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d'opérations volontaires entre particuliers, telles que aliénations, constitution ou extinction de servitudes, affranchissements, émancipation des enfants, adoptions, qui se pratiquaient par une application simulée des actions de la loi. Certains jours étaient néfastes le matin et le soir seulement; dans le milieu, pendant le temps qui séparait l'immolation de la victime de l'oblation, la parole juridique était rendue aux magistrats. Ces jours se nommaient à cause de cela dies intercisi (1).

Par une figure de langage, on a appelé livres des fastes ceux qui comprenaient la description de toute l'année (2). Ovide a consacré à ce sujet un poëme. Tu y reconnaîtras, dit-il à Germanicus, les jours de culte public et ceux de vos fêtes domestiques, ceux où les trois mots doivent rester sous silence, ceux où il est permis de ranger le peuple en ses barrières (3). Au temps d'Ovide, cet arrangement et cette note attachée à chaque jour, déjà depuis trois siècles environ, étaient connus de tous; mais dans le principe, et bien longtemps encore sous la république elle-même, ils étaient restés l'œuvre cachée des pontifes et des patriciens.

43. Il existait chez les Étrusques, pour tenir et marquer d'un signe visible le compte des années, une vieille coutume qui passa chez les Romains, et qu'une loi antique avait consacrée, savoir: le premier magistrat, chaque année à une époque fixe, plan

que

(1) Ibid., § 31 : « Intercisi dies sunt per quos mane et vesperi est nefas, medio tempore inter hostiam cæsam et exta porrecta fas. » Il faut voir dans MACROBE, Saturnales, liv. 1, ch. 16, la définition de ces différents jours et de plusieurs autres espèces encore, ainsi que la relation directe qui les unissait avec les jours fériés ou non fériés (festi ou profesti).

(2) FESTUS, au mot Fastorum : « Fastorum libri appellantur, in quibus totius anni fit descriptio.

(3) OVIDE, Les Fastes, liv. 1, vers 7 et suiv, :

Sacra recognosces Annalibus eruta priscis;

Et quo sit merito quæque notata dies.
Invenies illic et festa domestica vobis.

Vers 47 et 48 :

Et vers 53:

TOME I.

Ille nefastus erit per quem tria verba silentur :
Fastus erit, per quem lege licebit agi.

Est quoque, quo populum jus est includere septis.

terait un clou aux murs d'un temple, à Rome le temple de Jupiter très-bon et très-grand. La croyance y voyait aussi une solennité expiatoire pour les années d'épidémies, de calamités publiques ou de grands crimes (1).

44. Après Numa, un espace de plus de quatre-vingt-dix années est occupé, selon la narration romaine, par les trois règnes de

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10. Nomination des rois, d'après les données de Cicéron, dans son traité de la République. Loi regia.

45. Le manuscrit de Cicéron sur la République nous a révélé, quant à la nomination de ces rois, des notions bien dignes de remarque. Cicéron ne manque jamais de répéter soigneusement pour Tullus, pour Ancus, pour Tarquin, pour Servius, ce qu'il avait dit de Numa : « Quanquam populus curiatis eum comitiis regem esse jusserat, tamen ipse de suo imperio curiatam legem tulit (2). » Il y revient, à chaque nouveau règne, avec une régularité, une identité de termes tellement constantes, qu'on est autorisé à penser qu'il puise à quelques documents publics et légaux. Voilà qui éclaircit l'origine et la nature de cette loi curiate, qui a continué à être nécessaire jusqu'aux derniers jours de la république pour donner aux magistrats, après leur élection, l'investiture de l'imperium. Cet usage a commencé même par les rois. Lorsque les curies l'ont élu, lorsque le Sénat a donné à cette élection son auctoritas, le roi lui-même fait porter la loi curiate, par laquelle il est investi de l'imperium (ci-dess., n° 27). Voilà aussi, à n'en pouvoir douter, selon nous, la lex regia, dont le nom, appliqué à l'investiture des pouvoirs de l'empereur, survécut à la haine contre la royauté, et se conserva jusque sous l'empire.

(1) FESTUS, au mot Clavus : « Clavus annalis appellabatur, qui figebatur in parietibus sacrarum ædium per annos singulos, ut per eos numerus colligeretur annorum. Voir là-dessus TITE-LIVE, liv. 7, § 3, et liv. 8, § 18.

(2) CICERON, De republ., liv. 2, §§ 13, 17, 18, 20 et 21.

11. Droit des gens, collége des Féciaux.

46. Sous les trois règnes dont nous venons de parler, l'esprit de conquête reprit sa première énergie; le territoire et les habitants de Rome furent augmentés du territoire et des habitants de quelques citės voisines. Les historiens romains rapportent, les uns à Numa, d'autres à Tullus Hostilius ou à Ancus Martius, une institution relative au droit international, celle du collège des Féciaux. La vérité est que c'était une institution répandue chez les divers peuples italiques, et que les Romains n'ont fait en cela que suivre la coutume générale. Nous voyons par divers témoignages de l'histoire qu'elle existait chez les Albains, chez les Samnites, chez les Ardéens, chez les Falisques d'Étrurie, chez les Equicoles (1).

Varron et Festus ne donnent sur le nom même de Feciales que des étymologies fort équivoques (2). Cicéron, dans son traité Des lois, indique rapidement en ces termes les attributions de ces prêtres: « Fœderum, pacis, belli, induciarum oratores, fetiales judices duo sunto; bella disceptanto. Que deux féciaux soient porteurs de paroles et juges pour les traités, la paix, la guerre, les trêves; qu'ils discutent la guerre (3). » Ainsi ces prêtres, dont le collège était composé de vingt membres pris dans les premières familles des patriciens, étaient consultés sur tous ces points du droit international. Ils intervenaient dans les traités d'alliance pour en jurer l'observation; ils étaient chargés des déclarations de guerre.

Un rite religieux, des formules sacramentelles, étaient consacrés pour chaque phase de ces négociations. Dans ceux qui s'observaient pour la conclusion d'un traité de paix, figurait comme victime un porc:

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Et cæsa jungebant fœdera porca, dit Virgile dans son Enéide (chant 8, vers 641); et Tite-Live nous

-

(1) Tire-Live, liv. 1, §§ 24 et 32; liv. 8, § 39, liv. 2, § 73. — SERVIUS, Ad Æneid., liv. 10, vers 14.

DENYS D'HALICARNASSE,

(2) VARRON, De lingua latina, liv. 5, § 86: Feciales quod fidei publicæ inter populos præerant; nam per hos fiebat ut justum conciperetur bellum, et inde desitum ut fœdere fides pacis constitueretur, »--- FESTUS, au mot Fetiales • · Fetiales a feriendo dicti, apud hos enim belli pacisque faciendæ jus est. ▾ (3) CICERON, De legibus, liv. 2, § 9.

transmet la formule d'imprécation prononcée par le fécial contre le peuple romain s'il venait à violer le traité: « Tu illo die, Jupiter, Populum Romanum sic ferito, ut ego hunc porcum hic hodie feriam.» (Liv. 1, p. 24.) Aussi l'effigie du porc avait-elle pris rang au nombre des enseignes militaires (1).— Nous trouvons également dans Tite-Live le rite observé pour les déclarations de guerre, et les diverses paroles que prononce le fécial à mesure qu'il franchit la frontière du peuple auprès duquel il est député, qu'il s'avance dans le pays, qu'il demande réparation des griefs vrais ou faux formant le motif ou le prétexte de l'attaque, que, la réparation n'étant pas accordée dans les trente-trois jours, il en réfère au Sénat de sa patrie, et qu'enfin, après que la guerre a été décidée par le Sénat, de retour sur la frontière ennemie, et lançant contre elle un javelot, il fait en ces termes la déclaration solennelle de cette guerre : « Puisque cette nation s'est permis contre le Peuple « Romain d'injustes agressions, puisque le Peuple Romain a or« donné la guerre contre elle, puisque le Sénat a proposé, décrété, arrêté cette guerre, moi, au nom du Peuple Romain, je la déclare « et je commence les hostilités (2).

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Par la suite des temps, les formes restèrent, mais la réalité disparut. On consacra près du temple de Bellone, en vue de l'extrémité du cirque, un petit champ nommé le champ ennemi. C'était là que le fécial, pour ne point perdre un temps précieux dans un voyage trop long, allait faire sa déclaration de guerre, et, du pied d'une petite colonne dont parle Ovide dans ses Fastes, il lançait contre ce champ son javelot (3).

47. Sous Ancus Martius, Niebuhr place la naissance de la plèbe, et, sur la foi d'une correction faite au manuscrit évidem

(1) FESTUS, au mot Porci: Porci effigies inter militaria signa quintum locum obtinebat, quia confecto bello, inter quos pax fiebat, ex cæsa porca fœdere firmari solet. »

(2) TITE-LIVE, liv. 1, § 32. - AULU-GELLE, liv. 16, ch. 4, nous donne aussi la même formule, avec quelques variantes. (3) OVIDE, Les Fastes, liv. 6, vers 205 et suiv. :

Prospicit a templo summum brevis area circum:
Est ibi non parvæ parva columna nota.
Hinc solet hasta manu, belli prænuntia, mitti,
In regem et gentes quum placet arma capi.

ment altéré d'un vers de Catulle (1), il voit dans cette plèbe le peuple d'Ancus, comme dans les patriciens avec leurs clients le peuple de Romulus. L'histoire reçue par les Romains rapporte, il est vrai, qu'Ancus Martius augmenta la population de Rome en y transportant, après leur défaite, plusieurs milliers de Latins, auxquels furent accordés les droits de cité; mais Ancus ne fit en cela que ce qui avait été fait avant lui, ce qui fut la politique constante de Rome dans sa première période d'accroissement; et nous voyons dans Denys d'Halicarnasse (liv. 3, § 50) que ces nouveaux habitants, reçus avec les droits de cité, furent distribués dans les curies. Il y a cela de vrai cependant que ces nouveaux citoyens, dont l'adjonction successive forma l'accroissement de la population romaine, n'étant pas rattachés tous, comme les habitants primitifs, aux gentes patriciennes par les liens de la clientèle, eurent dans la cité une position différente, ainsi que nous l'avons déjà expliqué (ci-dess., n° 16). C'est à cela qu'il faut réduire les observations de Niebuhr.

48. Ancus, toujours suivant les mêmes traditions historiques, agrandit aussi la ville; il la fortifia par un retranchement sur le Janicule, et du côté de la plaine, entre le mont Cælius et le mont Aventin, par le fossé des Quirites (fossa Quiritium); il jeta sur le Tibre, pour unir les deux rives de l'Aventin au Janicule, le premier pont qui y ait été construit, pont de bois, nommé à cause de cela pons Sublicius, d'un mot volsque désignant les poutres dont il était fait (2). Toujours entretenu, ce pont existait encore, en bois, au temps d'Auguste. Ce ne fut qu'en 731 qu'un débordement l'ayant emporté, il fut reconstruit en pierre, et prit le nom de pons Emilianus, du nom du censeur qui présida à sa recon

(1) CATULLE, hymne 34, à Diane.-La leçon généralement reçue est celle-ci : Sis quocunque placet tibi

Sancta nomine, Romulique
Antiquam, ut solita es, bona
Sospites ope gentem.

Le manuscrit porte Antique; Niebuhr adopte la correction indiquée par Scaliger, et lit Romulique Ancique, la race de Romulus et d'Ancus. Quand cela serait, il y a loin de là aux conclusions qu'il en tire.

(2) FESTUS, au mot Sublicium : « Sublicium pontem quidam putant appellatum esse a sublicibus, peculiari vocabulo Volscorum, quæ sunt tigna in latitudinem extensa.

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