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CLAUDIUS TRYPHONINUS (fragm. 79).

A. de R. A. de J. C.

(964-211.) ANTONIN CARACALLA et GÉTA.

(965-212.) ANTONIN CARACALLA (Aurelius Antoninus Bassianus Caracalla).

C'était notre caban gaulois, le cucullus ou caracalla, dont il aimait à s'affubler et dont il faisait des largesses au peuple, qui lui avait valu ce sobriquet de Caracalla. De son nom, il était Bassien; mais officiellement on l'appelait Antonin, nom cher au peuple et aux soldats prétoriens, dont son père, Septime-Sévère, avait eu soin de le décorer.

Nous passerions sans nous arrêter les cinq années que régna ce sanguinaire Bassien, s'il n'avait rendu une constitution remarquable qui attache son nom à l'histoire des lois, par l'extension des droits de cité qu'elle accorda à tous les sujets de l'empire, et s'il n'avait apporté à l'application des lois caducaires un change ment majeur, dont l'appréciation soulève des difficultés. Avant de chercher à apprécier sa constitution sur l'extension des droits de cité, il est bon de considérer quelle était, au moment de son apparition, sous le rapport de ces droits, la condition des diverses populations et des différentes parties du territoire.

75. Droit de latinité (jus Latii) et droit italique (jus italicum)
sous les empereurs.

396. Les empereurs, dispensateurs des droits de cité, de latinité, de ceux de liberté ou d'immunité pour les villes ou pour les pays, fondateurs de colonies, créateurs de municipes, ont répandu leurs concessions au gré de leur politique, de leurs affections ou de leurs faiblesses. Claude, qui était né à Lyon; Trajan à Italica, près de Séville, furent favorables l'un aux Gaules, l'autre à l'Espagne, déjà bien traitées dans les priviléges accordés par les empereurs précédents. Néron, couronné en Achaïe, aux jeux Olympiques, pour la course des chars, malgré sa chute et son abandon de la carrière, fit don à toute cette province de la liberté,

époque; toutefois, il est certain que Papinien mourut par l'ordre de Caracalla (DION CASS., liv. 77, § 4. - SPARTIANUS, Caracall., 8. - AURELIUS VICTOR, Cas., 20, 33).

et à ses juges des droits de cité (1). Il faut lire, dans le tableau géographique que Pline trace du monde connu des Romains, la description qu'il fait des diverses parties de l'empire à l'époque où il écrivait, sous Titus. On y rencontre indiquée avec soin, pour les diverses villes des diverses provinces, la condition dans laquelle elles sont, au moyen des qualifications suivantes : Civium Romanorum (droits de cité); Latii jus ou Latinorum (droits de latinité); Latii Veteris ou Latinorum Veterum (droits de l'ancien Latium); libera, immunis, fœderata, stipendiaria (ville libre, franche d'impôt, alliée, stipendiaire), et aussi par celles de colonia, municipium, avec le nombre de chacune et la classe de droits dont elle jouit (2). Nous apprenons par lui que Vespasien donna à toute l'Espagne les droits du Latium, sans préjudice, bien entendu, des colonies, municipes ou autres villes, en grand nombre, qui y jouissaient d'une condition, plus avantageuse, soit des droits de cité, soit de ceux du vieux, Latium (3).- En sens inverse, Septime Sévère retirait aux habitants de Naplouse, en Palestine, les droits de cité, pour les punir d'avoir porté les armes en faveur de son compétiteur Niger (4).

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397. Indépendamment de son acception originaire, qui s'est appliquée évidemment, dès l'abord, à la condition du pays même (jus Latii, jus Veteris Latii), cette sorte de locution a pris, nous le savons, en jurisprudence, un caractère personnel, indiquant la condition et la capacité des personnes quant à leur participation plus ou moins étendue au droit civil romain: de telle sorte

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(1) SUÉTONE, Néron, § 24: Sed excussus curru, ac rursus repositus, quum perdurare non posset, destitit ante decursum; neque eo secius coronatus est. Decedens deinde, provinciam universam libertate donavit; simulque judices civitate romana et pecunia grandi. » - PLINE, Natur. histor., liv. 4, § 10 : Universæ Achaia libertatem Domitius Nero dedit. '(2) PLINE', \Natur. histor., liv. 3 et suiv. L'expression de jus Quiritium, comme synonyme de droit de cité appliqué aux personnes, s'y rencontre à propos de Cornelius Balbus, né à Cadix, le premier étranger à qui aient été décernés à la fois le triomphe et les droits de cité : « Uni huic omnium externo curru et Quiritium jure donato. »

(3) Ibid., liv. 3, § 4 in fine: Universe Hispaniæ Vespasianus imperator Augustus, jactatus procellis Reipublicæ, Latii jus tribuit.,

(4) Neapolitanis etiam Palæstinensibus jus civitatis tulit, quod pro Nigro diu in armis fuerant.» (SPARTIEN, Vie de Septime Sévère, § 9.)

que, chez les jurisconsultes de l'époque à laquelle nous sommes parvenus, les personnes considérées sous ce rapport sont classées unanimement et techniquement suivant cette division: citoyens (cives), latins (latini) et pérégrins (peregrini). Le caractère personnel est encore plus marqué depuis la loi JUNIA NORBANA et la création, sous la dénomination de Latins Juniens, de toute une classe d'affranchis issus de cette loi.

Le jus italicum, au contraire, n'a pas eu, dans la jurisprudence romaine, la même destinée. Il est hors de doute qu'il n'est pas entré techniquement dans la classification des personnes, comme formant en cette classification un autre terme, les Italiens (Italicí): cela ne se voit chez aucun jurisconsulte. Mais depuis la création des provinces d'une part, et d'autre part depuis l'issue de la guerre sociale, avec extension du droit civil de Rome à toute l'Italie; depuis la différence de condition si radicale entre le sol provincial et le sol italique, les expressions jus italicum ont pris, au contraire, un caractère territorial. Elles indiquent la condition d'un territoire assimilé à celui de l'Italie, sur lequel les habitants ont en conséquence le dominium ex jure Quiritium, et ne sont pas assujettis, comme les possesseurs d'un sol provincial, au payement du vectigal; territoire recevant l'application de toutes les institutions du droit civil des Romains dont les immeubles peuvent être l'objet, telles que la mancipation, l'in jure cessio, l'usucapion, et sur lequel enfin la résidence donne certains priviléges, comme par exemple ceux attachés au nombre d'enfants qu'on avait (jus liberorum), pour lesquels il fallait trois enfants à Rome, quatre dans l'Italie et cinq dans les provinces (ci-dess., tom. II, Explicat. hist. des Instit., liv. I, tit. 25, pr.). Aussi, plus tard, lorsque les empereurs byzantins veulent élever leur nouvelle capitale à la condition la plus favorisée, ils déclarent lui conférer non-seulement le droit italique, mais toutes les pré-rogatives de l'ancienne Rome (1).

398. M. de Savigny a établi d'une manière incontestable, dans des dissertations ad hoc, le caractère territorial, dont personne du reste n'a jamais pu douter, de ce Jus italicum que nous

(1) COD., 11, 20, De privilegiis urbis Constantinopolitana, 1. const. Honor. et Theodos. : « Urbs Constantinopolitana non solum juris italici, sed etiam ipsius Romæ veteris prærogativa lætetur.

TOME I.

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venons de décrire, mais ce qui reste sujet à controverse : c'est de savoir si, dans les concessions qui en étaient faites à certaines colonies ou à certaines villes, le jus italicum n'emportait par lui-même aucune conséquence pour la condition des personnes, et si réciproquement les concessions des droits du Latium, ancien ou nouveau, faites à certaines villes ou à certains pays, tout en concernant l'état des personnes, n'avaient aucune conséquence quant à la condition du territoire. Voilà ce qu'il est difficile d'établir, et ce que nous nous refusons, pour notre compte, à admettre en ce qui concerne les temps antérieurs à Caracalla. Pline, dans la description géographique qu'il fait de l'empire romain, ne signale que des villes ou des localités de peu d'importance et en petit nombre, deux dans toute l'Espagne, puis sept en Illyrie, comme ayant reçu le droit italique (1); toutes les autres, parmi lesquelles figurent les plus considérables et les plus favorisées, ne sont désignées par lui, suivant ce que nous venons de dire au no 396, qu'au moyen de ces qualifications: Civium Romanorum, Latii veteris, Latii, ou autres semblables. Or, il est difficile de penser que ces villes n'aient joui d'aucune concession relativement à leur territoire. D'un autre côté, Gaius, lorsqu'il dit que Troas, Béryte et Dyrrachium sont de droit italique, le dit au sujet des priviléges de la loi JULIA ET PAPIA. Or, ces droits se réfèrent évidemment à la capacité des personnes (2). Mais à partir de la constitution de Caracalla un profond changement s'opère, ainsi que nous allons l'expliquer, et alors il est vrai pour tout le monde de dire que le jus italicum ne peut plus avoir désormais qu'une signification exclusivement territoriale.

399. L'Italie, quoique conservant ses villes libres, municipales ou autres, finit, sous les empereurs, sans être constituée en

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(1) PLINE, Hist. natur., liv. 3, § 4: Ex colonia Accitana, Gemellenses et Libisosona cognomine Foroaugustana, quibus duabus jus Italiæ datum. › Ibid., § 25: Jus italicum habent eo conventu,... etc. (Suit la désignation de sept populations de l'Illyrie auxquelles ce droit a été concédé.) Du reste, on trouve dans les fragments de Celse, de Gaius, de Paul et d'Ulpien, insérés au Digeste, liv. 50, tit. 15, De censibus, des indications plus nombreuses de colonies, villes ou pays ayant reçu le jus italicum, postérieurement au temps de Pline pour la plupart. Cette condition n'est plus envisagée, dans ce titre du Digeste de Justinien, que sous le rapport de l'exemption du tribut. (De censibus.) (2) DIG., au titre cité, 7, fragment de Gaius.

province, par être ramenée, pour son administration générale, sous une direction centrale plus marquée, et par se rapprocher des règles uniformes du gouvernement impérial. Adrien, à l'époque à laquelle nous sommes parvenus, l'a déjà divisée en quatre juridictions confiées à des consulaires (1), qui furent plus tard remplacés par des correctores ou præsides, comme dans les provinces. Son exemption d'impôt elle-même disparut sous Maximin.

76. Colonies et municipes sous les premiers empereurs. Tables de Malaga.

400. Les colonies se sont considérablement multipliées et étendues au loin sous les premiers empereurs. Non-seulement les provinces principales, les Gaules, l'Espagne, l'Afrique, la Grèce, mais jusqu'aux contrées les plus reculées de l'empire en ont reçu. Le régime de ces colonies, ainsi que celui des municipes et des villes déclarées libres, ou fédérées, consiste toujours dans leur droit d'organisation et d'administration locales, sur le modèle général qui, sauf les variantes de détail nées des usages ou des accidents propres à chaque pays, n'a pas cessé de se propager. Il y a même ceci à noter, que, tandis que, sous le pouvoir impérial, la vie politique, quant aux affaires de l'État, s'est retirée du peuple romain, la vie municipale, avec ses comices, son petit Sénat, ses élections aux magistratures de l'endroit, s'est continuée, au loin, dans les villes des provinces.

401. Deux curieux spécimens de lois municipales du temps de Domitien ont été mis à jour récemment, par la découverte faite au mois d'octobre 1851, dans les environs de Malaga, de deux tables de bronze portant inscrits, l'une neuf articles (art. 21 à 29) de la loi municipale de Salpensa, petite ville d'Espagne aujourd'hui disparue; l'autre dix-neuf articles (art. 51 à 69) de la loi municipale de Malaga, que Pline fait figurer dans sa description géographique sous la qualité de ville fédérée (2), et qui prend, dans le monument découvert, celle de municipe. Tandis que ces deux tables ont été l'objet, en Espagne d'abord et en Allemagne ensuite,,

(1) SPARTIEN, Adrien, § 21: • Quatuor consulares per omnem Italiam judices constituit. » — J. CAPITOLIN Marc-Aurèle Antonin, § 11. Dati juridicis Italiæ consuluit, ad id exemplum quo Adrianus consulares viros reddere jura præceperat. ›

(2) PLINE, Natur. histor., liv. 3, § 3: Malaca, cum fluvio, fœderatorum. 1

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