Page images
PDF
EPUB

blé recueillie dans tous les territoires sujets aux dîmes; car je parcours toutes les villes qui doivent des dîmes, et je m'occupe maintenant à montrer, non comment chaque agriculteur en particulier a été entièrement ruiné, mais comment les peuples ont donné des pots-de-vin aux décimateurs, pour qu'avec ce surcroît de gain, ils se retirassent de leurs villes et de leurs campagnes, satisfaits et assouvis.

XLIII. Pourquoi, Verrès, dans votre troisième année, avez-vous exigé des habitans de Calacte que les dîmes de leur territoire, qu'ils livraient ordinairement dans la ville même, ils les portassent à Amestra au décimateur Césius; ce qu'ils n'avaient point fait avant votre préture, et ce que vous n'aviez point réglé vous-même durant deux années? Pourquoi avez-vous déchaîné contre le territoire de Mutya un Théomnaste? Ce Syracusain a tellement vexé les agriculteurs, qu'ils étaient forcés par la disette, ce que je montrerai aussi pour d'autres villes, d'acheter du blé pour la seconde dîme. Vous verrez, Romains, par les arrangemens que les citoyens d'Hybla ont faits avec le décimateur Sergius, qu'on a enlevé aux agriculteurs six fois 48 autant de blé qu'ils en avaient semé. Greffier, lisez dans les registres publics le produit des terres ensemencées: ARRANGEMENS FAITS AVEC L'ESCLAVE DE Vénus.

Ecoutez encore, Romains, les déclarations de terres ensemencées et les arrangemens des citoyens de Ména avec l'esclave de Vénus. Greffier, lisez : EXTRAIT DES REGISTRES

PUBLICS.

Souffrirez-vous, Romains, que vos alliés, que vos laboti-, reurs, que des hommes qui travaillent pour vous, qui vous consacrent leurs peines, qui, en nourrissant le peuple de Rome, veulent du moins qu'il leur reste assez pour se nourrir

[ocr errors]

viunt, qui ita plebem romanam ab sese ali volunt, ut sibi ac liberis suis tantum supersit, quo ipsi ali possunt; ab his, per summam injuriam, per acerbissimas contumelias, plus aliquanto ablatum esse, quam natum sit? Sentio, judices, moderandum mihi esse jam orationi meæ, fugiendamque vestram satietatem non versabor in uno genere diutius, et ita cetera de oratione mea tollam, ut tamen in causa relinquam. Audietis Agrigentinorum, fortissimorum virorum, diligentissimorumquequerimonias: cognoscetis, judices, Entellinorum, summi laboris summæque industriæ, dolorem et injurias: Heracliensium, Gelensium, Soluntinorum incommoda proferentur: Catinensium, locupletissimorum hominum amicissimorumque, agros vexatos ab Apronio cognoscetis: Tyndaritanam, nobilissimam civitatem, Cephaleditanam, Halentinam, Apolloniensem, Eggynam, Capitinam, perditas esse hac iniquitate decumarum intelligetis: Murgentinis, Assorinis, Elorinis, Ennensibus, Letinis, nihil omnino relictum: Citarinos, Acherinos, parvarum civitatum homines, omnino abjectos esse ac perditos: omnes denique agros decumanos per triennium populo romano ex parte decuma, C. Verri ex omni reliquo vectigales fuisse : et plerisque aratoribus nihil omnino superfuisse : si cui quid aut remissum, aut relictum sit, id fuisse tantum, quantum ex eo, quo istius avaritia contenta fuit, redundarit.

* Solentinorum,

eux et leurs enfans? souffrirez-vous qu'on les traite aussi indignement, qu'on les accable d'outrages, et qu'on leur enlève plus qu'ils n'ont recueilli ? Je sens, Romains, qu'il est temps de m'arrêter, et que je dois prévenir vos dégoûts. Je ne m'étendrai pas davantage sur un seul chef d'accusation; mais, en supprimant les autres faits dans mon discours, je les laisserai dans la cause. Vous entendrez les plaintes des Agrigentins, ces hommes aussi braves qu'agriculteurs vigilans. Vous apprendrez les afflictions et les vexations qu'ont essuyées les habitans actifs et laborieux d'Entelle. On vous montrera les maux qu'ont soufferts les citoyens d'Héraclée, de Géla, de Solonte; vous saurez que les campagnes des habitans de Catane, ces hommes riches, qui nous sont dévoués, ont été ravagées par Apronius. Vous verrez que la ville célèbre de Tyndare, que les villes de Céphalède, d'Halence, d'Apollonie, d'Eggyne, 49 de Capitine, ont été ruinées totalement par les exactions des décimateurs ; qu'on n'a rien laissé aux peuples de Marcone, d'Assore, d'Eloris, de Létine; que les petites villes de Citares et d'Acharis ont été saccagées et désolées; qu'enfin, pendant trois ans, toutes les campagnes sujettes aux dîmes ont été tributaires du peuple romain pour la partie des dîmes, et de Verrès pour tout le reste. La plupart des laboufeurs ont tout perdu absolument ; et si on a remis ou laisse quelque chose à quelqu'un d'eux, c'était seulement ce qui pouvait rester encore, la cupidité de Verrès étant remplie et

assouvie.

[ocr errors]

XLIV. Duarum mihi civitatum reliquos feci agros, judices, fere optimos ac nobilissimos, Ætnensem et Leontinum. Horum agrorum ego missos faciam quæstus triennii: unum annum eligam, quo facilius id, quod institui, explicare possim. Sumam annum tertium, quod et recentissimus est, et ab isto ita administratus, ut, cum se certe decessurum videret, non laboraret, si aratorem nullum in Sicilia omnino esset relicturus. Agri Ætnensis et Leontini decumas agemus. Attendite, judices, diligenter. Agri sunt feraces: annus tertius: decumanus Apronius. De Ætnensibus perpauca dicam: dixerunt enim ipsi priore actione publice. Memoria tenetis, Artemidorum Ætnensem, legationis ejus principem, publice dicere, Apronium venisse Ætnam cum Veneriis vocasse ad se magistratum: imperasse, ut in foro sibi medio lecti sternerentur: quotidie solitum esse non modo in publico, sed etiam de publico convivari cum in eis conviviis symphonia caneret, maximisque poculis ministraretur, retinere solitum esse aratores, atque ab iis non modo per injuriam, sed etiam per contumeliam, tantum exprimi frumenti, quantum Apronius imperasset. Audistis hæc, judices, quæ nunc ego omnia prætereo ac relinquo. Nihil de luxuria Apronii loquor, nihil de insolentia, nihil de singulari nequitia ac turpitudine: tantum de quæstu ac lucro dicam unius agri et unius anni, quo facilius vos conjecturam de triennio, et de tota Sicilia facere possitis. Sed mihi Ætnensium brevis

:

XLIV. Je n'ai plus à parler que de deux villes dont les territoires sont à peu près les meilleurs et les plus fameux, Etna* et Léontini. Je ne parlerai pas des gains que Verrès a faits sur ces territoires pendant trois ans; je ne prendrai qu'une année seule, afin de pouvoir plus facilement développer ce que je me suis proposé de dire. Je choisirai la troisième année, parce que c'est la plus récente, et que Verrès s'est conduit alors comme étant près et assuré de quitter sa province, comme ne s'embarrassant pas s'il y laisserait un seul cultivateur. Je vais donc m'occuper des dîmes d'Etna et de Léontini. Je vous demande, Romains, toute votre attention: il s'agit de cantons fertiles; c'est la troisième année; le décimateur est Apronius.

Je dirai fort peu de chose des habitans d'Etna: dans la première audience, ils ont déposé eux-mêmes au nom de leur ville. Vous vous le rappelez, Artémidore, d'Etna, chef de la députation, disait, au nom de sa ville, qu'Apronius était venu à Etna avec des esclaves de Vénus; qu'il avait mandé les magistrats, leur avait ordonné de lui dresser des tentes 5o au milieu de la grande place; qu'il faisait tous les jours des festins en public, et aux dépens du public, festins où régnaient de bruyans concerts, où se servaient de grandes coupes ; qu'on y mandait les cultivateurs, qu'on leur faisait donner injustement, et même avec outrage, autant de blé qu'en exigeait Apronius. Vous avez entendu, Romains, certifier par des dépositions, tous ces faits que je laisse maintenant et que je supprime. Je ne dis rien du faste d'Apronius, de son insolence, de ses débauches outrées et de ses infamies; je me borne à parler des gains qu'il a faits sur un seul territoire et dans une seule année; vous en pourrez plus aisément tirer Voyez Strabon, liv. VI.

.

« PreviousContinue »