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Ne pouvaient, sans faire naufrage,
Ne l'offrir point à sa vertu?

Toutefois, ingrats que nous sommes,
Barbares et dénaturés,

Plus qu'en ce climat où les hommes
Par les hommes sont dévorés,
Toujours nous assaillons sa tête
De quelque nouvelle tempête,
Et d'un courage forcené
Rejetant son obéissance,
Lui défendons la jouissance
Du repos qu'il nous a donné.

La main de cet esprit farouche
Qui, sorti des ombres d'enfer,
D'un coup sanglant frappa sa bouche',
A peine avait laissé le fer,
Et voici qu'une autre perfide,
Où la même audace réside
(Comme si détruire l'État
Tenait lieu de juste conquête),
De pareilles armes s'apprête
A faire un pareil attentat.

O soleil, ô grand luminaire"!
Si jadis l'horreur d'un festin
Fit
que de ta route ordinaire
Tu reculas vers le matin,
Et d'une émerveillable change
Te couchas aux rives du Gange:

4. Il s'agit de Jean Châtel. 2. Cette strophe est belle: le passage est rapide et chaud. Le troisième et le quatrième vers rendent très-bien une belle image. Cette apostrophe pathétique et inattendue est, je crois, ce qu'il y a de plus lyrique dans tout Malherbe. (A. Chenier.)-3. Le festin d'Atrée.-4. Par un changement merveilleux.

D'où vient que ta sévérité
Moindre qu'en la faute d'Atrée,
Ne punit point cette contrée
D'une éternelle obscurité?

Non, non, tu luis sur le coupable,
Comme tu fais sur l'innocent;
Ta nature n'est point capable
Du trouble qu'une âme ressent:
Tu dois ta flamme à tout le monde;
Et ton allure vagabonde,

Comme une servile action

Qui dépend d'une autre puissance,
N'ayant aucune connaissance,
N'a point aussi d'affection.

Au point' qu'il écuma sa rage,
Le dieu de Seine était dehors
A regarder croître l'ouvrage.
Dont le prince embellit ses bords'.
Il se redressa tout à l'heure
Au plus bas lieu de sa demeure;
Et ses nymphes dessus les eaux,
Toutes sans voix et sans haleine,
Pour se cacher furent en peine
De trouver assez de roseaux‘.

Revenez, belles fugitives":

6

De quoi versez-vous tant de pleurs?
Assurez vos âmes craintives,
Remettez vos chapeaux de fleurs.

1. Où il.-2. Fit écumer, déchaîna-3. La grande galerie du Louvre.4. Cette strophe est fort bien. La fin en est charmante C'est une idée trèsingénieuse de faire sortir les dieux de la Seine pour admirer les bâtiments que le roi faisait construire. (A. Chénier.) 5. Ceci est charmant, d'un style frais et plein de grâce. (A. Chénier.) — -6 Pourquoi.

5

Le roi vit, et ce misérable,
Ce monstre vraiment déplorable,
Qui n'avait jamais éprouvé
Que peut un visage d'Alcide,
A commencé le parricide,
Mais il ne l'a pas achevé.

1. Ce que peut.

GOMBAULD.

GOMBAULD (JEAN-OGIER DE), né vers 1568, à Saint-Just-de-Lussac, près de Brouage, était d'une famille distinguée de Saintonge. Il se produisit à la cour de Marie de Médicis, plut à cette princesse par ses vers, et en obtint une pension de 1200 livres, réduite depuis à 400. Son état ne fut jamais au-dessus de la médiocrité. Il l'a luimême représenté dans cette épitaphe épigrammatique :

L'Apollon de nos jours, Malherbe ici repose :

Il a vécu longtemps sans beaucoup de support.
En quel siècle? Passant, je n'en dis autre chose:
Il est mort pauvre, et moi je vis comme il est mort.

Il fut cependant gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Le duc et la duchesse de Montausier l'accueillirent favorablement, et il fut un des beaux esprits de l'hôtel de Rambouillet. Il fut enfin un des premiers membres de l'Académie française.

De tout ce qu'il a fait, on ne lit plus guère que quelques sonnets et ses épigrammes.

Gombauld est mort, en 1666, presque centenairs.

Pour Malherbe, Gombauld, Racan, Voiture, et généralement pour tous les écrivains de ce temps-là, il n'y a pas de sources plus abondantes à consulter que les Historiettes de Tallemant des Réaux.

Jugement des œuvres d'autrui.

Vous lisez les œuvres des autres
Plus négligemment que les vôtres,
Et vous les louez froidement.
Voulez-vous qu'elles soient parfaites?
Imaginez-vous seulement

Que c'est vous qui les avez faites.

Petits auteurs.

On vous donne le privilége,
Petits auteurs, on vous protége,

Et souvent on vous fait du bien :
N'en déplaise aux pouvoirs suprêmes,
Les ouvrages ne valent rien

S'ils ne se protégent eux-mêmes.

Sonnet chrétien.

Monarque souverain des hommes et des anges,
A qui tout doit son être et sa félicité,

Je sens à tous objets mon cœur sollicité
D'ajouter une voix au bruit de tes louanges.

Je suis ravi de voir les richesses étranges
Dont tu pares les cieux, ta superbe cité;
L'ordre des éléments, dont la nécessité
L'entretient chaque jour de contraires échanges.

Mais si de ta grandeur je pense m'approcher,
Dans cet excès de gloire où je te vais chercher,
Mes yeux sont éblouis de clartés nonpareilles :

C'est là que la raison est soumise à la foi. L'homme en vain se travaille à dire tes merveilles : Il faut, pour te comprendre, être Dieu comme toi.

D'un jeune homme estimé fort heureux.

Il se dit noble, il a sa terre;
Il ne va jamais à la guerre;
Il fait visite, il la reçoit ;

Il roule, et pour tous exercices,

Il chasse, il joue, il mange, il boit:
Sont-ce des vertus, ou des vices?

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