Page images
PDF
EPUB

connaissent-ils que sur des discours et des bruits publics; qu'ils sachent maintenant que, sous prétexte de blés, Verrès a enlevé des sommes immenses; ils verront en même temps quelle est l'effronterie du personnage d'oser se vanter que la seule augmentation des dîmes pourrait le faire triompher de toutes mes attaques.

XX. Il y a long-temps, Romains, que nous avons entendu dire, et je soutiens qu'il n'est aucun de vous à qui on n'ait dit souvent, que les décimateurs étaient les associés du préteur. C'est, selon moi, la seule chose qu'il y ait de faux dans les rapports faits contre Verrès par ceux qui ne jugeaient pas de lui avantageusement. On doit regarder comme associés ceux entre qui les profits se partagent: or, je le soutiens, toutes les récoltes, toutes les fortunes des agriculteurs n'étaient que pour Verrès. Apronius, les esclaves de Vénus, dont sa préture a fait une nouvelle espèce de fermiers publics, et les autres collecteurs, n'étaient que les agens de son trafic et les ministres de ses rapines. Comment le prouvez-vous, me dira-t-on ? Comme j'ai prouvé qu'il avait volé dans la réparation des colonnes *. Sans doute, par cela surtout qu'il avait porté une loi injuste et nouvelle. Car qui jamais entreprit de changer toutes les lois et toutes les coutumes, pour n'en tirer que du blâme sans profit? Je vais pousser plus loin mon raisonnement. Vous adjugiez les dîmes par une loi injuste, afin d'en hausser l'adjudication. Mais pourquoi, lorsque les dîmes étaient adjugées, lorsqu'on ne pouvait plus augmenter la somme des dîmes, mais bien votre profit; pourquoi voyait-on

* Du temple de Castor. Voyez la première Action contre Verrès, nomb. LIV.

edicta? nam ut vadimonium decumano, quocumque is vellet, promitteretur : ut ex area, nisi pactus esset, arator ne tolleret: ut ante kalend. sext. decumas deportatas haberet : hæc omnia, venditis decumis, anno tertio te edixisse dico: quæ si reipublicæ causa faceres, in vendundo essent pronuntiata: quia tua causa faciebas, quod erat imprudentia prætermissum, id quæstu ac tempore admonitus reprehendisti. Illud vero cui probari potest? te sine tuo quæstu, ac maximo quæstu, tantam tuam infamiam, tantum capitis tui fortunarumque periculum neglexisse; ut, cum totius Siciliæ quotidie gemitus querimoniasque audires; cum, ut ipse dixisti, reum te fore putares; cum hujusce judicii discrimen ab opinione tua non abhorreret: paterere tamen aratores indignissimis injuriis vexari ac diripi? profecto, quamquam ex singulari crudelitate et audacia, tamen abs te totam alienari provinciam, tot homines honestissimos tibi inimicissimos fieri nolles, nisi hanc rationem et cogitationem salutis tuæ, pecuniæ cupiditas, ac præsens illa præda superaret. Etenim, quoniam summam et numerum injuriarum, judices, vobis non possum exponere; singillatim autem de uniuscujusque incommodo dicere infinitum est: genera ipsa injuriarum, quæso, cognoscite.

[blocks in formation]

éclore tout à coup et par occasion de nouvelles ordonnances? Oui, ces ordonnances qui permettaient aux décimateurs d'ajourner le cultivateur où il voulait, qui défendaient au cultivateur de transporter son blé de l'aire avant qu'il se fût arrangé, qui enjoignaient de porter les dîmes avant le mois d'août, je dis que vous les avez faites la troisième année de votre préture, lorsque les dîmes étaient déjà adjugées. Si vous aviez eu en vue l'avantage de la république, vous les auriez publiées en adjugeant les dîmes : mais vous ne songiez qu'à votre avantage personnel; et alors, ce que vous aviez omis par mégarde, vous l'avez réformé, averti par votre intérêt et par la circonstance. Mais à qui peut-on persuader que, sans un gain pour vous, et un gain considérable, vous vous soyez exposé légèrement à subir une telle infamie, à courir de tels risques pour votre honneur et pour votre existence civile ? Chaque jour, vous entendiez les gémissemens et les plaintes de toute la Sicile : vous vous attendiez, comme vous l'avez dit, à être accusé ; vous n'étiez pas sans inquiétude sur le péril où vous jetterait l'accusation, et vous auriez souffert que les laboureurs fussent vexés et pillés d'une manière si injuste et si odieuse! Assurément, quoique vous soyez d'une audace et d'une dureté sans exemple, vous n'auriez pas néanmoins voulu soulever contre vous toute la Sicile, vous faire des ennemis de tant d'hommes si riches et si recommandables, si l'amour de l'argent et l'appât d'un gain actuel n'eussent étouffé en vous toute autre réflexion, ne l'eussent emporté dans votre esprit sur la considération même de votre sûreté.

Il serait trop long, Romains, de détailler les dommages qu'a essuyés chaque particulier de la province; je ne pourrais faire une énumération exacte de toutes les vexations de Verrès; je me borne donc à quelques traits que voici.

XXI. Nympho est Centuripinus, homo navus et industrius, experientissimus ac diligentissimus arator. Is cum arationes magnas conductas haberet (quod homines etiam locupletes, sicut ille est, in Sicilia facere consueverunt), easque magna impensa, magno instrumento tueretur : tanta ab isto iniquitate oppressus est, ut non modo arationes relinqueret, sed etiam ex Sicilia profugeret, Romamque una cum multis ab isto ejectis veniret : fecit ut decumanus Nymphonem negaret, ex edicto illo præclaro, quod nullam ad aliam rem, nisi ad hujusmodi quæstus pertinebat, numerum jugerum professum esse. Nympho cum se vellet æquo judicio defendere, iste viros optimos recuperatores dat, eundem illum medicum Cornelium (is est Artemidorus Pergæus, qui in sua patria dux isti quondam, et magister ad despoliandum Dianæ templum fuit), et haruspicem Volusianum, et Valerium præconem. Nympho, antequam plane constitit, condemnatur. Quanti, fortasse quæritis: nulla erat edicti pœna certa : frumenti ejus omnis, quod in areis esset. Sic Apronius decumanus, non decumam debitam, non frumentum remotum atque celatum; sed tritici septem millia medimnum ex Nymphonis arationibus, edicti poena, non redemptionis aliquo jure tollit.

XXII. Xenonis Meneni, nobilissimi hominis, uxoris fundus erat colono locatus: colonus, quod decumanorum injurias ferre non poterat, ex agro profugerat. Verres in Xenonem judicium dabat illud suum

XXI. Nymphon, de Centorbe, est un homme actif et industrieux, cultivateur très-vigilant et fort entendu. Il avait pris à ferme une quantité considérable de terres, suivant l'usage pratiqué en Sicile même par les hommes qui, comme lui, ont de la fortune : il n'épargnait, pour les faire valoir, ni dépenses ni instrumens de labourage : les énormes vexations de Verrès le contraignirent d'abandonner toute culture; il s'enfuit même de Sicile, et vint à Rome avec beaucoup d'autres qu'avait chassés le préteur. D'après l'instigation de Verrès, d'après cette belle ordonnance qui n'était faite que pour ces sortes de rapines, Apronius prétendit que Nymphon n'avait pas déclaré le nombre de ses arpens. Nymphon voulait se défendre en justice réglée; le préteur donne pour commissaires de parfaits honnêtes gens, son médecin 22 Cornélius (c'est le même qui, sous le nom d'Artémidore, dans Perga sa patrie, avait aidé si puissamment Verrès à piller le temple de Diane), Volusius l'aruspice, et Valérius le crieur public. Avant que le délit pût être bien établi, Nymphon est condamné. Vous demandez peut-être à combien ? Il n'y avait pas de peine fixée par l'ordonnance. Il est condamné à donner tout le blé qu'il avait récolté. Ainsi, le décimateur Apronius, en vertu de l'ordonnance, et non par aucun droit de son bail, enlève non la dîme qui était due, non le blé qui avait été détourné et caché, mais toute la récolte de Nymphon, sept mille médimnes * de blé.

XXII. Xénon Ménenus était un personnage des plus qualifiés. Un champ appartenant à sa femme avait été affermé à un homme qui, ne pouvant tenir contre les vexations des

* Le médimne, selon le père Montfaucon, est une mesure de six setiers.

[ocr errors]
« PreviousContinue »