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pour la troisième codification à laquelle il a donné son nom. Il est même fort à remarquer que cette troisième codification a pris, en quelque sorte, la suite des deux précédentes, ne commençant la série des constitutions qui y sont recueillies qu'à partir de Constantin (en 312), point où s'étaient arrêtés précisément les Codes Grégorien et Hermogénien (1). Le Code de Justinien, au contraire, contient un grand nombre de constitutions impériales antérieures à Constantin, et il n'y a pas à douter que la source n'en ait été, pour les compilateurs du Code de Justinien, dans les deux Codes de Grégorien et d'Hermogènien.

462. Le Code Grégorien est celui des deux dont nous possédons le plus de fragments; environ soixante et dix constitutions seulement, tandis qu'il est indubitable qu'il en devait contenir un beaucoup plus grand nombre (2). Les citations nous le présentent comme divisé par livres, dont le chiffre indiqué s'élève jusqu'à quatorze, sauf ce qui reste inconnu; et les livres subdivisés par titres, ayant chacun sa rubrique. On peut affirmer, puisque c'est le modèle sur lequel ont été construits les Codes de Théodose et de Justinien, que sous chaque titre les constitutions étaient rangées, comme en ces derniers Codes, par ordre de date. L'espace de temps embrassé par les constitutions qui nous en sont connues s'étend de l'an 196 à l'an 296: juste un siècle. La première est de l'empereur Septime Sévère, et la dernière des empereurs Dioclétien et Maximien. C'est donc après cette dernière date, dans les dernières années du règne de Dioclétien et avant celui de Constantin (de 296 à 385) que ce Code, suivant toute apparence, a été collectionné. L'auteur, Grégorien, ne nous en est connu sous aucun autre rapport, son nom ne se retrouvant plus en rien dans l'histoire du droit.

463. Les notions que nous avons sur le Code Hermogénien

(1) COD. THEOD., 1, 1, De constitutionibus principum et edictis, 5, const. Theod. et Valentin.: Ad similitudinem Gregoriani et Hermogeniani codicis, cunctas colligi constitutiones decernimus, quas Constantinus inclytus, et post eum divi Principes Nosque tulimus. »

(2) Le seul titre De nuptiis en contenait au moins trente-deux, d'après ce que nous lisons dans le passage suivant de la Collatio legum mosaïcarum et romanarum, tit. 6, ch. 5: Hanc quoque constitutionem Gregorianus, titulo De nuptiis inseruit, quæ est trigesima et secunda. ›

TOME I.

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sont encore plus incomplètes : nous en possédons à peine trentedeux constitutions; aucune indication de livres, mais seulement celle de quelques titres avec leur rubrique. Ces constitutions sont toutes du règne de Dioclétien et Maximien, Dioclétien et Constance, de 287 à 304, c'est-à-dire, en tout, dix-sept ans. Cependant on rencontre dans la Consultatio veteris jurisconsulti, au chapitre 9, sept constitutions de Valens et Valentinien (ans 364 et 365) placées sous cette rubrique, Ex corpore Hermogeniani. L'idée que le Code d'Hermogénien, pas plus que celui de Grégorien, n'a atteint l'époque de Constantin; que c'est pour le moins à cette époque qu'ont fini ces deux collections de constitutions, et qu'a commencé celle de Théodose cette idée, à laquelle nous sommes porté à donner appui, a fait considérer comme erronée la mention Ex corpore Hermogeniani; Cujas a proposé d'y substituer Ex corpore Theodosiano, et il avait placé, par conjecture, les sept constitutions en question au livre 2, tit. 9, De pactis, du Code de Théodose, mais les récentes découvertes ont démontré qu'elles ne s'y trouvent pas. Diverses hypothèses ont été hasardées pour expliquer cette présence dans le Code Hermogénien des constitutions de Valens et Valentinien, notamment qu'elles y auraient été insérées dans des éditions ou par additions postérieures. Nous sommes à ce sujet en plein champ de conjectures plus ou moins plausibles.

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464. L'existence presque simultanée de ces deux Codes de même nature a paru aussi demander quelque explication: soit que l'un, le Code Hermogénien, ait été comme un supplément à l'autre ce qui toutefois ne pourrait se prendre à la lettre, puisqu'un certain nombre de constitutions sont indiquées comme se trouvant également dans l'un et dans l'autre; soit que l'un, le Code Grégorien, ait été fait plus particulièrement pour l'Occident, et l'autre pour l'Orient; soit enfin qu'il ne faille y voir autre chose que le fait de deux jurisconsultes entrant en concours, chacun suivant sa manière de voir, sur un travail du même genre, que le point où en était arrivé le droit impérial et les besoins de l'époque suggéraient.

465. Le nom d'Hermogénien n'est pas, comme celui de Grégorien, une fois hors des deux Codes, sans autre écho dans l'histoire du droit. Nous trouvons au Digeste de Justinien, sur les par

ties les plus variées de la jurisprudence, un très-grand nombre de fragments, plus de quatre-vingt-dix, tirés d'un traité abrégé de droit, en six livres (Juris epitoma), par un jurisconsulte nommé aussi Hermogenianus. On aimerait à croire, ce qui reste douteux, que c'est là le collectionneur des constitutions impériales, l'éditeur du Code Hermogénien, et certes, s'il en est ainsi, on peut à la précision, à la netteté et à l'étendue de son abrégé du droit, le compter comme un dernier représentant de la science juridique, fort supérieur à l'état des connaissances de son époque en ce genre. Il déclare lui-même avoir suivi dans son Epitome l'ordre de l'édit perpétuel (1).

466. Parmi les essais de reconstruction des Codes Grégorien et Hermogénien et les éditions qui en ont été données, nous nous bornerons à signaler ceux de Cujas en notre seizième siècle, et de Haenel en Allemagne, en 1837 (2).

(1078-325.) CONSTANTIN (Constantinus A.).

Le triomphe du christianisme, la fondation d'une nouvelle capitale, des changements dans l'administration de l'État, signalent l'époque où Constantin commanda seul à l'empire (3).

(1) DIG., 1, 5, De statu hominum, 2, f. Hermogen..: «Ordinem edicti perpetui secuti. ›

(2) Tituli ex corpore Codicis Gregoriani et Hermogeniani, et multo plures quam prioribus editionibus haberentur; placés par J. CUJAS à la suite de son édition du Code Théodosien; Lyon, 1566, in-fol. —Codicis Gregoriani et Codicis Hermogeniani fragmenta, placés par GUSTAVE HAENEL en tête de son édition du Code Théodosien; Berlin, 1837, in-4°.

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(3) Je me plais à renvoyer, pour l'étude du droit public de cette époque, l'ouvrage de notre collègue de Dijon : Droit public et administratif romain, du ve au ve siècle (de Constantin à Justinien), par M. de SERRIGNY, professeur de droit administratif à la Faculté de Dijon; Paris, 1862, 2 vol. in-8°. Les lois en fait de religion forment le dernier livre du Cod. Théod. et le début du 1er liv. du Cod. Just. On y trouve plusieurs constitutions de Constantin, l'an 343 à 336: GOD. THÉOD., XVI, 2, De episcopis, ecclesiis, etc., sept constitutions, de 313 à 330; -5, De hæreticis, deux const., de 326; 8, De judæis, cinq const., de 315 à 335; 9, Ne christianum mancipium Judæus - et la habeat, une const., de 536; 10, De paganis, une const., de 321; fameuse const. de Gratien, Vaistinien et Théodose (1, De fide cathol., 2): . Cunctos populos, quos clementiæ nostræ regit temperamentum, in tali volumus religione versari, quam divinum Petrum apostolum tradidisse Romanis religio usque ad nunc ab ipso insinuata declarat (an 380).

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85. Le christianisme devient la religion impériale.

467. Nous avons présenté le christianisme s'étendant rapidement de sujets en sujets, de provinces en provinces; les efforts rigoureux des empereurs n'avaient fait que redoubler son élan. Constantin changea de système. Soit par modération, soit par politique, soit par conviction: César dans les Gaules, il avait défendu les chrétiens contre les persécutions; vainqueur de Maxence et de l'Occident, il leur avait accordé des faveurs ; maître de tout l'empire, il proclama leur religion. Ce fut ainsi que sa protection pour eux s'accrut avec sa fortune. Quoiqu'il n'eût pas encore reçu le baptême, Constantin professa le christianisme: la plupart des grands, la plupart des sujets suivirent son exemple. Alors s'écroula tout le droit sacré de l'ancienne Rome, toute cette partie du droit politique qui s'y rattachait, et le peu qui dans le droit civil s'y liait encore. Alors disparurent de la cour les pontifes, les flamines, les vestales, remplacés par les prêtres, les évêques (1). Alors cette division des sujets, en chrétiens et en païens, ne s'effaça point; mais, les rôles changeant, les chrétiens se trouvèrent sous la protection des lois et du gouvernement, tandis que les païens, déchus de leur rang, furent frappés de plusieurs peines et de plusieurs incapacités. A ces païens on joignit encore les hérétiques; car déjà, au berceau de l'Église chrétienne, s'élevaient sur les croyances religieuses des discussions opiniâtres, causes perpétuelles de troubles et de discordes (2).

468. Dès ce moment l'influence du christianisme sur le droit, qui n'avait été jusqu'à ce jour qu'une influence indirecte, devient plus marquée. Elle agit avec autorité. Sans amener une révolution dans les institutions publiques, ni surtout dans la législation privée, les acceptant au point où elle les trouve, cependant, en beaucoup d'objets et notamment pour tous ceux qui se rattachent au culte,

(1) Toutefois, à Rome, au cinquième siècle, Salvien (De gubernat. Dei, VI, 2) nous apprend que les consuls prenaient encore les augures.

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(2) Ce fut pour apaiser ces troubles qu'eut lieu à Nicée, en 325, la première assemblée générale connue sous le nom de Concile il s'y réunit trois cent dixhuit évêques, un grand nombre de prêtres; l'empereur y assista lui-même. On y condamna comme une hérésie les opinions d'Arius; mais on ne les éteignit pas, et longtemps encore elles étaient destinées à diviser l'empire.

elle modifie sensiblement les premières; et quant au droit privé, elle y jette un esprit et des tendances toutes nouvelles.

86. Fondation d'une nouvelle capitale.

469. Rome, perdant chaque jour ce caractère de force et de grandeur que lui donnaient jadis les hommes et les institutions, avait cessé d'être la première ville de l'empire. Les princes l'avaient délaissée, et fixant leur résidence loin de ses murs, ils avaient successivement augmenté la distance qui les séparait de cette capitale déchue. Dioclétien avait porté sa cour à Milan, tandis que son collègue faisait briller la sienne à Nicomédie. Constantin montra encore plus d'éloignement pour Rome; il n'y fit que quelques apparitions d'un moment. Enfin, resté sans rival, il voulut que sa capitale fût le centre de ses vastes États : l'Italie n'était qu'une extrémité; l'Orient se présentait plus brillant; il offrait Byzance placée sur le Bosphore, communiquant avec deux mers, s'ouvrant sur toutes les provinces. Constantin choisit cette ville, la fit rapidement agrandir, ou pour mieux dire élever, lui donna le nom de Constantinople et y transporta le siége de l'empire. Abandonnant l'Italie déshéritée, les grands, les dignitaires, les courtisans suivirent l'empereur au sein de la nouvelle capitale. Tout le luxe, toute la mollesse, toute la servilité de l'Orient parurent bientôt : le foule des valets de cour fut augmentée et remplit le palais; les eunuques se montrent au milieu d'eux; le grec devient la langue générale; les idées grandes, les souvenirs glorieux du passé n'avaient point suivi la cour sur le Bosphore; ils étaient restés aux bords du Tibre, au fond de l'Italie, où, pour contraster avec ces souvenirs, Rome n'odrait plus qu'un sénat impuissant, exilé dans des murs presque déserts. Et cependant telle est la force de l'habitude et d'une longue domination, que les noms de Rome et d'Italie restèrent dans les lois comme entourés d'une faveur spéciale; que les habitants conservèrent les droits particuliers qu'ils avaient jadis ; que les immeubles situés dans ces lieux furent longtemps encore distincts des immeubles des autres provinces et rangés dans cette classe de biens nommés res mancipi; que les empereurs enfin, pour élever Constantinople, se bornèrent à lui accorder les priviléges de Rome.

470. Il était impossible que le changement de religion et de

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