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par un de ceux qui étaient présens. Il négligea d'abord cet avis; il le méprisa: son affaire ne lui semblait nullement douteuse; ensuite, considérant ce qui était arrivé à Héraclius, et connaissant toute l'iniquité de Verrès, il jugea que le mieux était de quitter secrètement la province. Il le fit donc; il partit pour Rhège.

XXIII. A cette nouvelle, ceux qui avaient donné l'argent se trouvèrent fort embarrassés. Que pouvait-on faire en l'absence d'Epicrate? Héraclius était du moins présent la première fois qu'on lui avait donné des juges: pouvait-on agir contre un homme qui s'était retiré avant qu'on eût paru en justice, avant qu'on eût parlé de contestation juridique? Ils partent pour Rhège; ils vont trouver Epicrate; ils lui représentent ce qu'il savait déjà, qu'ils avaient donné quatrevingt mille sesterces; ils le prient de leur faire rendre l'argent qu'ils avaient déboursé; et de prendre, pour ce qui le regardait, les mesures qu'il jugerait nécessaires, afin que personne ne lui contestât la succession.

Epicrate les reçut très-mal, et les renvoya avec des paroles fort dures. Ils reviennent à Syracuse ; ils se plaignent à beaucoup de monde, comme c'est l'ordinaire. Ils avaient, disentils, déboursé inutilement quatre-vingt mille sesterces. La chose se répand; tout le monde en parle. Fidèle à la méthode qu'il avait suivie à Syracuse, Verrès déclare qu'il voulait connaître des quatre-vingt mille sesterces: il assemble beaucoup de personnes. Les Bidiens disent qu'ils ont donné la somme à Volcatius, sans ajouter que c'était par l'ordre de Verrès. Celui-ci fait venir Volcatius, et lui ordonne de rendre l'argent. Volcatius, qui ne perdait rien, l'apporte très-volontiers; il le rend en présence d'un grand nombre de témoins: les Bidiens emportent la somme...

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cet aliquis, Quid ergo in hoc Verrem reprehendis, qui non modo ipse fur non est, sed ne alium quidem passus est esse? attendite : jam intelligetis hanc pecuniam, qua via modo visa est exire ab isto, eadem semita revertisse. Quid enim? debuit prætor, cum consilio re cognita, cum comperisset, suum comitem, juris, decreti, judicii corrumpendi causa, qua in re ipsius prætoris caput existimatioque ageretur, pecuniam accepisse, Bidinos autem contra prætoris famam ac fortunas dedisse, non et in eum, qui accepisset, animadvertisse, et, in eos, qui dedissent? Tu, qui institueras in eos animadvertere, qui perperam judicassent, quod sæpe per imprudentiam fit: hos pateris impune discedere, qui ob tuum decretum, ob tuum judicium, pecuniam aut dandam, aut accipiendam putarant? Volcatius idem apud te postea fuit, eques romanus, tanta accepta ignominia.

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XXIV. Nam quid est turpius ingenuo, quid minus libero dignum, quam in conventu maximo cogi a magistratu furtum reddere? qui, si eo animo esset, quo non modo eques romanus, sed quivis liber debet esse; adspicere te postea non potuisset, inimicus, hostis esset, tanta contumelia accepta, nisi tecum collusisset, et tuæ potius existimationi servisset, quam suæ : qui quam tibi amicus non modo tum fuerit, quamdiu tecum in provincia fuit, verum etiam nunc sit, cum jam a ceteris amicis sis relictus, et tu intelligis, et nos existimare possumus. An hoc

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Quoi donc ! dira quelqu'un, blâmez-vous ici Verrès qui, loin d'être voleur, n'a pas même souffert qu'un autre le fùt? Ecoutez, Romains, et vous verrez que la somme qui a paru s'éloigner de Verrès, et s'en aller par la grande route, lui est revenue par un sentier détourné. Car enfin, que devait faire le préteur, lorsqu'ayant examiné la chose dans son conseil, il eut découvert que, soit en recevant, soit en donnant une somme pour corrompre les juges, pour vendre ou pour acheter la justice, un officier de sa suite et des citoyens de Bidis avaient compromis son honneur, son rang et sa place? Ne devait-il pas punir et ceux qui avaient donné, et celui qui avait reçu ? Vous, Verrès, qui avez décidé de sévir contre quiconque aurait mal jugé, ce qui arrive souvent par inadvertance, vous laissez impunis ceux qui, pour vendre ou pour acheter vos décrets et vos décisions, se sont permis de donner ou de recevoir de l'argent! On a toujours vu depuis dans la même intimité avec vous, Volcatius, un chevalier romain qui avait essuyé un tel affront.

XXIV. Eh! qu'y a-t-il de plus honteux pour un homme d'honneur 28? qu'y a-t-il de moins fait pour un homme libre, que de se voir forcé par un magistrat, dans une grande assemblée, de rendre un argent pris? Si Volcatius avait eu les sentimens dont se glorifie, je ne dis pas un chevalier romain, mais tout homme libre, aurait-il pu seulement, par la suite, vous regarder? Après avoir reçu de vous. un tel affront, n'eût-il point été votre ennemi, et un ennemi mortel, s'il ne se fût pas entendu avec vous, s'il n'eût pas ménagé votre réputation aux dépens de la sienne? Combien, au contraire, n'a-t-il pas été votre ami pendant tout le temps qu'il est resté avec vous dans votre province? Combien ne l'est-il pas encore, à présent que vos autres amis vous ont

solum argumentum est, nihil isto imprudente factum, quod Volcatius ei non succensuit? quod iste nec in Volcatium, nec in Bidinos animadvertit? Est magnum argumentum : verum illud maximum, quod illis ipsis Bidinis, quibus iratus esse debuit, ut a quibus comperit, quod jure agere cum Epicrate nihil possent, etiamsi adesset, idcirco suum decretum pecunia esse tentatum: his, inquam, ipsis non modo illam hereditatem, quæ Epicrati venerat; sed, ut in Heraclio syracusano, item in hoc, paullo etiam atrocius, quod Epicrates appellatus omnino non erat; bona patria fortunasque ejus Bidinis tradidit: ostendit enim novo modo, si quis quid ab absente peteret, se auditurum. Adeunt Bidini, petunt hereditatem : procuratores postulant, ut se ad leges suas rejiciat, aut ex lege Rupilia dicam scribi jubeat. Adversarii non audebant contra dicere: exitus nullus reperiebatur. Insimulant hominem fraudandi causa discessisse postulant, ut bona possidere liceat. Debebat Epicrates nullum nummum nemini : amici, si quis quid peteret,' judicium se passuros; judicatum solvi satisdaturos esse dicebant.

I

XXV. Cum omnia (judicia) frigerent; admonitu

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abandonné ? Vous ne pouvez le dissimuler, et nous en pouvons juger par nous-mêmes.

Mais de ce que Volcatius ne lui en a pas voulu, de ce que lui-même n'a sévi ni contre Volcatius, ni contre les Bidiens, est-ce la seule preuve que rien ne s'est fait à son insu? C'est sans doute une preuve convaincante; mais voici la meilleure de toutes. Verrès devait être irrité contre les Bidiens; il avait découvert que, dans l'impuissance de poursuivre Epicrate en justice, eût-il même été présent, ils avaient essayé d'extorquer du préteur un décret en prodiguant l'or: toutefois, ik ne se contenta pas de livrer aux Bidiens même la succession échue à Epicrate; mais, ainsi qu'il avait fait pour Héraclius de Syracuse, et avec une injustice encore plus révoltante, puisque Epicrate n'avait pas même été ajourné, il livra aux Bidiens le patrimoine et toute la fortune de leur compatriote. Il fit voir, ce qui était sans exemple, qu'il recevrait les revendications faites contre un absent. Les Bidiens se présentent à son tribunal; ils revendiquent la succession. Ceux qui parlaient pour Epicrate, demandent à Verrès qu'il les renvoie à leurs lois, et qu'il fasse juger l'affaire d'après la loi Rupilia. Les adversaires n'osaient rien opposer: on ne trouvait aucun expédient. Ils accusent Epicrate d'être parti pour frustrer ses créanciers; ils demandent qu'on les mette en possession de ses biens. Epicrate ne devait une obole à personne. Ses défenseurs consentaient à être poursuivis eux-mêmes pour les dettes qu'on répéterait en justice, et à répondre des sommes auxquelles leur ami aurait été condamné.

XXV. Comme les poursuites se refroidissaient, les adversaires, par le conseil de Verrès, imaginent d'accuser Epicrate

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