Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

modifiant, se détruisant, comme si les sénateurs et les chevaliers luttaient et s'arrachaient tour à tour le pouvoir : (an 632) loi SEMPRONIA judiciaria, aux chevaliers; (an 648) loi prima SERVILIA jud., partage entre les deux ordres; (an 654) loi secunda SERVILIA jud., aux chevaliers; (an 663) loi LIVIA jud., partage entre les deux ordres; (an 672), sous Sylla, loi CORNELIA jud., aux sénateurs; (an 684) sous Pompée, loi AURELIA jud., et loi POMPEIA jud. (an 699), partage entre les deux ordres. Tel est le tableau mobile que présentent ces lois, auxquelles il faut joindre sans doute encore les lois JULIE judiciariæ, soit de César (an 708), soit d'Auguste (an 729).

285. Était-ce seulement l'aptitude d'être juge-juré pour les matières criminelles, ou tout à la fois pour les matières civiles et pour les matières criminelles, qui se trouvait si vivement disputée entre les deux ordres? Malgré les hésitations que quelques textes peuvent faire naître sur ce point, c'est à la dernière opinion qu'il faut s'arrêter. Sous l'empire d'Auguste cela ne fait plus question (1).

286. Au temps du monopole des sénateurs, la liste des juges-jurés est toute faite c'est la liste sénatoriale (ordo senatorius); ils sont trois cents. Mais lorsque l'aptitude passe à un autre ordre, il faut dresser une liste annuelle. Le préteur urbain en est chargé. Il le fait publiquement, au Forum, sous le serment de n'y admettre que les meilleurs citoyens (2), dans les conditions et dans le nombre prescrits. La liste dressée en est affichée sur l'album. Ce sont les judices selecti, les judices in albo relati, pour toute l'année.

En vertu de la loi AURELIA, la liste dut se composer de trois décuries (decuriæ judicum): la première de sénateurs, la seconde de chevaliers, la troisième des tribuns du trésor. Ce système de décuries, avec des variations dans leur nombre ou dans leur personnel, fut définitivement maintenu. On compta plus tard, sous Auguste quatre, sous Caligula cinq décuries, distinguées chacune

(1) Ad tres judicum decurias quartam addixit ex inferiori censu; quæ ducenariorum vocaretur, judicaretque de levibus summis. SUÉTONE, Oct., 32. AUL.-GELL., Noct. attic., 14, 2. SENEQUE, De benefic., 3, 7.

(2) Prætores urbani, qui, jurati, debent optimum quemque in selecto judices referre. CICÉR., Pro Cluent., 43.

par un nom particulier (1). L'aptitude à y être inscrit se gênéralisa et descendit jusqu'aux militaires, quel que fût leur cens, jusqu'aux citoyens plus faiblement imposés que les chevaliers (ex inferiori censu), jusqu'aux peregrini, suivant Gaius (IV, 103). Et le nombre total s'éleva successivement de trois cents à trois cent soixante, à huit cent cinquante, jusqu'à ce qu'il eût atteint, sous l'empire d'Auguste, le chiffre de quatre mille environ (2).

53. Autorité des sénatus-consultes pour la constitution du droit civil.

287. Bien que l'assertion de Théophile sur le double effet de la loi HORTENSIA, qui aurait, par une sorte de transaction, donné en même temps autorité, pour l'établissement du droit, aux plébiscites d'une part et aux sénatus-consultes de l'autre, soit isolée et qu'aucune trace ne s'en trouve dans les écrits où il est parlé de cette loi, cependant les deux idées ne laissent pas d'être en corrélation. La part du Sénat dans l'exercice du pouvoir législatif se trouvait considérablement restreinte depuis cette loi HORTENSIA N'ayant, quant aux plébiscites, à donner aucune auctoritas ni pour l'initiative des propositions ni pour la sanction finale après le vote, cette forme législative, qui devint de plus en plus employée, lui échappait presque entièrement. I en était réduit à chercher dans d'autres pouvoirs le moyen d'y intervenir à l'extraordinaire; comme lorsqu'il défendit par un sénatus-consulte au tribun L. Saturninus de porter aux comices la proposition de loi frumentaria, dont il se faisait le promoteur (en 654) : « Senatus decrevit, si eam legem ad populum ferat, adversus rempublicam videri eum facere »; et que le tribun, malgré le sénatus-consulte et malgré l'intercession de ses collègues, ayant persisté, le questeur urbain Q. Cepio, voyant là une révolte contre le Sénat, un acte contre la république, fait irruption, avec l'aide d'autres citoyens, sur la place des comices, renverse les ponts, jette au

(1) « Decuriæ quoque ipsæ pluribus discretæ nominibus fuere, tribunorum æris, et selectorum, et judicum. » PLIN., Hist. natur., 33, 7. A quoi il faut ajouter la quatrième, celle des ducenarii, citée à la note 1 de la page 229.

(2) Trois cent soixante, selon l'indication de Velleius Paterculus, 2, 76, et de PLUTARQUE, Pomp., 55; huit cent cinquante, selon celle de CICERON, Ad Attic., 8, 16; environ quatre mille, mille dans chaque décurie, sous Auguste, sclon l'indication de PLINE, Histoire natur., 33, 7.

loin les corbeilles à scrutin, et empêche la votation : ce qui suscita contre lui une accusation du crime de lèse-majesté (1). Même devant les comices par centuries il arriva plus d'une fois, en fait et contrairement aux principes, que des propositions furent portées par des magistrats sans l'autorisation préalable du Sénat. II y avait donc là une lutte politique, une perturbation des anciens pouvoirs, et il est à présumer que Théophile avait sous les yeux quelques documents juridiques, perdus depuis la compilation de Justinien à laquelle il avait travaillé, dans lesquels se trouvaient quelques réminiscences de ces lattes, et où Théophile a cru pou voir puiser son assertion.

288. Quoi qu'il en soit, Cicéron énumère, pour son époque, les sénatus-consultes au nombre des sources du droit civil, en des termes à peu près identiques à ceux qui ont passé plus tard dans les Instituts de Gaius et dans ceux de Justinien (2); et Pomponius, sans rattacher à la loi HORTENSIA, dont il vient de parler en un paragraphe précédent, cette autorité des sénatus-consultes comme source du droit, la présente comme étant intervenue postérieurement (deinde), en quelque sorte par voie de nécessité et de conséquence coutumière (necessitas ipsa curam reipublicæ ad Senatum deduxit), et d'interposition du Sénat: « Ita cœpit Senatus se interponere; et quidquid constituisset observabatur, idque jus appellabatur senatus-consultum (3). La raison qu'il en donne, qui est la difficulté d'assembler la plèbe ou le peuple, est une raison imaginée plus tard, sous l'empire; mais ce que dit Pomponius suffit pour nous convaincre qu'il n'y a jamais eu de loi attribuant au Sénat, en dehors de ses fonctions gouvernemen→ tales ou administratives, un pouvoir de législation. Si des sénatusconsultes, ce qui est incontestable, ont, dans les derniers temps de la république, statué et fait autorité sur quelques points de droit privé, cela tient à ce que ces points se liaient plus ou moins indirectement à des intérêts publics confiés à la sollicitude du

(1) CICER., Rhetorica ad Herennium, I, § 12.

(2) CICER., Topic, §5: Ut si quis jus civile dicat id esse, quod in legibus, senatus-consultis, rebus judicatis, jurisperitorum auctoritate, edictis magistratuum, more, æquitate consistit. »→→ -Comparez avec les Instituts de Gaius, I, $2, et avec ceux de Justinien, I, 2, § 3.

(3) DIG., I, 2, De origine juris, 2, § 9, fragment de Pomponius.

Sénat, ou bien au soin qu'avait pris ordinairement le Sénat d'adresser ses dispositions sous la forme d'instructions ou d'ordres donnés à des magistrats.

289. Le nombre des sénatus-consultes touchant à des questions de droit privé antérieurement à l'empire est très-restreint. Le plus saillant est celui par lequel fut introduite cette disposition, toujours maintenue depuis et existant encore dans la législation de Justinien, que l'homme libre qui, frauduleusement et afin de participer au prix, se serait laissé vendre comme esclave, ne pourrait plus réclamer la liberté. Il résulte d'un fragment de Pomponius que cette disposition est due à des sénatus-consultes; et d'un fragment de Paul, qu'elle existait déjà au temps de Quintus Mucius (1). Le sénatus-consulte dont Ulpien nous donne le dispositif, sur la possibilité de léguer l'usufruit de toutes choses qu'on a dans son patrimoine, et par conséquent des choses de consommation (2), est aussi un ancien sénatus-consulte; mais il est permis de conclure d'un passage des Topiques de Cicéron qu'il n'existait pas encore à l'époque où Cicéron écrivait ce livre (3) la date en demeure incertaine. Beaucoup plus ancien (an 577) est le sénatus-consulte par lequel le Sénat enjoignait aux magistrats devant lesquels se ferait un affranchissement par la vindicte, de faire jurer à l'affranchissant, sous peine de nullité, que cette manumission n'avait pas pour but un changement de cité (civitatis mutandæ causa manu non mittere) On voit par le récit qu'en fait Tite- Live, à quels intérêts publics, concernant les alliés latins, leur recensement et la réintégration de chacun d'eux dans sa cité, se rattachait ce sénatus-consulte (4). Plus ancien encore (an 518) est celui par lequel le Sénat, pour récompenser l'affranchie Hispala Fecenia d'avoir découvert la conjuration des Bacchanales, lui conféra, quant aux règles sur la capacité, sur le mariage et sur la tutelle, des avantages exorbitants du droit civil ordinaire et de sa condition soit comme femme, soit comme

:

(1) DIG., 40, 13, Quibus ad libert. proclam. non licet, 3 fr. Pompon. 40, 12, De liberal. caus., 23, pr. fr. Paul.

(2) DIG., 7, 5, De usufr. ear. rer. quæ usu consum., 1, f. Ulp.

(3) CICERON, Topiques, § 5.

(4) TITE-LIVE, XLI, 9.

affranchie; mais ce sénatus-consulte fut porté, comme proposition de loi, aux comices et voté par eux (1).

Il était de principe, en effet, que des sénatus-consultes ne pouvaient directement abroger le droit civil (2), et même sous l'Empire, nous voyons le Sénat, dans les innovations qu'il introduit, prendre de préférence la forme d'ordres donnés aux magistrats d'interposer leur autorité, de donner ou de refuser les actions. Les deux sénatus-consultes Velléien et Macédonien, de l'époque impériale, dont on peut lire le texte au Digeste, nous en offrent deux exemples remarquables (3).

54. Droit honoraire (jus honorarium). — Édit (Edictum) du préteur urhaiu, du préteur des étrangers, des édiles, du gouverneur provincial. (Edictum perpetuum; edictum repentinum; interdictum; edictum tralatitium. - Loi Cornelia, De edictis.

290. Voici une nouvelle branche du droit. Comment a-t-elle été reçue? Par une loi spéciale ou par l'usage? J'adopterai la dernière opinion, elle me parait la plus certaine.

En effet, de tout temps les magistrats, tels que les consuls, plus tard les préteurs, les édiles curules, les censeurs, même les tribuns de la plèbe, ont eu le droit de publier des ordres, des avis, des convocations qui se rattachaient à l'accomplissement de leur charge on nommait cela e-dicere. C'est le terme sacramentel de la magistrature romaine, Dico, qui se retrouve ici (ci-dessus, no 42).

291. Mais plus particulièrement l'usage de ce mot appartenait aux magistrats chargés de présider à quelque juridiction : à Rome, au préteur de la ville, à celui des étrangers et aux deux édiles; dans les provinces, au gouverneur : car la juridiction consistait dans la mission générale de déclarer, de dire le droit.

Or, cette déclaration du droit pouvait avoir lieu dans diverses situations jus dicere, déclarer le droit, organiser la formule dans une contestation; addicere, attribuer la propriété par une déclaration de droit; edicere, déclarer le droit par une émission

(1) TITE-LIVE, XXXIX, 19.

(2) M. MAINZ (tom. I, § 42, not. 9) fait voir que le prétendu droit d'abroger les lois, attribué au Sénat par Asconius, n'est autre chose que le droit d'en contester la force obligatoire.

(3) DIG., 14, 6, De sen. cons. Macedoniano, 1, pr. f. Ulp. — 16, 1, sen. cons. Velleianum, 2, § 1, f. Ulp.

Ad

« PreviousContinue »