Page images
PDF
EPUB

voici une preuve incontestable qui vous fera juger plus facilement de son impudence extrême. Le jour qu'il mit le pied dans la Sicile (voyez s'il était assez préparé pour piller la province dans toute son étendue, et si à Rome on avait bien tiré les présages), il écrivit aussitôt de Messine à Halèse. Je pense qu'il avait fait la lettre en Italie; car, dès qu'il fut débarqué, il prit des mesures pour faire comparaître devant lui Dion, citoyen d'Halèse; il voulait connaître, disait-il, d'une succession qu'Apollodore Laphiron, un des parens de Dion, avait laissée au fils de ce même homme. C'était, Romains une riche succession. Le Dion dont je parle est celui qui vient d'obtenir le droit de cité romaine, à la recommandation de Quintus Métellus. On vous a prouvé dans la première plaidoirie, par la déposition de bien des personnages distingués, et par quantité de registres, qu'il avait compté onze cent mille sesterces pour obtenir de Verrès le gain d'une cause qui n'offrait pas le moindre doute qu'ainsi, sans parler de très-belles cavales enlevées dans ses haras, sans parler de şa maison dépouillée de tout ce qu'il y avait de vases d'argent et de tapis, Dion avait perdu onze cent mille sesterces par la raison seule qu'il lui était échu une succession.

*

Mais sous quel préteur cette succession était-elle échue au fils de Dion? Sous le même qu'il en était échu une à Annia, fille du sénateur Annius, et une encore au sénateur Ligur ; sous Caïus Sacerdos. Quelqu'un avait-il alors inquiété Dion? Pas plus que l'on n'avait inquiété Ligur sous Sacerdos. Et qui est-ce qui a déféré Dion à Verrès? Personne, à moins que vous ne pensiez qu'il se soit trouvé des délateurs dans le détroit même.

VIII. Il était encore dans Rome quand il apprit qu'il était * 137,500 liv.

2

siculo permagnam venisse hereditatem: heredem statuas jussum esse in foro ponere: nisi posuisset, Veneri Erycinæ esse multatum. Tametsi posita essent ex testamento: putabat tamen, quoniam Veneris nomen esset, causam pecuniæ se reperturum. Itaque apponit, qui petat Veneri Erycinæ illam hereditatem: non enim quæstor1 petiit (ut est consuetudo) is, qui * Erycinum montem obtinebat: petit Nævius Turpio quidam, istius excursor et emissarius, homo omnium ex illo conventu quadruplatorum deterrimus, C. Sacerdote prætore condemnatus injuriarum. Etenim erat ejusmodi causa, ut ipse prætor, cum quæreret calumniatorem, paullo tamen considerationem reperire non posset. Hunc hominem Veneri absolvit : sibi condemnat; maluit videlicet homines peccare, quam deos se potius a Dione, quod non licebat, quam Venerem, quod non debebatur, auferre. Quid ego hic nunc Sex. Pompeji Chlori testimonium recitem, qui causam egit Dionis? qui omnibus rebus interfuit; hominis honestissimi, tametsi civis romanus virtutis causa jamdiu est, tamen omnium Siculorum primi ac nobilissimi. Quid ipsius Q. Cæcilii Dionis, hominis probatissimi ac pudentissimi? Quid L. Vetecillii Liguris, T. Manlii, L. Caleni? quorum omnium testimoniis de hac Dionis pecunia confirmatum est, Dixit hoc idem M. Lucullus, se de his Dionis incommodis pro hospitio, quod sibi cum eo esset, jam ante cognosse. Quid? Lucullus, qui tum in Macedonia

[ocr errors]
[blocks in formation]

10

échu une riche succession à un certain Dion, sicilien; que l'héritier était chargé de poser des statues dans la place publique, sous peine, s'il y manquait, d'être condamné à une amende envers Vénus Erycine. Les statues avaient été posées en vertu du testament; il croyait cependant que le nom seul de Vénus lui fournirait le moyen de tirer quelque profit pécuniaire. Il aposte donc quelqu'un pour réclamer la succession au nom de Vénus Erycine car elle fut réclamée, non, suivant l'usage, par le questeur qui avait dans son département le mont Eryx mais par un certain Névius Turpio, agent de Verrès et son émissaire, le plus odieux de tous les délateurs de sa troupe, qui, sous la préture de Sacerdos, s'était vu condamné pour des violences. Telle était la nature de la cause, que le préteur lui-même, cherchant un accusateur, ne put trouver personne d'une certaine considération. L'accusé est déclaré quitte envers la déesse et débiteur de Verrès ". Celui-ci aima mieux, sans doute, charger d'une faute les hommes que les dieux, et enlever lui-même à Dion ce qu'il n'était pas plus en droit de lui prendre, que laisser emporter à Vénus ce qui ne lui était pas dû.

Qu'est-il besoin de faire lire la déposition de Sextus Pom péius Chlorus qui s'est trouvé à toute cette affaire, qui même a plaidé la cause de Dion? C'est un personnage fort distingué; et, quoique son mérite nous l'ait fait adopter depuis long-temps pour citoyen, tous les Siciliens le regardent toujours comme le plus illustre, comme le premier d'entre eux. Qu'est-il besoin de citer la déposition de Dion lui-même, homme plein d'honneur et de probité? celles de L. Vétécillius Ligur, de T. Manlius, de L. Calénus? Tcus, dans leurs témoignages, ont parlé de l'argent donné par Dion à Verrès.

fuit, melius hæc cognovit, quam tu, Hortensi, qui Romæ fuisti? Ad quem Dio confugit? Qui de Dionis injuriis gravissime per litteras cum Verre questus es? Nova tibi hæc sunt, et inopinata? nunc primum hoc aures tuæ crimen accipiunt? Nihil ex Dione, nihil ex socru tua, fœmina primaria, Servilia, vetere Dionis hospita, audisti? Nonne multa mei testes, quæ tu scis, nesciunt? Nonne te mihi testem in hoc crimine eripuit non istius innocentia, sed legis exceptio? TESTIMONIA M. LUCULLI, CHLORI, DIONIS.

IX. Satisne vobis magnam pecuniam Venerius homo, qui e Chelidonis sinu in provinciam profectus esset, Veneris nomine quæsisse videtur? Accipite aliam in minore pecunia non minus impudentem calumniam. Sosippus et Epicrates fratres sunt agyrinenses. Horum pater abhinc duo et xx annos est mortuus in cujus testamento, quodam loco, si commissum quid esset, multa crat Veneri: ipso xx anno, cum tot interea prætores, tot quæstores, tot calumniatores in provincia fuissent, hereditas ab his Veneris nomine petita est. Causam Verres cog

Petita non est.

[ocr errors]

Marcus Lucullus* a déposé de même. Il y avait long-temps, disait-il, que, vu les liens de l'hospitalité qui les unissaient ensemble, Dion l'avait instruit de ses malheurs. Mais, je vous le demande, Hortensius, Lucullus, alors en Macédoine, étaitil mieux instruit de ces faits que vous qui étiez à Rome, à qui Dion a eu recours, qui, dans une lettre écrite à Verrès, vous êtes plaint avec force de l'injustice faite à Dion? Ces faits pour vous sont-ils nouveaux et inattendus? Est-ce aujourd'hui pour la première fois que vos oreilles sont frappées de ce délit ? N'avez-vous rien appris par Dion, rien par Servilia, votre belle-mère, dame du premier rang, anciennement unie avec Dion par l'hospitalité? Ne savez-vous pas là-dessus bien des choses que mes témoins ignorent? Et, ce qui m'empêche de vous avoir pour témoin dans ce délit particulier, n'est-ce pas la défense ** de la loi plutôt que l'innocence de Verrès? Greffier, lisez les dépositions de Lucullus, de Chlorus et de Dion.

Le greffier lit:

IX. Ce favori de Vénus, qui des bras de sa Chélidon est passé dans sa province, vous paraît-il, Romains, avoir extorqué une somme assez forte au nom de Vénus? Ecoutez une injustice non moins criante dans une succession moins considérable. Sosippe et Epicrate sont deux frères de la ville d'Agyrone. Leur père, mort depuis vingt ans, avait marqué dans un endroit de son testament que, si ses fils manquaient à remplir quelque condition, ils paieraient à Vénus une certaine somme. C'est la vingtième année même, lorsque dans l'inter

* Marcus Térentius Lucullus, frère de Lucius Lucullus, commanda dans la Macédoine et en triompha.

** La loi ne permettait pas à un accusateur d'exiger le témoignage du défenseur de l'accusé.

« PreviousContinue »