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jour où, selon le règlement et d'après la loi Rupilia, il tirerait des juges au sort dans la ville de Syracuse: il était venu préparé pour cette question. Héraclius lui représente qu'il ne pouvait élire des juges dans ce jour : la loi Rupilia défendait de les élire pendant les trente jours de l'ajournement; or, les trente jours n'étaient pas encore expirés. S'il évitait ce jour-là, Héraclius espérait qu'Arrius, alors attendu par la province avec impatience, viendrait succéder au préteur avant qu'il pût faire l'élection. Verrès fixa donc le trentième jour, et renvoya tous les jugemens qui tombaient à cette époque, afin de pouvoir tirer des juges au sort pour Héraclius, après trente jours, conformément à la loi. Le jour venu, il se dispose comme s'il voulait tirer au sort. Héraclius, accompagné d'une troupe de ses amis, va le trouver, et demande qu'il lui soit permis de discuter son affaire avec les académistes, c'est-à-dire avec le peuple de Syracuse, d'après les lois de cette ville". Les adversaires demandent qu'on leur donne des juges pris dans les villes qui ressortissaient au tribunal de Syracuse, les juges que Verrès voudrait leur donner. Héraclius persiste à demander qu'on lui donne des juges d'après la loi Rupilia, qu'on respecte les règlemens des prédécesseurs, l'autorité du sénat, et la jurisprudence de tous les Siciliens.

XVI. Pourquoi parler de la partialité de Verrès et de ses prévarications odieuses dans l'administration de la justice? Qui de vous n'a point su de quelle manière il la rendait à Rome, lorsqu'il était préteur? Qui jamais, durant sa préture, a pu défendre son droit suivant les règles contre le gré de la Chélidon *? Ce n'est point la province qui l'a gâté,

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clius, jus esse certum Siculis, inter se quo jure certarent, legem esse Rupiliam, quam P. Rupilius consul de decem legatorum sententia dedisset: hoc omnes semper in Sicilia consules prætoresque servasse: negavit se judices e lege Rupilia sortiturum : quinque judices, quos commodum ipsi fuit, dedit. Quid hoc homine facias? quod supplicium dignum libidini ejus invenias? Præscriptum tibi cum esset, homo deterrime et impudentissime, quemadmodum inter siculos judices dares : cum imperatoris populi romani auctoritas, legatorum decem, summorum hominum, dignitas, senatus-consultum intercederet, cujus consulto P. Rupilius de X legatorum sententia leges in Sicilia constituerat: cum omnes ante te prætorem, Rupilias leges et in ceteris rebus et in judiciis maxime observassent: tu ausus es pro nihilo præ tua præda tot res sanctissimas ducere? tibi nulla lex fuit? nulla religio? nullus existimationis pudor? nullus judicii metus? nullius apud te gravis auctoritas? nullum exemplum, quod sequi velles? Verum, ut institui dicere, quinque judicibus nulla lege, nullo instituto, nulla religione, nulla sorte, ex libidine istius datis, non qui causam cognoscerent, sed qui, quod imperatum esset, judicarent; eo die nihil actum est, adesse jubentur postridie.

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comme quelques-uns ; il s'y est montré ce qu'il était à Rome. Héraclius représentait (chose connue de tout le monde) que les Siciliens avaient une jurisprudence réglée, suivant laquelle ils devaient terminer entre eux leurs procès; qu'il existait une loi Rupilia, que le proconsul Rupilius, de l'avis des dix députés, avait donnée en vertu d'un sénatus-consulte; qu'en Sicile tous les consuls et préteurs avaient toujours observé cette loi : Verrès déclara qu'il ne tirerait point de juges au sort d'après la loi Rupilia; il donna cinq juges à sa volonté.

Comment punir un audacieux qui se joue de la justice? Comment trouver un supplice qui réponde à ses prévarications? O le plus pervers et le plus effronté des hommes ! On avait réglé les juges que vous deviez donner dans une affaire entre Siciliens; on avait fait intervenir l'autorité d'un général du peuple romain *, la dignité de dix députés illustres, un sénatus-consulte d'après lequel Rupilius avait établi des lois en Sicile de l'avis des dix députés. Tous vos prédécesseurs avaient observé en tout les lois Rupilia, mais principalement dans les contestations judiciaires, et vous avez sacrifié à un vil intérêt toutes ces considérations; vous n'avez tenu compte ni de la disposition des lois, ni de la religion des traités ; vous n'avez eu nul égard à l'opinion publique, nulle crainte des jugemens, nul respect pour l'autorité d'aucun homme; vous n'avez voulu vous régler sur aucun exemple. Mais pour revenir à ce que je disais, Verrès avait donné cinq juges sans égard aux lois et aux règlemens, sans tirer au sort, sans permettre de récuser, uniquement au gré de sa passion; Verrès, dis-je, avait donné cinq juges, non pour examiner la cause,

* Ce général du peuple romain était Rupilius, nommé plus bas. Rupilius fut proconsul; et c'est dans ce sens qu'il faut entendre le mot latin prætor.

XVII. Heraclius interea, cum omnes insidias a præ tore fortunis suis fieri videret, capit consilium de amicorum et propinquorum sententia, non adesse ad judicium: itaque Syracusis illa nocte profugit. Iste postero die mane, cum multo maturius, quam umquam antea, surrexisset: judices citari jubet: ubi comperit Heraclium non adesse, cogere incipit eos, ut absentem Heraclium condemnarent. Illi eum commonefaciunt, ut, si ei videatur, utatur instituto suo, nec cogat ante horam decimam de absente secundum præsentem judicare: impetrant. Interea sane perturbatus et ipse, et ejus amici et consiliarii, moleste ferre cœperunt, Heraclium profugisse : putabant absentis damnationem, præsertim tantæ pecuniæ, multo invidiosiorem fore, quam si præsens damnatus esset. Eo accedebat, quod judices e lege Rupilia dati non erant; multo etiam rem turpiorem et iniquiorem visum iri intelligebant. Itaque hoc dum corrigere vult, apertior ejus cupiditas improbitasque facta est. Nam illis quinque judicibus uti sese negat: jubet, id quod initio e lege Rupilia fieri oportuerat, citarį Heraclium, et eos, qui dicam scripserant: alt, se judices e lege velle sortiri. Quod ab eo pridie, cum multis lacrymis eum oraret atque obsecraret Heraclius, impetrare non potuerat: id ei postera die venit in mentem, e lege Rupilia sortiri dicas opor

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ou pour la juger comme il leur serait prescrit; il ne fut rien fait ce jour-là; ou leur ordonne de s'assembler le lendemain.

XVII. Cependant Héraclius voyant que le préteur en voulait à toute sa fortune, de l'avis de ses parens et amis, prend la résolution de ne pas se trouver au jugement. Il s'enfuit donc de Syracuse pendant la nuit. Le lendemain matin, Verrès se lève bien plus tôt qu'il n'avait jamais fait; il ordonne qu'on fasse venir les juges. Héraclius ne se présentait pas; il veut les contraindre à condamner Héraclius absent. Ces juges l'avertissent de se conformer, s'il le trouvait bon, à son propre édit, de ne pas les contraindré à prononcer contre l'absent en faveur du présent, avant la dixième heure du jour ; ils obtiennent leur demande.

Verrès cependant était déconcerté, aussi bien que ses amis et son conseil; ils voyaient avec peine qu'Héraclius se fût enfui. Condamner un homme absent pour une aussi considérable succession, leur paraissait une chose beaucoup plus odieuse que s'il eût été condamné présent. D'ailleurs, comme on avait donné des juges sans se conformer à la loi Rupilia, ils concevaient que le jugement paraîtrait bien plus criant encore et plus inique. En voulant corriger sa faute, Verrès ne fit que manifester davantage sa perversité et sa cupidité. Il annonce qu'il ne se servira pas des cinq juges; il ordonne, ce qu'il aurait dû faire d'abord d'après la loi Rupilia, qu'on cite Héraclius et ceux qui l'avaient fait ajourner; il déclare qu'il voulait tirer des juges au sort d'après la loi. Ce qu'Héraclius n'avait pu obtenir la veille en le priant et le suppliant avec larmes, lui vint à l'esprit le lendemain, qu'il fallait tirer des juges au sort d'après la loi Rupilia. Il tire de l'urne les noms des trois juges, auxquels il ordonne de condamner Héraclius absent. Ils le condamnent.

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