On a remarqué déjà, et c'est en effet une observation assez curieuse, que les trois plus anciens poëtes latins, Livius Andronicus, Quintus Ennius, et Pacuvius, son neveu, sont tous les trois originaires de la grande Grèce : le premier était né à Tarente, le second à Rudies, près de Tarente, et le troisième à Brindes.

Page 10. — 1. Debemur morti, nos nostraque. Considérés en euxmêmes, ces vers me paraissent fort beaux, mais il ne me semble pas retrouver ici cette délicatesse de flatterie, si habituelle chez Horace; et je ne sais pas jusqu'à quel point Auguste aurait dû être charmé de

voir condamnés d'avance à une mort certaine ces travaux gigantesques, si noblement célébrés par Virgile. Ce passage fournirait, s'il en était besoin, une nouvelle preuve du caractère intime et presque confidentiel de l'Épitre aux Pisons.

2. Sterilisve diu palus, aptaque remis, etc. Il y a ici une faute de quantité véritable: la dernière syllabe de palus étant invariablement longue, comme dans virtus, tellus, etc. On corrige quelquefois de cette manière :

Sterilisve palus dudum, etc.

Mais cette correction ne se trouve dans aucun manuscrit. Bentley fait une longue dissertation pour justifier la leçon qu'il propose:

Sterilisve palus prius, etc.

Malheureusement le vers d'Horace, tel qu'il est dans toutes les éditions jusqu'à Bentley, et dans tous les manuscrits, avait été cité par Servius, Béda et Priscien. Toute l'argumentation de Bentley doit tomber devant un tel témoignage. Et pourquoi se scandaliser, d'ailleurs, qu'il ait échappé à Horace une de ces fautes si bien excusées dans ces vers dont nous invoquerons pour lui le bénéfice?

Non ego paucis

Offendar maculis, quas aut incuria fudit,

Aut humana parum cavit natura....

Page 12. - 1. Chremes, dans la pièce de Térence, intitulée l'Héau tontimorumenos.

- 2. Au lieu de la leçon ordinaire :

Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri :
Telephus et Peleus, etc.

on lit quelquefois :

Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri
Telephus aut Peleus, etc.

en supprimant les deux points après le mot pedestri, et en remplaçant la copulative et par la disjonctive aut. Cette leçon nous avait souri d'abord; mais un examen plus sérieux nous fait revenir à la première, en maintenant néanmoins le changement de et en aut. Le passage ainsi modifié nous paraît avoir le triple avantage de la symétrie, d'une clarté plus grande, et d'une relation toute naturelle avec les vers qui viennent plus bas :

Tua me infortunia lædent,
Telephe, vel Peleu, etc.

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Page 14. -1. Si vis me flere, dolendum est primum ipsi tibi. On connaît la traduction de Boileau :

Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez.

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