Quiconque approche d'elle a part à son martyre, Reviens la voir, grande âme : ôte-lui cette nue, Quelque soir dans sa chambre apparais devant elle, Viens-y tel que tu fus, quand aux monts de Savoie Après cet essai fait, s'il demeure inutile, Pour moi, dont la faiblesse à l'orage succombe, Quoi que pour m'obliger fasse la destinée, 4. Allusion à la fable de Niobé, mère de Sipyle, qui fut changée en rocher après la mort de ses enfants. Consolation à Du Perrier. Ta douleur, Du Perrier, sera donc éternelle! Que te met en l'esprit l'amitié paternelle, Le malheur de ta fille au tombeau descendue, Est-ce quelque dédale où ta raison perdue Je sais de quels appas son enfance était pleine; Injurieux ami, de soulager ta peine Mais elle était du monde, où les plus belles choses Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, Pris, quand ainsi serait que, selon ta prière, D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière, Penses-tu que plus vieille, en la maison céleste Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste, Non, non, mon Du Perrier; aussitôt que la Parque Ote l'âme du corps, L'âge s'évanouit au deçà de la barque, Et ne suit point les morts. Ne te lasse donc plus d'inutiles complaintes; Mais sage, à l'avenir, Aime une ombre comme ombre, et des cendres éteintes Éteins le souvenir. C'est bien, je le confesse, une juste coutume Par le canal des yeux vidant son amertume, Mais d'être inconsolable, et dedans sa mémoire N'est-ce pas se haïr pour acquérir la gloire Priam, qui vit ses fils abattus par Achille, Et hors de tout espoir du salut de sa ville, François, quand la Castille, inégale à ses armes, Sembla d'un si grand coup devoir jeter des larmes Il les sécha pourtant; et, comme un autre Alcide, Fit qu'à ses ennemis, d'un acte si perfide Leur camp, qui la Durance avait presque tarie Entendant sa constance, eut peur de sa furie, 1. François, fils atné de François Ier, étant mort en 1536, on répandit le bruit qu'il avait été empoisonné par les ordres de Charles-Quint. Malherbe admet ce bruit populaire. -2. Leur armée. De moi, déjà deux fois d'une pareille foudre Et deux fois la raison m'a si bien fait résoudre, Non qu'il ne me soit grief1 que la terre possède Mais en un accident qui n'a point de remède, La mort a des rigueurs a nulle autre pareilles; La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles, Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre, Et la garde qui veille aux barrières du Louvre. De murmurer contre elle, et perdre patience, Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science Fin des guerres civiles annoncée : vœux pour La rigueur de ses lois, après tant de licence, 1. Ce mot ne fait qu'une syllabe, ce qui rend le vers extrêmement dur. Grief veut dire pénible, lourd. 2. Extrait de la pièce ayant pour titre Prière pour le roi Henri le Grand qui allait en Limousin. Elle est de 1605. Et sans distinction de richesse ou de race, La terreur de son nom rendra nos villes fortes : Et le peuple qui tremble aux frayeurs de la guerre, Loin des mœurs de son siècle il bannira les vices, La foi de ses aïeux, ton amour et ta crainte3, Tu nous rendras alors nos douces destinées : La moisson de nos champs lassera nos faucilles, 4. N'entendra.-2. Cette strophe n'est pas moins belle que la précédente, et pour le sens et pour tout: peut-être même est-elle plus partaite comme poésie. La belle image que celle du quatrième vers! Il n'y a rien dans notre langue d'un style supérieur à celui de ces trois derniers vers-là. (Commentaire d'André Chénier.) 3. (0 grand Dieu!)-4. Le rassasier. Un grand nombre de mots noblement employés par Malherbe ne pourraient plus être d'usage. -5. Autre strophe pure, harmonieuse, animée, pleine de grace et de |